Le cookie me tenterait bien

13 jours après


🌻🌻🌻

Killian

Casque sur les oreilles, la musique à fond, je me suis enfermé dans la salle de bain et j'ai fini le tube de lubrifiant. Je suis tellement mal ces temps-ci, que je vois plus le carrelage blanc de la douche que le paysage par la baie-vitrée du salon.

Les miaulements de Twinkle me ramènent à la réalité et je me rappelle soudain que la boule de poil doit avoir faim. Je nourris la bête et le caresse en pensant à mon rendez-vous, à toi aussi et j'espère sincèrement que tu seras là. Je ne me sens pas la force d'y aller seul, mais ta présence me rassure. J'ai moins l'impression de tomber au fond d'un trou sans fond. Tout ce que je veux, c'est arranger la situation entre nous, te faire revenir à la maison et te prouver que tu ne vas pas me perdre et que moi aussi j'aurais aimé pouvoir effacer mes conneries. Ton message m'a bouleversé mais il me donne de l'espoir pour avancer.

Je prends ma veste et mon portable et file prendre le bus, afin d'aller voir mon père avant mon rendez-vous. Je salue Alfred en entrant puis voyant un sourire sur son visage, je le prends finalement dans mes bras, chose que je n'ai jamais faite avant aujourd'hui,

— Excusez-moi, j'en avais envie, dis-je en le relâchant.

— Si ça peut vous faire plaisir Killian, rit-il sans une once de moquerie.

Il se frotte la nuque mais me sourit en précisant que mon père est dans le salon. Je laisse ma veste dans l'entrée et avant de le retrouver au téléphone, avec son associé, je descends la manche de mon pull jusque sur ma main. J'ai pas envie d'inquiéter mon paternel plus que ça, il semble déjà assez fatigué. Ses yeux bleus sont ternes et des cernes les soulignent d'une touche de violet qui ne lui va pas du tout au teint. Je devrais lui offrir mon anticerne et quelques leçons de mise en beauté, ça lui ferait du bien.

Epuisé à cause du manque de sommeil, je me jette dans le canapé, en face de lui, et attends qu'il termine son appel. Je remarque qu'il a sorti le bilan comptable et j'espère que ce n'est pas pour ça qu'il m'a appelé, j'ai horreur de ça. Alors que j'observe les nombreuses feuilles éparpillées, je sens tout à coup deux bras m'entourer. Je me crispe une seconde puis me détends lorsque je sens son aftershave boisé.

— Bonjour fiston, comment vas-tu ?

— Ça va, et toi 'pa ?

On se rassoit l'un en face de l'autre, le bleu glacier dans le marron, sans trop savoir qui doit commencer. Après un temps d'hésitation, c'est lui qui lance le bal finalement.

— J'ai appris que tu allais voir un psy aujourd'hui, c'est vrai ?

Sa question ne m'étonne qu'à moitié. La première fois a été un véritable échec, la seconde fois j'ai tout simplement fui, j'espère que ce dernier essai sera le bon.

— Ouais, j'ai rendez-vous à dix-sept heures, mais qui te l'a dit ?

Il jette un œil du côté de la vitre et je sais exactement de qui il veut parler.

— Dis, tu sembles bien proche de Louise ces derniers temps, tu me cacherais pas quelque chose ?

Il rit et secoue la tête.

— C'est Alicia qui m'en a parlé et non, je ne suis pas intéressé par sa mère... mais il se pourrait que je voie quelqu'un effectivement, dit-il en se retenant de sourire.

Mon estomac se contracte en entendant ses mots, je ne m'y attendais pas.

— T'as le droit d'être heureux papa et je vais pas sombrer si tu tentes d'oublier maman.

— Tu te trompes, je n'ai aucunement l'intention de l'oublier Killian, seulement, la solitude me pèse et pour en revenir à toi, je suis soulagé que tu te prennes en mains. Ça s'arrange avec Timothy ?

Il esquive le sujet douloureux et je l'imite.

— Je dois le voir cet après-midi justement. C'est grâce à lui si je vais voir un psy, c'est lui qui m'a convaincu... ou plutôt obligé mais je crois que c'est ce qu'il me faut. Je peux plus continuer de vivre comme ça, de ne faire que survivre et voir ma vie filer entre mes doigts, soupiré-je en baissant la tête.

Je mords l'intérieur de ma joue en fuyant son regard pour chasser mes larmes mais je sens soudain le canapé s'affaisser à côté de moi et des bras m'entourer.

— Tu es quelqu'un de courageux et, à cause de moi, tu as dû te battre seul et je m'en veux, énormément. Je voyais bien que tu souffrais mais j'étais incapable de savoir comment t'aider. J'ai bien tenté de t'envoyer chez le psy mais, ça n'a fonctionné... qu'une fois malheureusement.

Je me redresse d'un coup, le dévisageant.

— Tu savais que je n'y allais pas !?

— Je suis pas né de la dernière pluie Killian et même si j'avais échoué, à l'époque je pensais que te laisser me faire croire que tu suivais ta thérapie, était une bonne chose. Je pensais que tu te sentirais fort de pouvoir me mentir de cette façon. Sur ce coup-là, c'était du grand n'importe quoi mais j'ai tenté de t'aider, en appelant le psy et j'ai fini par y aller. Au départ, c'était pour lui demander des conseils, puis j'ai fini en thérapie et ça m'a aidé. Quand j'ai voulu t'aider à mon tour, par mes propres moyens, j'ai bien vu que je n'y arriverais pas. Tu étais tellement triste et en colère contre tout le monde, que c'était impossible de t'approcher. J'ai baissé les bras, je l'avoue mais c'était trop dur pour moi. Je suis désolé fiston.

— T'as pas à être désolé. C'est moi qui m'excuse, j'ai été un horrible gosse pendant une longue période. A ta place, j'aurais noyé le sale gamin que j'étais dans la piscine.

— Ne dis pas de bêtises. Tu es mon unique fils et je t'aime, plus fort encore depuis que ta mère est morte, renifle-t-il.

Je suis choqué, car depuis la mort de maman, je ne l'ai jamais revu pleurer.

— Moi aussi je t'aime 'pa, dis-je en me lançant dans ses bras.

Etonnement le câlin s'éternise, comme s'il remplaçait tous les câlins et le réconfort que mon père avait retenu jusqu'ici. Et je me dis que c'est de ma faute, encore, s'il n'a pas pu être le père aimant qu'il voulait. C'est de ma faute s'il s'est éloigné de moi. J'ai tout gâché, comme avec chaque personne qui passe dans ma vie. Il est beau le résultat !

Je décide d'aider mon père à propos de son bilan comptable et une heure plus tard, nous avons terminé. Je suis fier d'avoir réussi et de l'avoir, un peu, retrouvé. C'est comme si le voile sombre qui planait entre nous depuis la mort de ma mère, s'évaporait doucement et je réalise que lâcher son passé, finalement, c'est peut-être la solution.

— Merci 'pa, pour... enfin... d'être là pour moi. Ça m'a fait du bien de te parler, je me sens déjà un peu mieux.

— Moi aussi ça m'a fait du bien. Tu sais, à l'avenir, si tu as besoin d'alléger ton sac, tu pourras le faire avec moi. Je ne fuirai plus mes responsabilités, je l'ai fait bien trop souvent et ça n'a mené à rien, pire que ça, j'ai échoué dans mon rôle de père et j'en suis profondément désolé.

— Tout n'est pas de ta faute 'pa. Je ne voulais pas accepter ton aide à l'époque, parce que je ne voulais pas dire aurevoir à maman. Je n'y arrive toujours pas d'ailleurs mais ça, il faudra que j'en parle au psy j'imagine.

Un sourire teinté de tristesse prend place sur le visage de mon père puis il me prend à nouveau dans ses bras pour un câlin que j'accepte avec joie.

— Je crois que tu vas enfin pouvoir avancer et j'espère que tu remercieras Tim pour ça. Dès que vous serrez à nouveau réunis, venez à la maison manger. Vous me manquez beaucoup et ça me ferait plaisir de vous voir.

— Je te le promets 'pa. Je t'appelle ce soir, ok ?

Il hoche la tête et place sa main sur son cœur.

— Va mon fils et salue le psy de ma part, je t'aime.

— Moi aussi.

Je récupère mon sac à dos, ma veste et je rejoins l'arrêt de bus situé plus bas dans la rue. J'ai le cœur allégé, tellement que j'en ai envie de danser ! Je pleure, je ris mais surtout, je suis heureux d'avoir retrouvé mon père. Par la fenêtre du bus, j'observe les passants et le paysage qui défilent à toute vitesse et je souris encore. Mais il se fane bien vite quand je vois la plaque dorée du psy sur l'immeuble blanc situé devant moi.

Docteur Dominic Gibson, psychiatre spécialiste du deuil.

J'en ai la chair de poule, rien que de voir le mot deuil, me file des frissons jusque dans les chaussettes. Je vérifie l'heure sur mon portable et je me demande où tu peux être, alors que tu m'avais promis d'être là. Il n'y a pas de message venant de toi non plus. J'attends encore cinq minutes mais je ne vois ta chevelure blonde nulle part. Je commence à croire que tu ne viendras pas, ou que tu as oublié. Ou alors tu as fui le pays et tu bronzes quelque part au Costa Rica, sur une plage de sable blanc et tu essaies de noyer mon souvenir dans un cocktail.

Le stress me grille les neurones, je divague mais reviens vite à la réalité quand je vois qu'il est presque l'heure. Tant pis, il faut que j'y aile. Je prends plusieurs inspirations avant de trouver le courage de tirer sur la porte vitrée de l'immeuble. Le couloir semble être minuscule, aussi je raccourci mes pas, histoire de ne pas y arriver trop vite. Je me présente à l'accueil, auprès d'une jeune femme souriante. Elle me demande d'aller m'installer dans la salle d'attente, ce que je fais en traînant les pieds.

J'observe la moquette d'une couleur indescriptible, ma main gauche s'ouvrant et se fermant nerveusement, semblable à mon genou qui tressaute. Mon poignet me brûle atrocement, me rappelant la connerie que j'ai failli faire. Je ferme les yeux quelques instants, lorsque la porte du cabinet s'ouvre. Je sursaute sur mon siège mais hélas, ce n'est pas toi qui entre. Une boule se forme dans mon estomac car je n'ai toujours pas de nouvelles de ta part. Je soupire et observe à nouveau la moquette, jaune moutarde ? Je sais pas mais je ne l'aime pas du tout, elle me met mal à l'aise cette couleur.

— Monsieur Shelby ?

Je sursaute et lève les yeux sur l'assistante dans son tailleur bordeaux, qui me sourit de toutes ses dents. Je ne suis pas vraiment motivé à y aller mais je n'ai plus le choix je crois. Je la suis jusque dans le cabinet où je tombe sur le fameux Docteur Gibson. Il est plus petit que moi, la cinquantaine. Des petites lunettes aux montures dorées font ressortir ses yeux verts et ses quelques cheveux poivre et sel sur le pourtour de son crâne dégarnit, lui donne un air sympathique. Il me tend la main, que je serre avec appréhension.

— Enchanté de vous rencontrer monsieur Shelby, je suis le docteur Gibson, dit-il en s'asseyant dans un petit canapé en cuir usé. Je vous en prie, prenez place.

Je sourcille et m'assois dans le fauteuil situé en face de lui.

— Les patients ne prennent pas le canapé d'habitude ?

Il sourit et remonte ses lunettes qui avaient glissé au bout de son nez. Son regard est pénétrant et je le fuis en observant la pièce remplie d'objets semblant venir des quatre coins du monde. Je ne comprends toujours pas pourquoi on dit ça alors que la Terre est une sphère ! Enfin bref, je m'évade malgré moi. Le doc me ramène sur son fauteuil.

— Pas chez moi, je préfère le canapé. Il est plus spacieux.

— Le fauteuil est plutôt confortable pourtant, dis-je en passant mes mains sur les accoudoirs en cuir.

— J'en suis ravi s'il vous convient. Est-ce que vous aimeriez un verre d'eau ou un cookie avant de commencer ?

Décidément, il sait mettre à l'aise ses patients mais j'ai l'estomac tellement noué, que je ne pourrais rien avalé, même si le cookie me tenterait bien.

— Non merci, c'est gentil.

Il hoche la tête et griffonne sur son petit carnet de notes qu'il repose ensuite sur la table basse entre nous. Il se rassoit correctement et croise les mains, ses deux index soutenant son menton. Son regard vert me sonde mais ce n'est pas dérangeant.

— Bien, si cela vous convient, nous allons pouvoir commencer, dit-il en souriant.

Je sens soudain une vibration dans ma poche. Je sors discrètement mon téléphone, sous l'œil curieux du Doc, et je vois que c'est Rosie. Mon cœur s'emballe tout à coup.

Pourquoi elle m'appelle ? Et pourquoi toi, tu ne m'appelles pas ?!

Les yeux rivés sur mon portable, je reste figé sans savoir quoi faire.

— Vous devez répondre monsieur Shelby ?

Je relève le regard et me rends compte soudain de la réalité.

— Peut-être bien, est-ce que je peux ?

Il hoche la tête alors que je me lève déjà du fauteuil, comme si j'étais assis sur un ressort. Je réponds et suis immédiatement assailli de paroles incompréhensibles de la part de Rosie qui semble très agitée.

— Rosie, parle moins vite, je comprends rien ! râlé-je.

Soudain mon cœur explose en un millier departicules. Tim a eu un grave accident, il est aux urgences.  

❤❤❤

HelloOoOo,

Patrick s'est enfin confié à son fils et Killian semble plus serein de ce côté-là.

Mais qu'est-il arrivé à Timothy ?!

On en saura plus au prochain chapitre ;)

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