Longue journée
911 jours avant...
🌻🌻🌻
Timothy
Rosie et ma mère nous attendent devant le restaurant, toutes les deux aussi souriantes que bien habillées. Le soleil du mois de mars réchauffe l'atmosphère et les premières fleurs commencent à éclore dans les recoins végétalisés de la ville. J'aime le printemps, mais il me rappelle hélas que je ne n'ai pas vu ma famille depuis noël et j'appréhende soudain le repas qu'elles ont organisé pour mon anniversaire. Mais tu es là et ta présence me rassure. C'est Rosie qui a insisté pour que tu sois présent, elle m'a dit qu'elle avait convaincu ma mère qu'elle devait enfin faire ta connaissance. J'apprécie son attention mais j'ai peur de ce que pourrait dire cette dernière.
Je fais un pas sur le trottoir alors que ma petite sœur me saute dans les bras, m'enlaçant comme si elle ne voulait plus jamais me lâcher.
— Joyeux anniversaire Tim ! me souffle-t-elle en desserrant son étreinte, son sourire aussi lumineux que le soleil qui perce à travers les quelques nuages blancs du ciel.
— Merci Rosie. Bonjour maman, dis-je en me tournant vers elle, toujours souriante. Je te présente Killian, mon petit ami.
A mes côtés, fier comme un coq, ta main serre la mienne puis je sens le froid s'insinuer entre mes doigts lorsque tu fais la bise à ma mère en me relâchant. Elle nous salue, avec retenue, puis ouvre la marche jusque dans le restaurant. Maman me connait bien et a réservé dans un restaurant Italien et plus que tout, elle n'a pas emmené Roger. C'est bon signe, enfin je l'espère.
On s'installe à une table ronde dans le fond de la salle décorée dans les couleurs de l'Italie et qui n'est pas pleine en ce samedi midi. Les discussions sont étouffées par de la musique ambiante et la chaleur est agréable. Maman nous observe mais n'ose pas ouvrir la bouche, je sais qu'elle m'en veut de ne pas l'avoir appelée depuis deux mois mais plus le temps passait et moins je ne savais quoi lui dire. Un fossé se creuse entre nous, je le sens, mais j'ignore comment rattraper les choses. Je ne sais même pas si c'est à moi de le faire d'ailleurs. On reste quelques instants à se regarder en silence, comme si nous étions figés par la distance qui s'est installée depuis notre dernière discussion.
C'est Rosie qui entame finalement la discussion.
— Alors ce boulot ça vous plait toujours ? demande-t-elle avec ce sourire intarissable sur les lèvres.
Ma mère se racle la gorge, marquant à nouveau son désaccord sur une partie de ma vie. Je m'empresse de répondre à Rosie avant qu'une remarque ne fuse de sa part.
— Oui, c'est génial, on prépare déjà les collections automne-hiver pour l'année prochaine. On a de nouveaux créateurs qui nous font confiance et j'ai enfin fait mon book, dis-je avec une pointe de fierté.
Rosie écarquille les yeux, ma mère les détourne.
— C'est incroyable Tim, je suis trop contente pour vous. Est-ce que je pourrais voir ton book ?
— Pour que tu me vois en petite tenue ?! Non punaise, ce serait trop gênant, t'es ma petite sœur !
— Je te montrerai le mien si tu veux, répliques-tu sourire aux lèvres alors que ma mère s'empourpre sur sa chaise.
Ton genou touche le mien. Je sais que tu le fais exprès pour énerver ma mère parce que tu n'es pas d'accord avec le fait qu'elle ne veuille plus me voir à la maison depuis noël, pour éviter les conflits, mais ça m'angoisse de savoir que tu la provoques alors que c'est votre première rencontre. J'aimerais vraiment que ça se passe bien entre vous.
La tension monte mais le serveur nous sauve en venant prendre nos commandes et fait retomber la pression autour de la table. Ma mère ose me demander comment je vais en dehors du travail. Le fait qu'elle le précise m'indique qu'elle ne veut plus entendre parler de lingerie.
— Je vais bien maman, ne t'inquiète pas. Et toi ?
— Je suis ta mère, je m'inquièterai toujours pour toi Timothy. Je vais bien merci. Et vous Killian, comment ça se passe pour vous ?
Ta main posée sur ma cuisse, me broie soudain le muscle. T'as pas l'air d'apprécier le vouvoiement, ou peut-être est-ce le ton condescendant et horripilant de ma mère que tu n'aimes pas. Je n'aimerais pas non plus à ta place. Je te rassure en posant ma main sur la tienne, espérant que tu ne surréagisses pas.
— Oh je vais très bien, je vous remercie de demander. La culpabilité n'est pas trop lourde à porter pour moi. Et pour vous, ça se passe comment ?
— Killian ! dis-je en te lançant un coup de pied sous la table qui ne te fait même pas sourciller.
Ma mère semble s'étouffer dans son pull à col roulé bleu, son visage soudain aussi rouge que ses lèvres. Elle baisse les yeux, une larme pointant au coin de ses yeux. Ses mains se mettent à trembler sur la table alors que Rosie en saisit une dans un geste tendre. Ma mère craque et se met à pleurer tandis que je te lance un regard noir. T'étais vraiment obligé d'aller si loin ?
— Je... je suis désolée Tim. Je m'excuse pour tout ce qui s'est passé à noël et mon silence ensuite. Je sais pas comment démêler les nœuds de la situation entre Roger et toi et moi. Je suis nulle comme mère, vous avez raison Killian. Je m'en veux.
Pourquoi est-ce que tu l'as provoquée bon sang ?! Je m'empresse de la rassurer.
— C'est pas que de ta faute maman, t'as pas à t'en vouloir mais j'ai pas changé d'avis, je ne veux pas revoir Roger, jamais.
Elle essuie une larme, alors que Rosie m'observe tristement. Ma sœur sait ce que ça veut dire ; que je ne reviendrai jamais à la maison. On en a beaucoup parlé elle et moi et elle sait que Roger est allé trop loin, qu'il ne me respectera jamais. Alors on a fait un pacte tous les deux, on se voit au moins une fois par mois et on se téléphone toutes les semaines pour ne pas perdre le contact. On a besoin l'un de l'autre, maintenant que Jackson est loin d'ici, il n'y a plus qu'elle et moi, je ne veux pas ruiner notre relation et la perdre elle aussi.
— Je comprends Timothy mais promets-moi une chose s'il te plait. Donne-moi de tes nouvelles aussi souvent que possible.
Je lui fais la promesse puis nous dégustons notre repas dans une ambiance plus légère. Finalement, une fois les choses dites, la discussion se détend et maman semble vouloir en savoir plus sur toi. Elle est curieuse et tu joues le jeu, sans aucune provocation cette fois. Je suis rassuré de voir que ma mère ne t'en veux pas, on dirait même qu'elle est soulagée depuis que tu l'as cherchée et qu'elle s'est confiée. Elle sourit à tes blagues pourries et quand vient l'heure des cadeaux, elle semble désolée de ne m'offrir qu'une enveloppe remplie de quelques billets verts.
— Je te remercie maman, je les mettrai de côté pour faire un voyage avec Killian.
— C'est pas grand-chose, dit-elle l'air embarrassé. Rosie a aussi quelque chose pour toi.
Ma sœur me tend une petite boîte emballée dans un papier doré et d'un nœud blanc. Son sourire toujours accroché aux lèvres fait naître le mien.
— J'ai économisé depuis noël pour te l'offrir, précise-t-elle en tapotant sur la table avec ses ongles.
— Merci frangine, dis-je soudain curieux.
J'ouvre le couvercle et découvre un billet pour le prochain match des Dodgers. Mon sourire s'étire plus encore. J'ai toujours rêvé d'aller voir un match de baseball mais on n'en a jamais vraiment eu les moyens malheureusement. Je relève les yeux et croise ceux, pétillants, de ma sœur.
— Ça te fait plaisir ?
— Tu me poses sérieusement la question ? Bien sûr que oui que ça me fait plaisir. Enormément même. Merci beaucoup Rosie.
— Je suis désolée, j'ai pas pu t'en offrir deux pour que tu puisses y aller avec Killian. J'avais pas assez d'argent, dit-elle l'air navré.
— C'est l'intention qui compte Rosie, j'en trouverai un pour toi, dis-je en prenant ta main sur la table.
Tu me fais un clin d'œil et pour une fois ma mère qui nous observe, sourit, faisant bondir mon cœur dans ma poitrine. A cet instant, j'espère vraiment qu'elle t'a adopté, qu'elle accepte notre relation, parce que j'ai pas l'intention de te lâcher. Je me sens heureux avec les membres de cette famille un peu bancale, brisée et recollée par endroit. Elle n'est pas parfaite mais rien ne l'est dans ma vie, ça va bien avec le reste finalement.
Après les desserts et les cafés, maman et Rosie nous embrassent et on se promet de se revoir le mois prochain. Dans la rue bondée de passants et de touristes pressés, on se quitte sur des sourires et des signes de la main, le cœur plus léger malgré ceux qui manquent à l'appel pour faire de ce jour, un jour heureux.
On monte dans le bus et une fois à la maison, je me dis que je ne vais rien te dire au sujet de ma mère et toi, j'ai pas envie de faire retomber le bonheur que je ressens pour un détail que j'aurai peut-être déjà oublié demain. J'ai envie que cette sensation de soleil intérieur dure encore un peu. On s'installe dans le salon, pelotonné l'un contre l'autre devant la télévision. On parle peu, on s'embrasse beaucoup jusqu'à ce que ton père rentre une heure plus tard et calme quelque peu nos envies. Je m'empresse de remettre mon t-shirt en place et referme ma braguette à la hâte, sentant mes joues rougir.
Ton père dépose sa mallette en cuir sur le comptoir en marbre entre le salon et la cuisine puis se dirige vers le bar et se sert un verre de Whiskey, l'air sombre sur le visage. Il vient s'asseoir dans le canapé en face de nous, en soupirant.
— Longue journée, dit-il en buvant une gorgée. Et vous la vôtre ?
Tu lui rappelles mon anniversaire puis lui raconte ta rencontre avec ma mère sans donner de détails de notre déjeuner au restaurant. Ton père t'écoute d'une oreille, semblant chercher du réconfort au fond de son verre. Je tente de détourner son attention.
— Rosie m'a offert un billet pour le match des Dodgers samedi prochain, vous aimeriez venir avec nous ? Il faut juste qu'on trouve des billets supplémentaires.
Patrick dépose son verre sur la table, défait sa cravate en soie bleue et lorsque je pense qu'il va décliner l'invitation, son sourire s'étire.
— Je crois que ça me plairait bien de venir avec vous, si ça ne vous dérange pas les garçons ?
On échange un regard, on se comprend, et je décide que nous irons voir le match tous les trois, comme une famille. Ton père travail beaucoup et j'ai bien envie de lui offrir une petite parenthèse. Il a le droit de s'amuser un peu lui aussi.
Patrick nous abandonne sur le canapé après m'avoir souhaité un joyeux anniversaire. Tu le suis du regard, tu t'acharnes à mordre ta lèvre.
— Qu'est-ce qu'il y a mon cœur ? murmuré-je en saisissant ta main.
— Je m'inquiète pour lui. Il a l'air fatigué et j'aime pas ça putain.
Je garde le silence, ne sachant comment te rassurer. Tu reprends alors que je pose ma tête sur ton épaule.
— C'est gentil de ta part de l'avoir invité. Merci Tim.
— Avec plaisir mais il faut encore que je trouve des billets pour vous, soufflé-je en me demandant comment les payer.
— Je pourrais demander à mon ancien coach, il a des relations chez les Dodgers. Il pourra sûrement nous en trouver.
Je hoche la tête quand soudain ma bouche parle sans mon consentement.
— Pourquoi t'as arrêté le baseball ? J'ai vu tes nombreux trophées, t'étais doué.
Tu t'ébouriffes les cheveux en secouant la tête, une grimace déformant ton visage soudain fermé.
— Ma... ma mère était ma plus grande fan. Elle venait voir tous mes matchs, même au lycée, j'avais honte à l'époque. C'était stupide quand j'y pense. Et puis elle est morte et j'ai arrêté le baseball, parce que ne plus la voir dans les gradins, c'était un rappel que plus jamais elle ne me verrait jouer. C'était insupportable. Quand mon père a compris ça, il a tenté de venir m'encourager à son tour quand j'ai commencé l'université. J'ai tenu une année et j'ai quitté les amphis et le stade. Le baseball et les études c'était plus pour moi, ça n'avait plus la même saveur. Ça ne m'apportait plus rien de continuer, c'était comme si ça n'avait plus de sens. Papa n'a pas trop apprécié que je quitte l'uni mais il a réalisé que je n'y arriverais pas alors il n'a pas insisté et m'a proposé d'apprendre avec lui dans notre entreprise. J'ai jamais rejoué au baseball depuis.
Tes épaules sont affaissées, signe que tout ça te pèse encore. Je te prends dans mes bras sans même y réfléchir. Tu me serres, fort, puis ton corps est tout à coup pris de sanglots incontrôlables. Je te garde contre moi jusqu'à ce que tu te calmes un peu puis on monte dans notre chambre. Un échange de regard suffit à me faire comprendre de quoi tu as besoin et même si je sais que ce n'est pas la meilleure solution, c'est la seule que j'ai pour l'instant. On passe l'heure suivante au lit, à ne penser qu'à notre plaisir et à ce qu'on veut oublier.
Un moment hors du temps que j'apprécie autant que j'appréhende à chaque fois.
❤❤❤
Hello !
Veuillez excuser mon retard, cette semaine était compliquée mais pour me faire pardonner, je vous poste deux chapitres aujourd'hui ;)
Alors, est-ce que ça vous plait toujours ?
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