S'aimer comme des fous

1 072 jours avant...


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Timothy

Depuis tes aveux il y a deux jours, je me pose beaucoup de questions. Du genre ; combien de partenaires as-tu eu ? Est-ce que je serai à la hauteur le jour où on passera à l'étape suivante ? Pourquoi je n'ai jamais eu le courage de me lancer ? Si je n'ai aucune idée d'où on va exactement, la réponse à ma dernière question est très simple et aussi évidente que mon manque de confiance en moi.

Il faut dire qu'en vivant avec mon beau-père et même si on n'en a jamais parlé lui et moi, j'ai toujours senti que je ne pouvais pas être moi-même avec lui. Lui dire que j'étais homosexuel ? C'était même pas dans mes sujets possibles de discussion. Non, plutôt lui avouer que j'aimais les milkshakes à la pistache et encore, j'aurais eu droit à son regard désapprobateur. Seuls le chocolat et la vanille sont acceptables pour lui. Roger est quelqu'un de très peu ouvert à la discussion, sur aucun sujet. Il a ses idées et elles sont non négociables. Je n'ai pas le droit d'être différent.

Alors même si j'avais eu envie d'avoir des relations sexuelles avec un garçon, j'aurais eu beaucoup trop peur qu'il le sache. J'ai tellement enfoui en moi le fait que je sois attiré par les hommes, j'ai fait tellement d'efforts pour cacher mes envies que je suis presque sûr que c'est la rencontre avec toi Killian qui a ravivé mon vrai moi. Le jeune homme timide qui aime les garçons sans oser l'avouer. Aujourd'hui pourtant, après que tu m'aies confessé tes envies, je ressens le besoin de crier les miennes sur les toits moi aussi. Je ne veux plus me cacher, ignorer ce qui fait que je suis moi, ignorer que je suis homosexuel. Ça ne change rien à ma personnalité mais j'ai besoin de le faire savoir, pour me sentir entier.

En ce qui concerne mon beau-père, c'est fait, il sait et il n'est pas vraiment de mon côté et je m'en fiche à vrai dire. Son avis importe peu, il n'est rien pour moi mis à part le mari de ma mère. Il n'a jamais été plus qu'un membre rapporté de notre famille. Je ne l'ai jamais considéré comme mon père puisque j'en ai un, même s'il vit à des milliers de kilomètres d'ici. Je n'ai jamais pu me rapprocher de Roger et cette distance entre nous me va très bien finalement. Le seul lien entre nous, c'est ma mère.

En ce qui la concerne, je ne sais pas vraiment ce qu'elle pense de moi, de mon vrai moi je veux dire, mais j'ai besoin de savoir et de lui parler parce qu'elle m'ignore depuis trop longtemps et je n'en peux plus de cette situation. Je la cherche dans la maison et la trouve occupée à arroser ses orchidées si précieuses à ses yeux dans le salon. Mon cœur cogne contre ma poitrine tellement j'ai peur d'avoir cette discussion avec elle. J'ai les mains plus moites à chaque pas qui me rapproche de ma mère. Et si elle me rejetait ? Et si elle ne voulait plus de moi comme fils ?

La gorge serrée je l'interpelle.

— Maman, est-ce qu'on peut discuter ?

Elle pose l'arrosoir sur le sol taché d'eau puis me fait face. Son visage est souriant et me rassure quelque peu mais la boule dans mon ventre est toujours là et me grignote les entrailles comme des rats affamés mangeraient des poubelles.

— Bien sûr qu'on peut parler, je t'écoute mon chéri.

Elle s'assoit sur le canapé de cuir brun fatigué, m'attirant à ses côtés en gardant ma main dans la sienne. Je ne me sens pas très à l'aise mais heureusement, Roger n'est pas là pour rendre cette discussion plus insupportable encore.

Je soupire longuement alors que ses yeux me scrutent, cherchant peut-être à savoir ce qui me rend si nerveux, elle esquisse un sourire, me poussant à ouvrir enfin la bouche. J'ai peur mais je me lance, il le faut.

— Maman, tu sais... en fait je sais pas comment commencer, balbutié-je bêtement.

Elle serre ma main plus fort encore et me serre dans ses bras. Je l'entends renifler sur mon épaule puis elle me relâche et essuie une larme sur sa joue.

— Timothy, tu n'as pas à avoir peur de me parler. Je suis désolée que tu n'aies pas eu assez confiance en moi pour venir te confier plus tôt. Je pensais que toi et moi on se disais tout.

— Ça c'était quand j'avais cinq ans maman. Quand papa et toi vous étiez encore là tous les deux. Quand je comptais encore pour vous, quand Roger n'était pas encore dans nos vies. Maintenant c'est compliqué, reniflé-je sans pouvoir m'arrêter.

Des larmes dévalent mes joues tandis que les yeux de ma mère s'embuent eux aussi.

— Tim, ne dis pas des choses comme ça. Tu comptes énormément pour moi. Roger... c'est pas à cause de lui si on s'est éloigné nous deux. C'est compliqué comme tu dis. Enfin bref, tu peux tout me dire mon chéri, je t'écoute, dit-elle en essuyant une autre larme sur sa joue.

Je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas crier qu'elle a tort, que Roger fait partie du problème mais ça n'arrangerait rien je le sais. Pourtant ma bouche ne peut pas se taire à cet instant et une fois la machine lancée, je ne peux plus l'arrêter.

— Maman tu ne le vois peut-être pas mais Roger ne m'aime pas. Il ne m'a jamais aimé et je m'en fiche à vrai dire. Le problème c'est qu'il te manipule et qu'à cause de ça, tu ne me vois plus comme tu me voyais avant.

Son visage se décompose et devient aussi blanc que l'écume sur la surface de l'océan. Elle déglutit difficilement.

— Je comprends pas ce que tu veux dire. Je t'aime et je t'aimerai toujours mon chéri.

La boule dans mon ventre décide qu'elle n'a plus de place, je ne me retiens pas.

— Et cette partie de moi qui dégoute au plus haut point ton cher mari ?! Ça aussi tu l'aimes ou ça te donne aussi la nausée ? crié-je en me levant d'un bond du canapé.

Elle ouvre de grands yeux puis la bouche mais rien n'en sort et je continue de crier. Je ne devrais pas mais la colère qui bouillonnait gentiment en moi déborde maintenant de partout, comme un volcan en éruption, comme un tsunami qui va dévaster ma mère.

— Tu vois, tu ne sais même pas quoi dire quand Roger n'est pas là ! Est-ce que tu m'aimes toujours en sachant que je suis homosexuel maman ?!

Elle se lève elle aussi et fait un pas dans ma direction, la main tendue vers moi.

— Bien...bien sûr que oui Timothy. Je t'aime comme tu es, tout entier.

— Et Roger ? Tu l'aimes toujours en sachant que je le dégoute et qu'il ne m'accepte pas comme je suis ?

Elle baisse les yeux. Je sais que c'est cruel de lui demander ça mais j'ai besoin de savoir, j'ai besoin de l'entendre de sa bouche.

— Et si tu devais choisir entre nous deux ? ajouté-je alors qu'elle pleure de plus belle.

— Timothy, ne me demande pas ça. Je vous aime tous les deux.

Elle fond en larmes et attrape mes mains dans les siennes qui tremblent comme des feuilles sous le vent.

— Tim, ne pars pas je t'en supplie.

Je ferme les yeux et me défais de son étreinte, mon cœur aussi lourd que les larmes qui tombent de mes yeux.

— Je peux pas rester là maman et tu sais très bien pourquoi.

Je recule d'un pas lorsque la porte s'ouvre sur Roger qui apparemment a fini de vendre ses voitures pourries. Super timing.

— Tu penses aller où comme ça hein Timothy ? dit-il les dents serrées en posant sa stupide mallette sur le sol. J'ai entendu ce que t'as dit à ta mère et je te préviens ; si tu franchis la porte, n'espère pas revenir ici.

Son ton est froid tout comme son regard sur moi. J'ai l'impression de tomber dans un lac gelé et de couler tout au fond, dans l'obscurité.

— Roger ! crie ma mère en faisant un pas entre lui et moi.

— Non Helen, pas de Roger ! Si ton gosse n'est pas foutu d'être reconnaissant envers moi pour tout ce que j'ai fait pour lui depuis que son père l'a abandonné, il peut très bien se casser d'ici ! J'en ai rien à foutre !

— Papa ne nous a pas abandonnés ! crié-je hors de moi.

Un sourire sadique illumine son visage bouffi et rouge de colère. Il se rapproche d'un pas.

— Tu peux dire ce que tu veux gamin, il s'est barré il y a quinze ans et n'est jamais revenu, tout comme ton frère !

C'est exactement ce qu'il ne fallait pas me dire. La rage parle pour moi à cet instant et sans pouvoir me retenir, je pousse violemment Roger contre le mur, le retenant par le col de sa chemise à carreaux ridicule. Un cadre où on voit mon père et mon frère tombe sur le sol. J'y vois là un signe du destin.

— Ne parle pas de Jackson, jamais ! Et papa ne voulait pas nous abandonner !

Roger sourit, un sourire mauvais qui n'augure que de la haine à mon encontre, je le sais déjà. Dans mon dos, maman crie pour que je le relâche mais je ne peux pas. Je veux lui faire face lorsqu'il scellera mon destin. Je veux le voir et l'entendre crier sa haine, j'en ai besoin.

— Ton père est parti et j'ai assumé son rôle jusqu'à maintenant et t'es pas fichu de le voir. T'es qu'un ingrat Tim, tu mérites pas tout ce que je t'ai donné. Un toit et de quoi manger, chaque jour depuis que ton père s'est cassé... ça te suffit pas ?!

— C'est sa pension qui a tout payé espèce de connard ! T'as jamais rien fait pour nous et tu sais quoi ?! Je veux plus rien à voir à faire avec toi ! Je pars !

— Tu pars faire la pute Tim ? Très bien, sache que la porte de cette maison ne s'ouvrira plus pour toi. Tu peux te barrer, je m'en fous ! hurle Roger en me repoussant.

Il reprend sa mallette comme si de rien n'était et disparait dans la cuisine. Ma mère tombe à genoux à côté de moi et me prend la main. Ses yeux sont plein de larmes mais mon cœur saigne trop pour que ça me touche. Je me décolle du mur doucement, le bide retourné par les mots de Roger. Je jette un regard à ma mère et secoue la tête négativement pour lui dire que c'est fini. Elle pleure encore lorsque je monte dans ma chambre, elle pleure toujours quand j'en redescend après avoir laissé un mot à Rosie puis récupéré mes maigres affaires.

— Au revoir maman, dis-je avant de fermer la porte de la maison, ma mère assise en larmes sur le tapis du salon.

Cette image, ainsi que le regard de Roger me hantent encore alors que je monte sur mon vélo bleu. Je pousse sur la pédale et pour la dernière fois je jette un coup d'œil furtif à cette maison qui ne me reverra jamais. C'est fini. Je n'en supporterai pas plus. Je viens peut-être de faire la plus grosse connerie de ma vie mais revoir Roger n'est plus possible. Pour ma mère et Rosie, je trouverai une solution. Je pourrais les voir ailleurs, dans des endroits qui ne me rappelleront pas Roger et sa haine.

Mon vélo dévale la route goudronnée et au premier carrefour, je pousse plus fort pour prendre vers le nord, vers la seule personne à qui je pense à cet instant. Killian. J'espère de tout cœur que tu es chez toi, que ton père ou Alfred m'ouvrira cet immense portail derrière lequel tu te caches. J'espère que tu ne me rejetteras pas toi aussi. La nausée s'intensifie au fur et à mesure que je pédale, toujours plus vite. Mon cœur dépasse son rythme de croisière et mes jambes brûlent mais je continue, aussi vite que je peux. Aussi loin que je peux. Je m'éloigne et laisse tout ce que je connaissais jusqu'ici derrière moi. Je veux voir devant, voir où me mène mon destin. Voir ce que mon futur peut m'apporter.

J'ai envie d'oublier cette discussion, cette journée, cette foutue vie qui jusqu'ici n'a pas été des plus belles. Je veux un avenir avec toi Killian, je veux construire quelque chose pour une fois. Je ne veux plus détruire les gens et laisser des regrets derrière moi. Je veux prendre ma vie en main et ne plus la subir. J'en ai marre qu'on me rabaisse, qu'on me répète ce que je dois ou ne dois pas faire à longueur de journée. C'est fini tout ça. Je veux chasser les étoiles avec toi Killian, chasser le vent et l'horizon, l'amour et t'offrir tout ce que j'aurais réussi à attraper en chemin.

Je veux découvrir le monde et ses possibilités, notre avenir et nos rêves inavoués. Je veux passer le reste de ma vie à tes côtés à tout tenter, tout essayer, me planter et recommencer jusqu'à ce que je trouve le chemin secret de ton cœur. Je veux passer le reste de notre vie à nous rendre heureux, à sourire comme des idiots et à s'aimer comme des fous. Surtout si ça emmerde Roger. 

❤❤❤

Hello vous...

Alors ce chapitre ? Un peu difficile pour Timothy. 

Fait-il une bêtise en quittant sa famille ? 

On en saura plus samedi ;)

Des bisous et ne soyez pas sages...


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