Tu es mon premier


965 jours avant...


🌻🌻🌻

Killian

Bien que je sois encore suspendu, Gloria a tenu à ce que tout le personnel de l'agence soit convié au brunch de noël. Je n'ai pas vu le temps passer et j'ai réalisé ce matin, la boule au ventre, que dans deux jours c'était le réveillon. Il faisait froid et je n'avais aucune envie d'y aller mais tu m'as convaincu que revoir nos collègues avant les vacances de noël, serait une bonne idée.

C'était sympa, j'ai rencontré les nouvelles, on a discuté de tout et de rien avec ceux qui ne me regardaient pas de travers. Et puis j'ai croisé Max et là, je me suis rappelé pourquoi je ne voulais pas venir à ce brunch. Son visage tuméfié et violacé m'a amusé, j'ai beaucoup moins ri quand tu m'as demandé de m'excuser auprès de lui pour mon agression. T'y es allé un peu fort, je l'ai à peine effleuré de mon poing, deux fois.

Je déteste qu'on me dise ce que je dois faire, plus encore lorsque ce n'est pas justifié. Il te draguait, je n'ai pas aimé et on s'est disputé. Je ne vois pas pourquoi je devrais m'excuser. C'est lui qui a dépassé les bornes, pas moi. Tu n'étais pas d'accord avec mon point de vue, j'ai lâchement quitté le studio après notre dispute et j'ai filé droit vers Ocean Boulevard et trouvé la plage afin de retrouver mon calme. Je n'aime pas être contredit mais je réalise que je déteste plus encore me disputer avec toi.

Assis les fesses dans le sable froid, je rumine mes paroles maladroites. Je sais que sous le coup de l'émotion, je n'ai pas été très malin. Je t'ai blessé et plutôt que de m'excuser, j'ai fui par peur de dire pire encore. Je sais aussi que tu m'observes de loin, je peux presque sentir ton regard se planter dans mon dos tel un poignard tranchant. Je soupire et observe un instant les vagues aller et venir sur la plage.

— Je ne vais pas te manger, dis-je en me retournant après de longues minutes passées à t'ignorer volontairement.

Debout sur le trottoir quelques mètres derrière moi, je te sens hésitant. Tu fais un pas timide sur le sable puis un deuxième mais tu t'arrêtes là, les mains dans les poches de ta veste, le regard accroché au mien.

— J'ai froid, tu voudrais pas qu'on rentre et qu'on en parle au chaud ? dis-tu avec un ton qui reflète parfaitement la météo.

C'est vrai que la température est encore descendue depuis ce matin. Je me relève en époussetant mon pantalon et marche dans ta direction. Je baisse la tête pour éviter ton regard mais j'ose glisser mes doigts entre les tiens lorsque je te rejoins. Je suis soulagé que tu les acceptes finalement. On repart côte à côte, dans un silence qui dure jusqu'à la maison. J'ouvre la porte et te laisse entrer, la refermant en soupirant pour la énième fois de la journée.

Chaque fois que je t'ai observé dans le bus, une boule m'empêchait de parler, malgré ton regard bienveillant. Je voulais m'excuser, m'expliquer, je le veux toujours mais je ne sais pas par quoi commencer. Je te vois partir à la cuisine et revenir avec un pot de glace que je ne mérite même pas, au chocolat en plus de ça. Tu commences à trop bien connaitre mes faiblesses.

Tu me le tends, mais lorsque je fais un geste pour l'attraper, tu le gardes contre toi.

— A quoi tu joues Tim ? dis-je en me renfrognant.

Tu relèves un sourcil, mordilles ta lèvre inférieure.

— C'est drôle que tu poses cette question, parce que j'ai exactement la même pour toi... Sérieusement Killian, tu pourrais desserrer les dents et au moins oser me regarder ?!

C'est la première fois que je t'entends hausser le ton et ce que je lis quand je croise ton regard, ne me rassure pas vraiment. Je ne sais pas comment je dois réagir.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Que je suis désolé ? finis-je par murmurer timidement.

— Seulement si c'est sincère.

J'approche ma main de ta joue avec prudence, cherchant ton approbation. Tu fermes les yeux lorsque ma paume touche ta peau puis ta main s'accroche à ma taille, pour me retenir d'aller plus loin malheureusement.

— Killian ?

J'évite ton regard, mon front sur ton épaule. Je cherche ton contact car j'en ai besoin.

— Je suis désolé pour Max et pour mon comportement de ce matin. Je me suis comporté comme un gros con, je le sais. Tu m'en veux ?

— D'un côté, je m'en fous que tu ne t'excuses pas, c'est ton problème après-tout mais d'un autre, je comprends pas pourquoi tu réagis comme ça et... c'est ça qui m'agace le plus. Je ne t'en veux plus mais pourquoi tu te sens obligé de marquer ton territoire comme un chien ? Je ne suis pas un objet tu sais, soupires-tu en me serrant dans tes bras.

Je te rends ton étreinte, en réalisant que j'ai eu un manque certain de réflexion sur ce coup.

— J'ai... je me suis senti trahi quand tu m'as demandé de m'excuser auprès de Max. Mon manque de confiance en moi a parlé à ma place. Je suis vraiment désolé Tim si je t'ai blessé, je sais que j'ai dit des choses sous la colère, que je ne pensais même pas.

Tes boucles blondes me chatouillent la joue lorsque tu secoues la tête en marmonnant de frustration.

— J'ai pas voulu me mettre de son côté, simplement, je voulais en finir avec cette histoire. Et il a fallu que tu en rajoutes une couche en lui refusant des excuses. C'était pas très malin mais je te comprends maintenant. On peut manger ce pot de glace avant qu'il fonde ? demandes-tu avec un sourire que j'interprète comme l'enterrement de la hache de guerre de notre dispute.

— Allons manger cette glace...

— Avant, je veux que tu me promettes une chose Killian, dis-tu en me retenant.

J'accroche ton regard, déglutis.

— Laquelle ?

— Que plus jamais tu ne penses que je suis du côté de Max. T'as même pas le droit de laisser cette idée t'effleurer l'esprit, dis-tu l'air très sérieux. Je te jure que si tu oses encore une fois douter de moi à propos de Max, je vais vraiment me fâcher et tu vas le regretter.

Je scelle nos lèvres, comme preuve que je tiendrai ma promesse envers toi, quoi qu'il arrive. Je ne te trahirai pas, plus jamais. Je sais qu'il faut que je fasse des efforts sur mon manque de confiance en moi. Que je dois arrêter de penser que tout le monde va m'abandonner mais c'est plus fort que moi, c'est ancré si profondément dans ma chair, que je ne sais pas comment me débarrasser de cette sensation d'étouffement chaque fois que j'ai un doute, chaque fois que je vois quelqu'un s'éloigner de moi.

Lorsque le manque d'air nous sépare, je te retiens contre moi, puis te vole le pot de glace. On le mange ensemble, dans un silence rassurant, ponctué de jeu de regards et d'embrassade furtives. J'ai l'impression de retrouver notre complicité et une certaine légèreté qui nous faisait défaut depuis quelques jours. Je me sens mieux, libéré d'un poids qui me crispait complètement. Le retour de ton sourire me confirme que toi aussi tu te sens bien mieux. Je l'espère, parce que je n'ai pas de recette miracle pour garder les petits amis près de moi. J'ai plutôt été nul dans ce genre d'activité jusqu'ici mais je suis prêt à tout pour te garder toi.

Allongés sur notre lit, occupés à regarder un match de baseball, ta tête contre mon torse, tu la relèves soudain. Ton regard est indéchiffrable et une sensation étrange me chatouille le dos.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je sans aucune envie de le savoir.

Il y a des fois où j'aimerais avoir un joker pour répondre aux questions qui me dérangent et je sais pas pourquoi, j'ai l'impression que ce moment est là et que je suis coincé sans joker pour me défiler hélas.

— Est-ce que je peux te poser une question ?

Frissons dans le dos et boule au ventre.

— Vas-y.

— A part Alicia, tu as d'autres amis ?

Ta question ne me surprend pas plus que ça et je comprends que tu te la poses. C'est vrai que depuis que tu vis ici, je n'ai reçu aucun de mes anciens amis.

— Plus vraiment depuis que j'ai quitté le lycée avant la fin, dis-je en caressant tes cheveux distraitement.

— Pourquoi ? T'es pourtant quelqu'un de génial.

Je me retiens d'éclater de rire. Je suis beaucoup de choses, mais génial, je ne pense pas.

— Ils m'ont tous abandonné quand ma mère est morte et d'un côté, je les comprends. J'étais insupportable et j'ai fait des choses pas très recommandables. Je séchais les cours et si j'y étais, je faisais tout pour qu'on me vire de classe. Je ne supportais plus leurs regards de pitié. Je n'étais plus que ça ; celui qui avait perdu sa mère. C'était insupportable, j'ai préféré m'éloigner d'eux définitivement.

— Ça a dû être terrible pour toi, tu as dû te sentir si seul.

— Ouais, c'est pas la période de ma vie que je préfère. Mais seul, je n'avais au moins pas l'impression de faire pitié, de n'être plus qu'une étiquette. Seul je pouvais être qui je voulais. C'est aussi à cette période que j'ai commencé à m'intéresser aux garçons, ça n'a pas aidé à ce que je m'intègre, à ce que je tente de rentrer dans un moule qui n'était pas fait pour moi.

Ton étreinte se fait plus réconfortante, tes baisers dans mon cou me font oublier un peu ce morceau de ma vie, que je traîne encore comme un boulet à ma cheville.

— C'était comment ton premier baiser avec un garçon ? murmures-tu de but en blanc.

Je ferme les yeux et me glisse au-dessus de toi pour te faire un câlin.

— Tu poses beaucoup de questions mon cher, c'est quoi cette curiosité nouvelle ? dis-je en frottant mon nez contre le tien.

Tes mains glissent sous mon t-shirt, tes jambes s'enroulent autour de mon corps.

— J'ai juste envie d'en savoir plus sur toi... mon cher.

Je t'embrasse avec douceur puis entre deux baisers, je te réponds.

— Cet été-là, on était en vacances en Sicile avec mes parents, là d'où est originaire ma mère. J'avais un peu plus de quatorze ans et chaque jour on allait à la plage. Un après-midi, je suis tombé sur un garçon d'à peu près mon âge, lui aussi en vacances. Il s'appelait Emile, il était norvégien. On avait parfois du mal à se comprendre à cause de la langue mais un jour, de retour du glacier avec un énorme cône de glace à la main, j'ai soudain senti la sienne enlacer la mienne. J'ai eu comme un choc, j'ai senti les fameux papillons dans mon estomac.

Ton regard dans le mien, tu insistes pour entendre la suite.

— On a mangé nos glaces et puis on est allé dans une petite crique un peu difficile d'accès et pas très connue des touristes. On était seuls sur le sable, à regarder la mer, les vagues qui nous léchaient la plante des pieds, le soleil qui nous brûlait la peau...

— Vas-y ! Va droit au but ! râles-tu en souriant, me faisant tomber sur le lit à côté de toi.

Je ris mais ton regard inquisiteur m'oblige à poursuivre. Je me réinstalle, formant une boule avec l'oreiller que je place sous ma tête. Je te fais un bisou et je continue.

— Quelle impatience ! Bref, j'avais le cœur qui voulait se barrer de ma poitrine et qu'une envie, goûter ses lèvres. Je voulais savoir ce que ça faisait. On s'est embrassé et c'était comme si je respirais pour la première fois. Jusqu'ici j'avais fait comme mes potes au bahut. J'avais regardé, comme eux, les filles sans comprendre pourquoi je ne ressentais pas la même chose qu'eux en les voyant. Je pensais que j'avais peut-être un problème, que quelque chose n'allait pas chez moi. Cet été-là, avec Emile, j'ai compris que les filles n'étaient tout simplement pas pour moi.

— Et qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?

— On a passé le reste des vacances dans notre crique, à s'embrasser timidement et puis on s'est séparés à la fin de l'été. Je ne l'ai jamais revu mais je n'ai jamais oublié qu'il a été pour moi, le premier garçon que j'ai embrassé.

— C'est trop mignon, mon cher.

— J'en garde un très bon souvenir... mon cœur.

Tu sourcilles, je t'imite.

— Tu sais que tu es... mon premier Killian, murmures-tu en embrassant mon cou.

Je déglutis de travers, tu ris.

— Mon cœur, tu me troubles... Sache que j'ai envie de te faire découvrir plein de premières fois.

— C'est la première fois qu'on m'appelle mon cœur, souris-tu.

— Tu vois, j'ai déjà commencé et je ne m'arrêterai jamais, dis-je en plongeant sur tes lèvres.

J'ai le cœur qui s'emballe et une folle envie de réaliser tous tes rêves les plus fous. De vivre avec toi une vie qu'on aura décidé de vivre. Une vie qui nous ressemblera, un peu bancale, fêlée, mais remplie de premières fois et d'une multitude de suivantes. Je rêve d'un futur avec toi mais déjà, des battements de cœur tambourinent dans mon esprit, me rappelant amèrement que la vie n'est pas toujours comme on l'imagine. 

❤❤❤

Hello...

Un chapitre qui se finit un douceur mais la tempête n'est jamais loin avec ces deux là.

La suite mercredi !

Je vous souhaite un bon weekend ;)

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