Un quoi ? Un suppositoire !

25 jours avant...


🌻🌻🌻

Timothy

Lorsque je regarde mon poignet encré, je réalise qu'il s'est passé près de deux ans depuis que ces trois mots ont été gravés sur ma peau. Deux années durant lesquelles, nous avons grandis, mûris mais aussi avancé sur un chemin sur lequel je tente chaque jour de faire un pas devant l'autre sans tomber. Tu n'es jamais retourné chez un psy, tu n'as même jamais voulu en reparler, fuyant chaque discussion qui aurait pu alléger notre quotidien en t'enfermant dans le silence. Je me suis résolu à accepter le fait que, peut-être, tu n'aurais jamais le courage de parler de ça à un professionnel.

Par amour pour toi, j'ai accepté la situation, tentant chaque jour de la rendre plus facile à vivre pour nous deux et pourtant, malgré tous mes efforts, j'ai l'impression que la vie ne nous fait pas de cadeau, nous malmène sans filet de sécurité de tous les côtés. Mais je sais que, sans moi, tu ne tiendrais pas, alors je tiens, pour nous deux.

Attendant ton père, qui devrait sortir bientôt de son bureau, je mordille nerveusement l'ancre de mon collier entre mes dents. J'appréhende de découvrir la raison de notre présence ici. Il n'a rien voulu nous révéler au téléphone et depuis deux jours, j'angoisse, tout comme toi. Je te jette un regard furtif et réalise que tu tournes en rond, une cigarette éteinte entre les lèvres. Tu essayes d'arrêter depuis quelques semaines mais les réflexes sont là, s'accrochant comme de la toile d'araignée au plafond.

Je tends ma main dans ta direction, cherchant ton regard, ton sourire.

— Killian ?

— Mhh ? Quoi ?

— Viens t'assoir, tu me files le tournis à faire les cents pas.

— J'aime pas attendre, râles-tu en te laissant tomber sur mes genoux.

Je t'encercle de mes bras, appuyant mon front contre ton dos en rajoutant en riant que tu détestes carrément attendre. Ton père arrive enfin, dans son costume trois pièces, toujours aussi splendide. Il a pris quelques rides et quelques cheveux blancs depuis notre rencontre, mais il a gardé son charme naturel. Il s'excuse pour le retard et nous rejoint sur le canapé. Pas de bureau, rien de solennel. Je me détends l'espace d'un instant mais lorsque je comprends où nous mène la conversation, une boule se forme dans mon estomac. Je ne suis pas rassuré mais toi, à ma grande surprise, tu sembles prendre l'annonce de ton père avec sérieux, aussi je tente de relativiser.

Plus tard, dans le bus qui nous mène au boulot, tu es occupé sur ton téléphone, m'ignorant sur ce qui semble plus important qu'une discussion. Je tape nerveusement du pied.

— On peut en parler ou c'est un secret ? demandé-je en posant ma main sur ta cuisse.

Tu me dévisages, souris et lâche enfin ton téléphone.

— Oui bien sûr qu'on peut en discuter. Il n'y a rien de secret. Mon père prend des vacances et je dois m'occuper de certaines tâches durant son absence, c'est aussi simple que ça.

— Pourquoi tu me parles comme si j'étais débile ?

— Parce que ta question l'était ! Tu sais très bien que je n'ai pas de secret pour toi en ce qui concerne mon deuxième job.

Je soupire, secouant la tête en râlant.

— Ok, c'était peut-être débile, j'avoue, mais t'as pas besoin de me parler comme ça. Tu sais que tu peux être blessant parfois ?

Tu glisses ton téléphone dans la poche de ton jean, te rapprochant de moi afin de m'enlacer.

— Je suis désolé, je voulais pas te manquer de respect amor. Je t'aime, ajoutes-tu alors que le bus s'arrête à notre arrêt.

Je décide de laisser derrière nous cette querelle futile, attrapant ta main afin de rejoindre l'immeuble jaune canari et nos collègues. Je n'aime pas insister, parce que tu t'obstines plus encore quand je le fais et que ça dégénère souvent, alors je fais le poing dans ma poche et pousse la porte du bâtiment en lâchant un soupir. On salue Kate à l'accueil, toujours aussi souriante, puis Gloria, qui semble hyper stressée à courir partout.

Est-ce qu'on est en retard ?

Je remarque qu'il y a de l'agitation dans l'air, plus de mannequins que d'habitude et lorsqu'on rejoint Ophra dans son studio, on doit attendre que Max ait terminé sa séance de maquillage, ce qui n'est pas habituel. Ça t'énerve évidemment. Je glisse ma main dans la tienne pour te détendre. Max t'offre son plus beau sourire de vainqueur et s'en va en m'adressant un clin d'œil pour te narguer. Mes doigts serrent les tiens plus fort encore, mais c'est Ophra qui calme ce stupide duel.

— Laisse tomber Killian, tu sais que sous sa belle gueule, il est con comme un bonbon lafess', dit-elle en tapotant le siège libre.

— Un quoi ? demandé-je en souriant.

— Un suppositoire ! s'exclame Ophra morte de rire.

J'éclate de rire à mon tour, tout comme toi et l'atmosphère se détend d'elle-même. Tu t'assois devant elle et je prends le siège à tes côtés, tous les deux riant encore comme des baleines. J'aime de plus en plus l'humour de notre collègue et ses expressions qu'elle seule comprend. On papote de tout et de rien, puis d'elle et de Meryl, qui se sont enfin décidées à vivre ensemble.

Si Meryl n'avait à son arrivée, qu'un visa de quelques mois, elle est maintenant tranquille pour deux ans, ce qui a poussé Ophra à l'accueillir chez elle depuis quelques jours seulement. Pile au moment où je lui demande comment ça se passe, Meryl passe la tête par l'entrebâillement de la porte, sourire aux lèvres, comme d'habitude. Ophra et elle sont mes rayons de soleil, presque comme des sœurs pour moi.

— Salut les gars, on vous attend d'ici vingt minutes. Il y a un nouveau photographe alors ne soyez pas en retard. Gloria est assez stressée, si vous voyez ce que je veux dire, souffle-elle en sourcillant.

— Dis ça à ta chérie, nous on n'y peut rien, répliques-tu en lui faisant un clin d'œil.

Meryl secoue la tête en te tirant la langue puis vient embrasser Ophra, avant de repartir en se dandinant, sous notre regard amusé. Elle laisse derrière elle des effluves de fleurs et de vanille.

— Elle est pas belle ma p'tite femme ? soupire Ophra en te coiffant.

— C'est la plus belle ! dis-je en approuvant d'un sourire.

Tu confirmes, puis Ophra se remet au travail et moins de trente minutes plus tard, nous arrivons dans le studio photo. On est en retard et Gloria nous fait la remarque, tout en gardant un sourire professionnel.

— Vous êtes en retard, vous avez de la chance que je vous aime bien tous les deux. Meryl vous a prévenus pour le nouveau photographe ? Et pour la collection de noël ?

— Pour noël non, j'espère que les tenues ne sont pas rouges et vertes, je déteste ces couleurs, râles-tu en grimaçant.

— Non, le créateur est parti sur du bleu roi et du doré, tu vas être splendide mais bouge ton p'tit cul chéri, s'il te plaît, rouspète Gloria en te tapotant la fesse avant de nous laisser.

Elle me fait rire avec son enthousiasme à toutes épreuves, même dans le stress, elle reste zen. Je lui offre un sourire avant qu'on se dirige du côté du dressing. Les tenues ont certes de magnifiques couleurs mais c'est à peine si on les voit. Je crois que je n'ai jamais porté un string avec si peu de matière. Lorsque je relève la tête, je croise ton regard. On sourcille, on grimace mais on ne se pose pas plus de questions, quand il faut y aller, faut y aller.

Dans le studio photo, qui ressemble à un décor de film de noël, il y a une vingtaine de mannequins, hommes et femmes, rassemblés autour de sapins enneigés en plastique. Deux photographes sont là. Marlon, qui travaille pour l'agence depuis un an et qui place tout le monde dans la fausse neige. Pendant que l'autre, que je ne connais pas, semble occupé à régler ses appareils et les lumières, de l'autre côté de la pièce.

Marlon fait des blagues sur nos tenues tout en nous plaçant, comme d'habitude et tu lui fais un doigt d'honneur en réponse, comme d'habitude. Tout semble couler naturellement, comme l'eau tranquille d'une source. Le stress que je ressentais ce midi en parlant avec ton père a disparu, je me sens léger et j'ai hâte de commencer cette séance photos. Je me tiens entre Meryl et Akissi, à côté de qui, j'ai l'air d'un bonhomme de neige. J'ai déjà perdu mon bronzage de cet été mais je me réconforte en me disant que pour toi c'est pire encore. T'es blanc comme un cul et quand je t'observe du coin de l'œil, je remarque que tu es vachement pâle tout à coup. Ton regard est fixé droit devant toi, comme si tu observais une proie.

Ou plutôt un prédateur.

Quelque chose cloche mais je ne comprends pas quoi. La séance commence et lorsque le deuxième photographe se rapproche, je te vois décamper à toute vitesse. Evidemment, tout le monde me dévisage mais je suis autant perdu qu'eux face à ta fuite. Je lance un regard à Gloria qui est restée sur le côté et qui me fait signe d'y aller. Je cours, en string bleu roi, en direction des toilettes. Je sais que c'est là que tu te caches. Je n'ai même pas besoin de frapper pour savoir dans quelle cabine tu es, je suis le son de tes sanglots qui m'arrachent des morceaux de cœur comme on arrache les pétales d'une fleur.

— Killian ? Je peux entrer ?

Un silence, ponctué de reniflements, s'installe entre nous, comme pour nous séparer. La porte, qui reste fermée, semble ne pas vouloir qu'on se rejoigne elle non plus.

— Tu peux ouvrir, s'il te plait ? murmuré-je la boule au ventre.

Un coup violent contre la porte me fait reculer d'un pas. J'imagine que ton poing vient de s'y écraser. J'ai peur, pour toi mais pas de toi, aussi je décide de prendre les choses en mains. Je rentre dans la cabine d'à côté et passe par-dessus la paroi, tant bien que mal, et me retrouve en équilibre sur la cuvette des toilettes. J'ai failli y laisser un testicule bon sang.

Mon cœur se serre lorsque je te vois recroquevillé contre la porte, tes bras tenant ferment ton torse nu. Tu te balances d'avant en arrière, les yeux fermés, ton visage crispé dans une grimace qui ne me rassure pas du tout. Je m'accroupis près de toi en t'appelant pour te prévenir de ma présence, même si je sais que tu m'as entendu. Je n'ose pas te toucher, de peur de faire quelque chose de travers mais je commence à bien te cerner et je sais que tu es en mode survie et que tu as besoin d'aide, aussi j'effleure ton bras en t'appelant à nouveau.

Tout à coup tes yeux me regardent, mais ton regard semble aussi vide que froid. La main tremblante, je saisis la tienne, la plaçant sur mon cœur qui tambourine bien trop vite.

— Mon cœur, parle-moi, s'il te plaît, chuchoté-je en retenant mes larmes.

Tu secoues la tête négativement, serrant ma main si fort, que j'en ai mal aux doigts. De ma main libre, je caresse ta joue et efface les traces humides qui marquent ta peau.

— Killian, il faut que tu me dises ce qui se passe si tu veux que je t'aide. S'il te plait, parle-moi.

Tu m'ignores, baissant la tête pour la cacher entre tes jambes remontées contre ton torse. Tu marmonnes des mots incompréhensibles pour moi. Ton poing heurte à nouveau la porte puis, soudain tu te jettes contre moi, m'enlaçant si fort que je hoquète sous la surprise. Tu pleures contre mon épaule en marmonnant mais je ne comprends rien.

— Je comprends pas ce que tu me dis Killian. Qu'est-ce qui se passe bon sang ?!

Accroché à mes épaules, deux mots, clairs cette fois-ci, sortent de ta bouche.

— Le photographe !

Je sourcille, pas certain d'avoir compris où tu veux en venir.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a avec le photographe ?

— C'est... Giova... c'est... le nouveau photographe, c'est Giovanni ! cries-tu en t'accrochant à moi.

Je réalise à cet instant et avec horreur, que ton violeur est là, dans la pièce d'à côté et mon monde s'effondre. 

❤❤❤

Hello,

J'espère que ce chapitre vous a plu ?

N'hésitez pas à vous exprimer dans les commentaires, je ne mords pas ;)

On se retrouve samedi pour voir la réaction de Killian face au retour de Giovanni dans sa vie ? 

Des bisous  (* ̄3 ̄)╭❤

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