Une famille, ce n'est pas toujours une question de sang
950 jours avant...
🌻🌻🌻
Timothy
Aujourd'hui c'est retour au boulot, pour toi aussi, et si nos collègues ne sont pas surpris de nous voir arriver main dans la main, ils nous dévisagent certainement à cause de nos visages fatigués. Depuis quelques jours, nos nuits ressemblent à des batailles épiques. Tes cauchemars nous empêchent de dormir correctement et je le ressens dans tout mon corps. J'ai l'impression d'avoir quatre-vingt ans ce matin, tout en moi est douloureux.
On salue tout le monde et on rejoint notre maquilleuse préférée dans son studio. On papote de tout et de rien dans la bonne humeur et on se souhaite une bonne année tout en s'installant l'un à côté de l'autre, face aux miroirs qu'on évite tous les deux. Ophra se rapproche de moi et observe mon collier puis le tien et nous demande ce qu'ils représentent. On s'est offert ces présents pour noël. Oui on ne fait rien comme tout le monde mais personnellement j'ai adoré cette idée de s'acheter nos cadeaux ensemble. Toi autant que moi, étions finalement rassuré de ne pas faire fausse route pour ce premier noël.
Glissant ma main dans la tienne, comme un réflexe, je lui explique sourire aux lèvres, pourquoi une ancre en or pend autour de mon cou.
— Le mien c'est parce que Killian est la personne qui m'a secouru lorsque je coulais dans les ténèbres. Il est comme un point d'attache dans ma vie. Et le sien, un phare, parce que je suis, selon lui, la personne qui le guide quand il est perdu.
Le sourire d'Ophra s'illumine, elle nous serre dans ses bras et nous embrasse la joue chacun notre tour.
— C'est beaucoup trop mignon. Vous êtes vraiment fait l'un pour l'autre et complémentaire tous les deux. Je suis presque jalouse.
— T'as pas à être jalouse, ton tour viendra. D'ailleurs comment ça se passe avec Meryl ? demandé-je en l'observant dans le miroir.
Ses joues rougissent et elle ne peut retenir un sourire.
— On fait connaissance pour l'instant. Elle est bien plus drôle que ce que l'on croit et... elle aime les femmes !
— Tu lui as posé la question ?! lui demandes-tu en sourcillant, l'air choqué.
Ophra secoue la tête, faisant valser ses boucles noires.
— Non Killian, j'ai été bien plus subtile... enfin je l'espère. Je lui ai dit que je trouvais Timothy super mignon et elle m'a avoué que c'était pas vraiment son type et quand je lui ai demandé plus de détails, elle m'a dit qu'elle était attirée par les femmes.
Elle me fait un clin d'œil, son sourire brillant plus encore que les ampoules qui encadrent le miroir et mon cœur s'affole pour elle, lorsqu'un détail me fait tiquer.
— Eh ! Mais pourquoi je suis dans l'histoire moi ? J'étais même pas là ! râlé-je en souriant. Je plaisante Ophra, j'espère qu'elle verra, comme moi, que tu es une personne exceptionnelle.
Elle m'enlace avant de m'embrasser pour la deuxième fois ce matin.
— Je n'ai rien d'exceptionnel crois-moi Tim. J'essaie simplement de trouver de la joie là où je peux. J'ai appris bien vite que si on ne se fabrique pas son propre bonheur, la vie ne nous en accorde pas plus. Alors je prends mon destin en main et je croise les doigts pour que ça fonctionne.
Une lueur de tristesse voile tout à coup son regard et j'ai soudain très envie de la réconforter. Je me lève et l'enlace en lui assurant que le bonheur est aussi là pour elle.
— Merci Tim. Tu sais que je t'aime toi !
— Eh pas touche, son cœur est pris je te rappelle ! râles-tu en venant nous encercler de tes bras.
— Je t'aime aussi Killian et dois-je te rappeler que j'aime les femmes ?! Vous êtes mignon tous les deux mais vous ne ferez jamais s'affoler mon cœur.
On éclate de rire et cette petite parentaise nous fait un bien fou puis Ophra nous rappelle qu'on est un peu là pour bosser quand même. Les photos ne vont pas se faire sans nous et la discussion s'estompe en même temps que nos cernes sur nos visages fatigués. Encore une fois elle fait des miracles et c'est avec un teint frais que nous rejoignons Yuma et les autres.
On se raconte nos fêtes de famille et plus la discussion dure, plus je te vois te crisper et te fermer au monde. Tu rentres dans ta coquille et poses ton masque de neutralité mais je vois bien que tu ne te sens pas au mieux. Je sais que demain marque le jour où ta mère est morte et je sais que plus cette date approche, plus tu te renfermes. Je t'ai observé depuis noël et j'ai bien remarqué tes absences de plus en plus fréquentes. Je sais que tu compenses à ta manière et j'ai vraiment l'impression de ne pas t'avoir aidé ces derniers jours, aussi je ressens le besoin de le faire maintenant.
Alors qu'on se change pour le shooting, je me rapproche de toi et cherche ta main que j'enlace en croisant ton regard. Tu me sondes aussi intensément que des rayons X et mon cœur s'affole.
— Tu veux qu'on aille dans les toilettes ? murmuré-je en lançant des regards autour de moi en espérant que personnes ne nous regarde.
Tu mords ta lèvre, fermes les yeux et quand tu les rouvres, une larme pointe au coin de ton œil.
— Non, je peux très bien y aller seul Tim.
— T'en es sûr ?
Tu hoches la tête et t'enfuis presque en courant en direction des toilettes. Max t'observe, l'air de ne pas comprendre sur le visage. Quel abruti celui-là, il n'a pas intérêt à ouvrit la bouche.
— Mauvaise nuit, dis-je pour lui faire fermer sa bouche.
Max hausse les épaules et m'ignore complètement. Depuis que tu lui as cassé le nez, il se fait plus discret et c'est pas pour me déplaire. J'ai toujours du mal avec ses regards insistants sur nous, je sais jamais s'il cherche un plan à trois ou juste une raison de nous faire passer une mauvaise journée. Ce gars est parfois étrange mais je préfère l'ignorer moi aussi pour l'instant.
Finalement le shooting est assez vite réalisé et Gloria décide de nous laisser l'après-midi de libre. Je crois qu'elle a vu que tout le monde avait besoin de se reposer après ces fêtes. Elle n'était pas fâchée et nous a demandé d'être en forme pour le lendemain car une nouvelle créatrice s'est approchée de l'agence et Gloria aimerait vraiment décrocher ce contrat. Demain il faut qu'on soit d'attaque mais j'ai envie de passer un après-midi tranquille et je souhaite te changer les idées parce que je sais que tu broies du noir en ce moment.
Tout en enfilant ma veste, je demande à Ophra si elle a envie de venir boire un chocolat chaud avec Meryl dans un café qu'on apprécie tous les deux. J'ai envie de connaitre ma nouvelle collègue et j'espère bien les aider, si possible, à se mettre ensemble. On part tous les quatre à pieds et après dix minutes de marche, on arrive dans un café hyper coloré et chaleureux du quartier.
On l'a découvert il y a quelques jours à peine lors d'une balade et on est tout de suite tombé sous le charme de l'endroit. C'est vintage, tout en bois peint de toutes les couleurs. On y trouve des petits canapés agrémentés de coussins moelleux dans chaque coin et des tables ronde pour deux ou quatre personnes au centre de la pièce. Il y a des tableaux avec des citations humoristiques et parfois plus sérieuses. Il y en a une que j'adore qui dit : « le bonheur est contagieux ». Ça me fait sourire chaque fois que j'entre ici.
Ça sent le chocolat et la cannelle et il fait bien meilleur que dehors où le temps est encore gris aujourd'hui. Une musique latine et des discussions animées envahissent agréablement l'espace. On s'installe dans un canapé, non loin de la vitrine qui donne vue sur la rue qui descend jusqu'à l'océan, à quelques centaines de mètres de là. Mais mon regard est fixé sur toi, encore tendu. Mes doigts s'entremêlent aux tiens, ton sourire fait naître le mien.
En face de nous, Meryl lit la carte tandis qu'Ophra nous observe d'un œil pétillant de malice.
— Qu'est-ce qui se passe Ophra ? demandé-je en réfléchissant à ce que je vais boire.
— Je me disais que ça fait quelques mois qu'on se connait mais qu'on ne s'est jamais vu en dehors du boulot et ça me fait super plaisir. Je vais pouvoir vous poser pleins de questions ! dit-elle en se frottant les mains.
Je me crispe légèrement en appréhendant la suite de la discussion.
— Tu sais que tu dois être celle qui nous connait le mieux à l'agence ? répliques-tu en t'ébouriffant les cheveux. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui viennent nous parler. J'ai pas compris pourquoi d'ailleurs.
Tu m'observes les épaules levées lorsqu'Ophra se met à sourire comme un soleil.
— Pourquoi tu souris comme ça ? dis-je surpris.
Elle jette un œil à Meryl et s'exclame :
— Vous ne vous en rendez pas compte mais vous deux, vous êtes de ces personnes qui imposent une sorte de respect particulier. Je sais pas comment l'expliquer mais quand on est en votre présence, c'est comme si vous ne formiez qu'une seule et même personne. Ça impressionne. Peut-être bien que vous intimidez un peu les gens.
C'est à mon tour de te jeter un œil mais c'est toi qui réponds.
— C'est le charme de Timothy qui fait son effet sur tout le monde. Je n'ai rien de spécial, souffles-tu en secouant la tête.
— Non, c'est plus que ça, réplique Meryl d'une voix timide. Vous dégagez quelque chose de spécial, je l'ai tout de suite remarqué. C'est un peu comme un message de l'univers qui dirait : Ces deux âmes se sont trouvées, passez votre chemin. Quelque chose comme ça, sourit-elle alors que la serveuse coupe la discussion en venant prendre nos commandes.
On s'échange un regard, un sourire puis on rit comme deux gosses en rougissant. Je ne sais pas où elles vont chercher tout ça mais savoir que notre couple fait cet effet aux gens, je sais pas, ça me prouve que nos sentiments sont forts.
Tu reprends la discussion, me coupant dans mes réflexions.
— Et si vous nous parliez de vous pour changer ?
Meryl et Ophra se dévisagent, rient puis nous parlent de leur rapprochement. La discussion dévie je ne sais comment sur la famille de chacun autour de la table. J'apprends que Meryl a quatre frères plus âgés qu'elle, qui vivent encore en Nouvelle Zélande et qui, comme elle, pratiquent le rugby à haut niveau. Je l'écoute sans vraiment faire attention à ses paroles, observant discrètement ses tatouages Maoris encrés sur ses bras et son menton. Je trouve cet art magnifique.
Je retrouve le fil de la discussion quand la serveuse dépose nos boissons et qu'Ophra nous apprend qu'elle a été adoptée à Haïti.
— J'ai vécu dans trois familles d'accueil différente et je suis partie de la troisième à ma majorité. Ils ne m'aimaient pas et c'était réciproque. Je n'ai plus de famille, ni ici, ni à Haïti. Je suis officiellement orpheline depuis deux mois, dit-elle la larme à l'œil.
Je vois le bras de Meryl bouger sous la table puis les deux femmes s'échanger un regard. J'ai de la peine pour Ophra et je réalise qu'on est tous les deux les rejetés d'une famille.
— Tu sais qu'une famille, ce n'est pas toujours une question de sang. C'est les personnes dans votre vie qui vous veulent aussi dans la leur, celles qui vous acceptent tel que vous êtes, celles qui feraient n'importe quoi pour vous voir sourire, celles qui vous aiment sans condition. Moi je veux bien être ton frère si tu veux, dis-je en posant ma main au milieu de la table.
Ophra renifle, sourit et pose sa main sur la mienne.
— Je veux bien que vous soyez ma famille les garçons mais c'est moi la grande sœur !
On s'esclaffe tous et je marmonne que j'ai déjà une petite sœur et que j'accepte sa proposition avec joie.
— T'as pas un frère aîné aussi ? demande Ophra.
Je me crispe sans le vouloir.
— Oui, il étudie quelque part loin d'ici. Je ne sais pas où exactement, je n'ai pas de nouvelle depuis longtemps, dis-je en touillant mon chocolat chaud distraitement tout en évitant les regards qui me scrutent.
Un silence s'installe tout à coup autour de la table, chacun buvant sa boisson chaude par petites gorgées puis la discussion reprend après quelques minutes, sur le boulot et les futures collections qu'Ophra a déjà pu voir en avant-première. Elle a hâte de voir le résultat alors que je réfléchis à cette idée qui m'est venue hier. Il faut que je me mette à la musculation, j'en ai marre d'être le gringalet du groupe. J'ai vu les photos du dernier shooting et je n'aime pas ce que j'ai vu.
Dans le bus qui nous ramène chez nous, tu sembles moins tendu mais tu restes aussi silencieux qu'une tombe et ça ne me rassure pas. J'espère que la soirée avec ton père se passera bien, parce que si votre complicité est évidente et belle à voir, je sais que vous partagez la même peine concernant la mort de ta mère et demain est un jour que nous craignons tous je crois.
❤❤❤
Hello vous !
J'espère que vous allez bien et que ce chapitre vous a plu ?
On découvre un peu plus Meryl et Ophra, que pensez-vous d'elles ?
On se retrouve samedi pour la suite...
Je vous fais des bisous ヾ( ̄▽ ̄) ~
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