Le soleil se leva doucement, illuminant les fraiches feuilles encore humides de la nuit. L'oiseau solitaire, réveillé de sa nuit, chantonna en s'envolant dans le ciel sans nuage. Les rebelles ainsi nommés, se réveillèrent à leur tour dans un silence mort. Nul n'osa parler jusqu'à ce que la fin d'un loup ne l'obligea.

- Je vais me dégourdir les pattes, lança Jennifer en se transformant.

- Ok ça! C'est démant! S'exclama Guillaume en souriant.

- On devrait peut être manger nous aussi non ?

- J'y vais!

- Où ça ?

- Ben au village tiens!

- T'es folle, ils vont te choper!

- Thomas, ils ne savent toujours pas qui je suis et puis, c'est pas comme si c'était la première fois que je le faisais, lui souria Mary-Jane.

- Ok alors je viens avec toi!

- Non laisse, je vais avec elle. Tu es tellement discret que vous vous ferrez reperer en moins de deux, le taquina gentillement Logan.

Thomas leva les yeux, amusé de la situation. Le jeune homme se rasseaya à côté de son meilleur ami qui fixait les loups d'un air peu rassuré.

- Tu devrais gagner leur confiance.

- Comment ?

- Aucune idée. En t'approchant et peut être, je sais pas, en sauver un, plaisanta Thomas en se levant.

- Et comment je suis censé faire ça ?! Thomas ?!

L'adolescent ria sans s'arrêter de marcher. C'était comme ça qu'avait fait Mary-Jane, alors c'est comme ça qu'il allait le faire avec son meilleur ami. Il continua à marcher un moment, tout en faisant attention et aux pièges, et aux flics si il en croisait un. Thomas songea alors à toute cette folle histoire qui avait commencé à l'arrivée de Jennifer. Toute sa vie avait basculée, elle était chamboulée à jamais par l'arrivée d'une simple fille. Enfin simple, ce n'était pas le mot pour la caractérisée. Il pensa à Mary-Jane, à Kristen disparue, à sa famille, à Logan, il ne savait que faire pour règler toute cette histoire. La seule chose qu'il devait faire était d'attendre qu'un loup revienne chercher les siens et après ? Qu'est-ce-qu'ils allaient faire eux, les humains ? Le jeune homme n'était plus sur de rien à présent.

Thomas continua à marcher, errant dans ces pensées, lorsqu'il vit Jennifer assise près du bord d'un étang légerement caché par les branches de trois arbres majestueux. La jeune fille tourna vivement la tête en entendant du bruit puis se radoucit en voyant le visage familier qui s'approchait d'elle. Jennifer ramena ses jambes contre elle, la simple robe orangé qu'elle portait ne la réchauffait guère.

- Tiens, lui tendit Thomas, sa veste à la main.

- Merci, fit-elle d'un petit sourire en posant la veste sur ses épaules.

- Il va commencer à neiger, constata Thomas en regardant le ciel.

- En loup je ne crains pas le froid.

- Pourquoi restes-tu comme ça alors ?

- Nous les loups-garous, nous changeons en humains lorsqu'on est vulnérable.

- C'est qui vous rend encore plus vulnérable, logique, constata Thomas sur un ton reflétant l'absurdité de la chose.

Voyant que Jennifer avait l'esprit ailleurs, Thomas décida de quand même poser la question qui le tourmentait depuis qu'il avait découvert ce qu'elle était réellement.

- Vas-y pose la, le prit-elle de vitesse.

- Qu-quoi ?

- Ta question. Je sens que tu meurs d'envie de la poser depuis longtemps, alors vas-y.

- Euh...hum, est-ce-que tu as toujours...été comme ça ? Grimaça Thomas devant la maladresse de sa phrase.

- Tu veux dire: si je suis née loup ?

Thomas acquiésa de la tête, soulagé qu'elle ait comprit sa question.

- Oui. Mon père était humain mais ma mère était comme moi. Je supposes que je tiens ça d'elle.

- Et qu'est-ce-qu'il s'est passé ?

Jennifer s'approcha de Thomas et posa sa main froide sur le visage de l'humain.

***

Nous vivions dans les montagnes de Ben Nevis, les plus hautes montagnes que le Royaume-Uni n'ait jamais connu. Nous n'étions pas nombreux et vivions dans un petit village éloigné de tout. Nous ne connaissions pas l'électricité, ni même le wifi. Ma famille et moi vivions du feu et des récoltes que les paysans ramenaient chaque moisson. Il y faisait froid, il neige souvent mais le soleil venait toujours nous réchauffer et nous apporter à manger.

Un soir, où la lune, haute dans le ciel, annonçait mon 6ème anniversaire, une lumière vive venue m'entourer et m'envahir d'une chaleur inconnue. J'ai sentie mon coeur s'accélérer, pourtant j'étais calme, des douleurs m'arriver un peu partout dans le corps, pourtant je n'avais pas mal. En quelques minutes, ma vue, mon ouïe, mon odorat s'était développés, ainsi que ma colère, pourtant je n'avais rien fais pour. Ne comprenant pas ce qu'il m'arrivait, je descendis de mon lit et, en croisant mon reflet dans le miroir, je me suis mise à crier, ou, plutôt à hurler. Mon père est arrivé en courant dans ma chambre. Jamais je n'oublierais le regard qu'il a posé sur moi. Un regard décomposé, terrifié. Il est parti le jour qui a suivi.

Les années ont passées et j'ai grandis, avec ce que ma mère appellait, mon don, mon cadeau. J'ignorais totalement que je n'étais pas la seule jusqu'à ce fameux jour. La neige avait totalement disparue, nous étions descendus, ma mère et moi, cueillir des baies dans la forêt avoisinant la ville. Pour une jeune fille de 13 ans, c'était un spectable incroyable. Des hautes fumées s'élevant dans le ciel, du feu immobiles malgré le vent, les bruits, les odeurs, tout me semblait iréel. Ma mère m'avait rapidement éloigné de la frontière des " hommes " et m'avait ordonné d'y rester. C'était donc déçue que je rejoignait les villageois et ma mère.

Nous avions à peine terminé de ramasser ce que nous pouvions lorsque des hommes sont survenus de toute part. Ils ont commençé à tirer partout. Je sens encore mes sensibles oreilles saignés et mon corps se gelé. Ma meute hurlait et se regroupait tant bien que mal mais moi, j'étais séparé de ma famille. Je vois encore ma mère sauté sur cet homme brandissant son horrible engin sur moi. Un bruit sourd, un hurlement puis plus rien. Le noir.

***

- Et depuis, je erre de famille en famille, termina-t-elle, une larme s'échappant de son oeil.

Thomas prit la jeune fille dans ses bras et la serra fort contre lui. Son histoire l'avait boulversé et ému. Il savait qu'elle avait un lourd passé mais pas aussi violent pour une jeune fille de son âge.

- Il y a un an environ, j'ai rencontré par hazard un homme nommé Chase. Il s'est présenté à moi comme étant un ami de ma mère et un de mon espèce. Quand il m'a dit qu'il rassemblait sa meute dispersé ici, je sais pas... J'ai su que c'était là que je devais aller, lui expliqua-t-elle.

- Je comprend, murmura Thomas en lui séchant une larme.

- Je ne te fais pas peur, lui posa-t-elle en fronçant les sourcils.

- Non. Crois moi, plus rien venant des loups ne pourraient m'effrayer, j'ai eu mon compte! Plaisanta-t-il en jetant une pierre dans l'étang.

Jennifer souria en regardant l'humain contemplé les cercles d'eau formés grace à sa pierre. Leurs regards se croisèrent et, d'un sourire gêné, se baissèrent vers leurs pieds. Thomas releva tout de même la tête pour, à son tour, l'observer. C'était bien ce qu'il pensait, une fille fragile, sauf que c'était un loup à la place qu'il avait devant lui.