6 jours après

🌵🌵🌵 TW (automutilation)

Killian

Je voudrais m'éloigner de ce monde de fous, partir loin de tout. Ce monde qui m'étouffe, m'étrangle à chaque seconde, ce monde qui me détruit et m'empêche de vivre correctement. Je n'en peux plus de cette situation et pourtant, je veux me battre pour continuer mais j'ai cette putain de voix dans ma tête qui n'arrête pas de me dire que je ne vais pas y arriver, que ça ne sert à rien d'essayer, parce que je suis nul pour réparer les choses. Incapable. Cette petite voix qui était discrète il y a quelques temps, prend toute la place depuis un moment mais c'est encore pire depuis que tu es parti.

J'ai l'impression d'avoir perdu toute volonté, toute envie de vivre. Je crois que c'est même pas une question d'envie mais de besoin. Est-ce que j'ai vraiment besoin de vivre ? Est-ce que je manquerais à quelqu'un si je devais disparaitre ? Cette pensée tourne sans arrêt dans ma tête et plus j'y pense, plus je ressens le besoin de le savoir.

Dans la baignoire de la salle de bain d'Alicia, l'eau me brûle la peau mais c'est une douleur agréable, presque hypnotisante. Je ressemble à une écrevisse avec mon corps rougi. Ma main droite tremble au-dessus de l'eau mais je m'en fous. Le reflet que me renvoie la lame de rasoir me fait peur. J'ai pas dormi depuis trois jours mais je ne me sens pas perturbé par le manque de sommeil, étonnamment, j'ai l'impression d'être tout à fait lucide.

Au fur et à mesure que la lame se rapproche de ma peau, ma main tremble moins, au contraire de cette voix dans ma tête qui hurle toujours plus fort que je n'en suis pas capable. Je voudrais revenir au temps où j'étais encore enfant, quand ma mère était encore là, quand j'avais encore une vie heureuse. Je ne veux plus vivre dans ce monde de peine, de haine et de corps malade. Je voudrais recommencer cette vie à zéro. Tout jeter pour tout reprendre.

Tout jeter, sauf toi. Mais tu m'as bien fait comprendre qu'il y avait une condition et ça, c'est la chose la plus cruelle que tu m'aies dite depuis qu'on se connait. Mon cœur se serre en pensant au jour où tu me l'as dit. Au jour où tu es parti en me laissant seul.

Une goutte carmin tombe dans l'eau puis se disperse tel un petit nuage coloré. Ça ne fait même pas mal, mais pas de bien non plus. Je recommence, entaillant mon poignet une deuxième fois, plus profondément. Trois gouttes tombent cette fois-ci. Le nuage s'élargit, ça pique mais je serre les dents. C'est pas ça qui va me tuer de toute façon. 

Et si j'y allais plus fort ?

Je ferme les yeux, laissant la lame glisser à nouveau sur ma peau et effacer une à une les choses qui me détruisent, tout ce qui ressemble à un échec dans ma vie. J'efface la période du lycée, la mort de ma mère, ma relation avec Giovanni, mes addictions, lorsque soudain, je sens une main agripper mon poignet.

Je rouvre les yeux à contre cœur. Alicia me dévisage, l'air horrifiée.

— Laisse ta main hors de l'eau, ne bouge surtout pas ! crie-t-elle en se relevant précipitamment.

Dans un état de semi conscience, je la vois chercher une serviette dans le meuble de la salle de bain, puis entourer mon poignet avec alors que je regarde les lignes parallèles qui le recouvre. Le sang imbibe le tissu bleu et ma main tremble alors que la douleur se réveille soudain, violente. J'ai du mal à respirer, comme si mes poumons m'en voulaient d'avoir agi ainsi.

Qu'est-ce que j'ai fait ?

Je me lève d'un bond et sors de la baignoire dont l'eau est devenue rose. Mon cœur s'emballe alors qu'Alicia entour ma taille d'une autre serviette.

— Assieds-toi là, souffle-t-elle en me souriant avec tendresse.

— C'est grave ? demandé-je en m'asseyant sur la cuvette des toilettes, laissant des gouttes d'eau tacher le sol.

Alicia déballe mon poignet qui saigne encore. Je ferme les yeux, je ne veux pas voir le résultat de mon énième échec. C'est mon sang qui colore le tissu. Une nouvelle bêtise à ajouter à mon palmarès !

— Tu... t'y es pas allé de main morte Kiki. Bon sang mais pourquoi tu m'as pas appelée ?

— Je sais pas, je suis désolé. J'ai... c'était trop dur, dis-je en retenant mes larmes.

— La blessure n'est pas si grave, je vais te faire un pansement mais Kiki, tu peux pas continuer comme ça, faut vraiment que t'en parles à quelqu'un et surtout à Timothy. Je sais qu'il t'en veut, moi aussi je t'en voudrais à sa place mais tu dois aller t'expliquer et t'excuser... mais surtout, tu dois lui promettre d'aller voir un professionnel, dit-elle en relevant les yeux vers moi. Je peux t'y accompagner si tu en as besoin.

Je sais tout ça mais mon cerveau ne connecte pas, parasité par des centaines de pensées intrusives. Je n'arrive pas à faire le tri, à voir à travers le brouillard. Je me sens complètement perdu.

Alicia me prend dans ses bras et me murmure une idée à l'oreille. Le brouillard se dissipe légèrement, laissant entrevoir un peu d'espoir là où je n'en voyais plus il y a quelques jours.

L'après-midi même, je me rends au domicile de Rosie avec, je l'espère, quelque chose qui m'aidera à parler à la personne la plus importante de ma vie. Le cœur battant, je sonne à la porte sur laquelle ton nom est indiqué en lettres dorées. Je sais que ta famille te manque mais je crois que ce n'est rien comparé à ce que je ressens à cet instant.

— Salut Killian ! lance Rosie en m'ouvrant la porte.

Etonnamment, elle est souriante mais j'appréhende plus ta réaction. J'entre timidement dans l'appartement, plutôt coloré mais décoré avec un goût prononcé pour les licornes. J'avais oublié que ta sœur en était folle. Rosie m'offre à boire et m'assure que tu veux bien me voir. Heureusement que j'ai eu la présence d'esprit de la prévenir avant de ma venue.

Je m'installe sur le petit canapé rose en expulsant mon stress en un long soupir lorsque tu débarques en trainant les pieds. Tu sembles fatigué toi aussi. Tes traits sont tirés et tes cernes me donnent mal au ventre. Je sais que c'est de ma faute tout ça.

— Salut, dis-tu en te grattant la nuque.

Ton regard m'évite, comme si me regarder te faisait mal. Je serre les dents et me rappelle pourquoi je suis venu.

— Salut Tim.

Je me lève te tends mon cadeau, la main tremblante.

— Une rose blanche ?

— Ça symbolise le pardon et... je viens te demander de me pardonner mais je voudrais surtout... m'excuser pour le mal que je t'ai fait, dis-je en tentant de cacher ma main gauche derrière mon dos quand je réalise que tu peux la voir.

Je réagis trop tard malheureusement et tu la saisis en me dévisageant.

— Comment tu t'es blessé ? demandes-tu en m'attirant à toi pour regarder le pansement de plus près.

Je retire ma main et la porte contre mon cœur en déglutissant bruyamment.

— Une autre idée stupide, dis-je en levant les épaules.

— Killian, bon sang...

— Je sais ! C'était débile, puéril et tout ce que tu veux ! Je sais...soufflé-je en me laissant tomber dans le canapé, tournant la tête vers la fenêtre afin d'éviter ton regard.

Tu t'assois à mes côtés, gardant le silence quelques instants qui me paraissent une éternité. Je déteste le silence, le vide.

— Tim, je sais que tu n'attends qu'une chose mais je suis pas capable pour l'instant de parler de ça à qui que ce soit. Avec Alicia et toi, je me sentais en confiance mais je crois pas que j'arriverai à parler de ce que j'ai vécu avec un inconnu. J'ai déjà essayé et ça ne m'a rien apporté de positif. Je veux pas réessayer. Mais je ferai tout ce que tu veux pour te prouver que je t'aime. Amor*, s'il te plait. Dis quelque chose...

Tu t'ébouriffes les cheveux, marmonnant dans ta barbe puis tu te lèves soudain en me pointant du doigt, l'air contrarié sur le visage.

— Tu rapportes toujours tout à toi c'est pas possible ! Et moi ? T'y penses de temps en temps ou tu t'en fous complètement ?! Est-ce que tu t'es demandé au moins une fois ce que je pouvais penser de tout ça ?! Est-ce que tu sais ce que je ressens là en ce moment ? Non, parce que tu ne penses qu'à toi Killian ! Tant que tu n'auras pas pris un rendez-vous, je reste ici, c'est assez clair pour toi !?

Je déglutis, fermant les yeux afin d'effacer la colère que je vois sur ton visage.

— Je suis désolé. Je te jure que je fais tout pour arranger les choses et je te promets que je pense à toi... C'est plus compliqué que ce que tu crois Tim.

— Non au contraire, c'est hyper simple ! T'as une seule chose à faire putain ! Fais-le ! cries-tu en quittant le salon de Rosie à grandes enjambées, me laissant avec elle et ma culpabilité.

Ta sœur m'observe depuis la cuisine. Je vois bien qu'elle me juge, qu'elle doit me détester à cet instant. Ses yeux sont embués lorsque je passe à côté d'elle. Elle m'attrape soudain le bras puis le regard.

— Tim souffre Killian, énormément. Il était pourtant prêt à te pardonner quand il a su que tu venais mais je crois qu'il attendait plus que ça de ta part. Si tu veux un conseil, ne pars pas maintenant. Va le voir, il est dans la chambre de droite, au fond du couloir. Prouve-lui que tu l'aimes et que tu ne l'abandonneras pas. C'est ce qu'il lui fait le plus peur je crois, dit-elle la gorge serrée. Rassure-le.

Je l'embrasse sur la joue et suis son conseil. Je me glisse dans l'entrebâillement de la porte et entre timidement. Tu es roulé en boule sur le lit et tu pleures. Je me mets une grosse baffe mentale. Tout ça, c'est à cause de moi. Je ne suis qu'une merde c'est pas possible.

— Je peux m'assoir près de toi ?

Tu renifles, me lance un regard noir mais accepte en me faisant une place sur la couette. Je m'y allonge sur le dos, observant le plafond afin de retrouver un peu de calme dans mes pensées. C'est compliqué car tout un tas de paroles s'y bousculent, s'y entrechoquent comme des météorites lancées à pleine vitesse dans l'espace.

— Quand je t'ai rencontré la première fois, j'ai cru que je rêvais, parce que je n'avais jamais croisé des yeux comme les tiens, aussi intenses. C'est comme si ton regard pouvait m'hypnotiser. J'étais tétanisé et en même temps, attiré par toi comme Icare par le soleil. Tu es extraordinaire, tu as le don d'illuminer la plus sombre des nuits et de chasser les ténèbres rien que par ta présence. J'ai longtemps vécu comme si chaque jour n'était qu'une extension de la nuit. Tout était sombre, jusqu'à ce que je te connaisse. Aujourd'hui, je ne m'imagine plus vivre sans toi. Je t'aime Tim et en rentrant chez nous, une fois que j'aurais nourris Twinkle, je prendrai rendez-vous chez un professionnel. Parce que je n'ai qu'une envie, te prouver chaque jour que tu comptes pour moi.

Tu renifles contre mon torse contre lequel tu t'es blotti. Tes grands yeux brillants m'observent et je devine un sourire sur ton visage rougi.

— C'est la vérité ?

Je caresse tes cheveux puis ta joue du pouce. Je t'embrasse sur le front en humant ton shampoing à l'abricot si rassurant.

— C'est la vérité et je sais que tu as besoin de temps, alors je n'insisterai pas pour que tu rentres avec moi aujourd'hui. Je t'aime mais je serai patient si c'est ce dont tu as besoin.

Ton sourire s'épanouit et ton étreinte se fait soudain plus réconfortante pendant quelques secondes, jusqu'à ce que tu me relâches. C'était trop court mais je sais que c'était déjà beaucoup pour toi.

— Merci Killian. Je t'en veux encore et j'ai besoin de temps pour moi mais je reviendrai, je te le promets.

Je te quitte sur ses derniers mots, remercie Rosie pour ses conseils et je file retrouver notre chat et notre appartement que j'ai laissé en bordel. Twinkle m'accueille avec des miaulements qui m'arrachent le cœur. Je sais que tu lui manques, aussi je le rassure en lui offrant une double dose de caresses et des croquettes puis vient le moment de tenir ma promesse.

Je m'assois sur un tabouret, derrière le bar, et observe l'océan la boule au ventre. C'est juste un appel, je peux le faire. J'essaie de m'en convaincre mais j'appréhende surtout les conséquences que ça implique et tout ce que ça va remuer en moi. Mais je pense principalement à toi et je suis certain d'une chose, je ne veux pas te perdre.

Je compose le numéro que mon père m'a donné il y a quelques jours déjà puis appuie sur la touche d'appel. Les dés sont lancés et j'espère vraiment avoir fait ce qu'il fallait. 

*amor / mon amour

❤❤❤

Helloooo,

Alors ce chapitre ? 

J'espère qu'il vous a plu. Est-ce que derrière la tempête le soleil se lèvera ?

On en saura plus au prochain chapitre...

Des bisous et merci pour vos votes et petits commentaires, ça me fait toujours plaisir !