On ne doit pas oublier ceux qui ne sont plus là
963 jours avant...
🌻🌻🌻
Timothy
Les premiers rayons de soleil de ce vingt-quatre décembre, me semblent fades et tristes. C'est certainement dû au ciel gris qui nous annonce de la pluie, que j'aperçois à travers les lamelles des stores. Je repousse les draps et t'observe quelques instants dormir à poings fermés. J'effleure ta joue, ton nez se fronce. Je souris et décide de te laisser dormir encore un peu. Cette nuit a été difficile pour toi, je t'ai entendu te lever au moins quatre fois. Tes cauchemars se sont intensifiés et si je gère à peu près tes angoisses le jour, la nuit est une autre histoire mais je sais ce qui pourrait te faire plaisir.
Je passe en coup de vent dans la salle de bain et une fois habillé, je file ensuite dans la cuisine. Anna est en congé pour une semaine mais ton père ayant tout prévu, un traiteur va nous nourrir durant son absence. J'ai toujours du mal avec cette habitude que je ne connais pas du tout. Chez moi c'est ma mère ou ma sœur et moi qui cuisinions, aussi ce matin, je vais préparer le petit-déjeuner pour tout le monde.
Je suis concentré sur la découpe des fruits, tout en ayant un œil sur le bacon qui grille dans la poêle, quand je sens deux mains glisser sur mes hanches, me faisant sursauter.
— T'es fou ! J'aurais pu me couper un doigt ! râlé-je en me retournant, couteau en l'air.
Tu souris mais tes yeux semblent teintés de tristesse.
— Bonjour à toi aussi mon cœur.
Je dépose un baiser sur ta joue avant de sourire à mon tour.
— J'ai encore du mal à m'habituer à ce petit nom... mon cœur.
— C'est un peu niais je te l'accorde mais j'aime voir tes joues rougir quand je te le dis.
Je lève les yeux au ciel et retourne à mes fruits en rougissant.
— C'est pas niais, c'est... surprenant, dis-je en y pensant.
— Tu sais qu'on a commandé assez de nourriture toute prête pour une semaine ? T'es pas obligé de faire tout ça, dis-tu en piquant un morceau de pomme sur la planche à découper.
— J'en ai envie et j'ai toujours pas l'habitude de voir la bouffe sauter dans mon assiette, excuse-moi. Et pis j'aime cuisiner, t'as jamais essayé ?
J'entends un long soupire et regrette déjà mes paroles. Peut-être que j'aurais dû me taire.
— Ma mère adorait cuisiner mais j'étais une catastrophe ambulante dans une cuisine, alors elle a vite abandonné l'idée de m'apprendre quoi que ce soit sur le sujet. Je n'ai plus que son livre de recette... Il est peut-être quelque part dans le coin d'ailleurs, dis-tu en piquant un autre morceau de fruit avant de partir à l'autre bout de la cuisine à grands pas.
Je t'observe ouvrir tous les placards qui tombent sous ta main, comme si soudain, il n'y avait plus que ça dans ta tête. Au bout de quelques minutes, tu t'arrêtes devant une petite armoire remplie de boîtes en fer, du thé j'imagine. Ton dos nu se crispe et une larme coule sur ta joue lorsque tu te retournes.
— Je... je l'ai trouvé, dis-tu la gorge serrée.
Je pose mon couteau et te rejoins, te serrant dans mes bras, réalisant que tu trembles de la tête aux pieds. On parcourt le livre de recettes, toutes écrites à la main, il y a même des petits dessins sur certaines pages et des commentaires comme « le goûter préféré de Killian », « Un délice découvert grâce à Louise et Alicia » et d'autres encore. C'est comme découvrir une carte aux trésors mais plus intime et gourmande. Soudain une page retient ton attention. Il y a des petits cœurs dessinés en haut de la page et la mention « Le dessert des hommes de la maison ».
— C'est le dessert préféré de mon père, celui que maman nous faisait à chaque noël.
Je tourne la tête vers toi, mordillant ma lèvre. J'ai soudain une idée.
— Et si on le faisait tous les deux pour le réveillon de ce soir ? Tu penses que ça ferait plaisir à ton père ?
Une grimace, entre la joie et la tristesse, étire tes traits, tu m'enlaces soudain en me remerciant.
— J'ai encore rien fait mais je t'en prie, ce n'est rien. Anna ne l'a jamais fait pour vous ?
— Papa ne voulait pas qu'elle touche au livre de recettes de maman mais je pense que ça lui ferait plaisir si ça venait de toi. Tu ferais ça pour nous ?
Je sourcille et souris malicieusement, une ride se forme entre tes yeux.
— On va le faire ensemble ce dessert, dis-je en caressant ta joue afin d'y effacer les traces d'une larme.
On prend notre petit déjeuner tous les deux puis on décide de ranger la cuisine, enfin tu tentes surtout de mettre plus encore de bazar mais je ne relève pas. Je sais que tu n'as pas l'habitude de t'occuper de ce genre de choses, alors je range derrière-toi sans rien ajouter. Je trouve ta maladresse très mignonne. On organise sur le plan de travail tous les ingrédients pour préparer la recette et après une heure d'efforts intenses de ta part, le tiramisu est au frais.
Tu souris en observant le frigo comme si le dessert pouvait soudain en ressortir. Je ris en voyant que ton visage est plein de chocolat en poudre. Je me rapproche et frotte doucement ta joue brunie.
— Tu tentes de me draguer ? dis-tu en retenant ma main que tu gardes entre tes doigts.
— Même pas, tu as du chocolat partout sur le visage.
— Trop pour éviter la douche j'imagine ? dis-tu avec une soudaine lueur pétillante dans le regard.
— Tu vas être obligé d'y aller, t'es tout dégueulasse, répliqué-je en faisant la moue.
— Mince alors, tu vas être obligé... de m'accompagner !
J'ai à peine le temps de réaliser ce que tu dis que je me retrouve sur ton épaule, le visage faisant face à ton postérieur, porté tel un sac de patates.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— C'est un kidnapping mon cœur.
Je ris, puis nous nous retrouvons bien vite sous le jet d'eau chaude, nos corps ne voulant pas se lâcher d'un millimètre. Tes gestes sont précipités, désordonnés et je me retrouve soudain avec ta main s'insinuant entre mes fesses, insistante.
— Killian ? Tu... tu fais quoi là ? dis-je surpris par ton geste.
Tu déglutis, fuyant tout à coup mon regard. Tes bras retombent mollement le long de ton corps, tu mordilles ta lèvre avec frénésie et tes yeux semblent pris dans un monde très loin d'ici.
— Désolé, je... j'étais loin dans mes pensées. Excuse-moi.
— Eh, c'est pas grave. Tu m'as surpris, je m'y attendais pas.
Tu passes ta main sur ton visage soudain fermé, puis tu te retournes pour quitter la cabine de douche, plein de savon, dégoulinant sur le carrelage. Eh merde !
C'est la douche froide pour moi. Tu fais la gueule le reste de la journée, ne rouvrant la bouche qu'en milieu d'après-midi quand ton père fait son retour du bureau. L'ambiance est lourde entre nous et je ne sais pas par où commencer pour désamorcer la situation. Heureusement pour moi, ton père semble sonder ton humeur dès son arrivée et prend les choses en mains.
J'en profite pour mettre la table dans la salle à manger puis je tombe par hasard dans le vaisselier, sur des grosses bougies blanches. Je décide d'en allumer une sur la petite commode près de la porte. Je trouve de quoi écrire et de ma plus belle écriture, j'inscris deux prénoms ainsi qu'un texte court sur la carte puis la laisse près de la bougie.
Je monte me changer, alors que ton père et toi êtes déjà prêts, préparant les boissons pour l'apéritif. Comme un mois plus tôt, Alicia et sa mère viennent ce soir pour fêter le réveillon. J'ai appelé Rosie pendant que tu gérais tes galères mais j'ai vite compris que je n'étais plus le bienvenu à la maison, dans leur maison. Ça m'a fendu le cœur en deux mais je n'ai pas eu le courage de t'en parler parce que tu te battais déjà contre tes propres démons. Je le ferais demain, quand j'aurais digéré le fait que ma famille ne l'est plus vraiment. Ce réveillon va être festif, je le sens.
J'enfile une de tes nombreuses chemises, heureusement qu'on fait la même taille, je n'aurais su quoi mettre ce soir. Tu m'as dit de me servir, c'est ce que j'ai fait. J'en ai trouvé une en soie bleue marine, avec de minuscules points noirs, que je rentre dans mon pantalon, noir également. J'y ajoute une ceinture du même ton et des chaussures d'une marque Italienne, dont la valeur dépasse largement le contenu de mon compte en banque. C'est cher mais hyper confortable, il faut bien l'avouer. J'enlève les bracelets qui ornent d'habitude mon poignet, dévoilant mon tatouage que je cache bien vite sous le tissu.
Ce soir, je ne veux pas penser à ceux qui m'ont abandonné, ni à ceux qui sont en train de le faire. Je sens que ce noël va être aussi difficile pour toi que pour moi. Je prends une grande inspiration en jetant un dernier regard dans le miroir. J'ai l'air fatigué et plus vieux. Je me rends dans la salle de bain et me tartine un peu de crème hydratante, histoire d'avoir un visage qui ressemble à quelque chose d'agréable à regarder. Je prends quelques minutes pour calmer mon cœur qui tambourine, tout en nettoyant mes lunettes, quand j'entends la sonnette annonçant les invités du soir.
Je vous retrouve dans le salon, en train de discuter, et aussitôt tout le monde se retourne sur moi. On dirait une famille recomposée attendant le p'tit dernier de la fratrie. Alicia et sa mère sont vêtues d'une robe bordeaux, chacune avec une coupe différente, un peu plus courte pour Alicia. Elles sont magnifiques, tout comme ton père et toi, semblables à des jumeaux. Chemises et pantalon noir, vous êtes très élégants.
— Euh, bonsoir, dis-je en venant embrasser timidement Louise et Alicia.
— Tu es magnifique Timothy, me fait remarquer Louise, qui me retient plus longtemps que ce que je pensais.
Alicia s'en excuse d'un sourire et confirme que je suis beau dans cette chemise. Lorsque je me retourne vers ton père et toi, je constate que vous êtes figés sur place comme deux glaçons.
— Il y a un problème ? demandé-je en observant ma tenue, sans comprendre ce qui cloche.
— Non non, cette chemise te va très bien Tim, m'assure ton père avant de lancer l'apéritif de ce réveillon, l'œil brillant.
Tu t'approches de moi et effleure lentement le tissu de ma chemise entre tes doigts, tout en m'observant, tes yeux aussi embués que ceux de ton père.
— Tout va bien Killian ? dis-je confus.
Tu t'approches et murmures :
— C'est la dernière chemise que ma mère a offerte à mon père mais tu la portes très bien.
Bon sang, c'est pas possible. Il y a une centaine de chemises dans ton armoire et il faut que je tombe sur celle-ci. L'angoisse me serre la gorge.
— Tu crois que je devrais la changer ?
— Je crois surtout que si tu as choisi cette chemise, c'est que ma mère voulait que tu la portes. C'est peut-être un signe qu'elle t'accepte elle aussi dans la famille.
Mon estomac se tortille d'angoisse tandis que je me précipite dans la salle à manger, vers la petite commode où est encore allumé la bougie. Patrick est en train de lire la carte que j'ai écrite et essuie une larme sur sa joue. Je m'approche doucement et hésite un instant.
— Je suis désolé, je n'aurais peut-être pas dû... c'était maladroit de ma part, dis-je en bégayant bêtement.
Ton père se tourne vers moi, sourire aux lèvres et me fait une accolade que j'accepte sans en comprendre vraiment l'intention.
— Non, au contraire, tu as bien fait Timothy. On ne doit pas oublier ceux qui ne sont plus là. C'est une très belle attention de ta part et je t'en remercie. Qui est Jackie ? me demande-t-il en essuyant le coin de son œil.
— Ma grand-mère paternelle. Je l'adorais et elle me manque beaucoup.
Il hoche la tête et me sourit, une main sur mon épaule en guise de réconfort.
— Caterina t'adorerait certainement, si elle était encore là. Je suis certain qu'elle serait heureuse de connaître l'homme qui rend son fils heureux. Je n'ai pas encore eu l'occasion de te le dire mais, tu es important pour lui, pour nous. Je suis heureux moi aussi que tu fasses partie de cette famille Timothy. Et je t'en remercie.
— Merci à vous de m'accueillir, je vous en suis extrêmement reconnaissant.
— C'est normal... fiston, dit-il avec un clin d'œil.
Un simple clin d'œil suffit à me faire verser une larme. Mais ce n'est pas une simple larme, c'est la preuve que sur cette terre, j'ai une nouvelle place et une nouvelle famille. Je l'espère de tout mon cœur en tout cas et m'accroche à ce réveillon de noël comme un marin à la barre de son bateau en pleine tempête.
J'aimerais que cette soirée marque un renouveau dans ma vie, qu'elle soit le symbole de changement positif. J'ai peut-être un nouveau cercle de personnes autour de moi auxquelles je m'attache gentiment, j'ai toujours cette petite voix au fond de moi qui me dit que ce n'est que temporaire, que l'univers est en mouvement perpétuel et qu'à tout instant un big bang pourrait bien tout ficher par terre et envoyer mes espoirs au fin fond d'un trou noir.
Mais noël est une fête rassembleuse et durant toute la soirée, je me sens à ma place, accepté et aimé, même si Rosie, Jackson, papa et maman hantent mes pensées, je me sens heureux. A tes côtés j'ai l'impression de revivre, je retrouve une figure paternelle aimante grâce à ton père et un semblant de normalité. Je sais que ma véritable famille va me manquer, néanmoins je sais que j'ai besoin de m'éloigner d'eux quelques temps afin de trouver ma véritable place. J'espère qu'ils comprendront.
❤❤❤
Hello !
Nous arrivons gentiment à la moitié de l'histoire (environ) et j'espère qu'elle vous plait toujours !
Je vous retrouve samedi ?
Des bisous (づ ̄3 ̄)づ╭❤~
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