Je suis une bombe à retardement
1 088 jours avant...
🌻🌻🌻
Killian
Il fait nuit noire lorsque j'ouvre les yeux, réveillé par un bruit fort. Quelqu'un frappe à ma porte. Je sais que mon père ne rentre pas avant demain matin, ça ne peut être qu'Alfred qui vient troubler mon sommeil fragile. Pourquoi vient-il me sortir de mes rêves à... deux heures du matin ?!
Je repousse la couette et atteins la porte en sous vêtement, Alfred a l'habitude. Ce qui me choque en revanche c'est son visage, crispé par un mélange d'émotions, entre l'inquiétude et la gêne peut-être.
— Qu'est-ce qui se passe Alfred ? Un tremblement de terre ? marmonné-je en baillant.
— Non pas de tremblements de terre. Je suis désolé de vous réveiller Killian mais il y a quelqu'un à la porte qui vous demande.
Un frisson glacé remonte soudain le long de mon dos. Madonna santa* !
— Qui est-ce ? demandé-je encore à moitié endormi.
Alfred semble tout à coup moins gêné, il me sourit.
— Il dit s'appeler Timothy, dit vous connaitre et semble avoir besoin d'un endroit où dormir cette nuit. Il est dans l'entrée. Dois-je préparer une des chambres d'amis ?
Timothy, bordel !
— Oui volontiers, celle qui est après ma salle de bain s'il vous plaît. Je vais le faire monter. Merci Alfred.
— Avec plaisir Killian.
Alfred disparait dans le couloir à l'opposé d'où je vais. Je me faufile dans l'escalier en bois en utilisant la rambarde, et traverse l'entrée à grandes enjambées, lorsque je me rends compte que je ne porte que mon short de pyjama. On sera quitte pour le coup. Il est là, le regard observant la maison sous toutes ses coutures, l'air presque perdu.
— Hey, dis-je en lui tapotant l'épaule, le faisant sursauter.
— Oh Killian, j'ai cru que je m'étais perdu ou que tu m'avais donné une fausse adresse, dit-il une main sur le cœur.
Je m'ébouriffe les cheveux, gêné. Pourtant je suis habitué à ce que la fortune de mon père impressionne les gens.
— Eh non, c'est bien chez moi et si tu te poses la question, non je ne suis pas Batman. J'ai juste un majordome qui s'appelle Alfred. Coïncidence, dis-je en levant les épaules.
Un sourire étire ses lèvres mais son regard est toujours aussi noir. Il se dandine d'un pied sur l'autre, son sac plein à craquer sur le dos. Je me demande pourquoi il est aussi nerveux.
— Ok. Je suis... Je sais pas vraiment si c'est une bonne idée mais je suis venu, j'espère que je ne dérange pas ?
Il semble complètement perdu, secoué. Poussé par je ne sais quoi, ma main enlace la sienne et je l'attire contre moi.
— Tu ne déranges pas, je suis même soulagé que tu sois là. T'étais où depuis tout ce temps ? dis-je en le relâchant à contre cœur.
Il baisse la tête, les yeux embués.
— J'ai... paniqué, je suis désolé.
— C'est fini, viens-là, dis-je en le serrant dans mes bras.
Je le conduis à la chambre d'amis, la boule au ventre. Elle est un peu plus petite que la mienne mais possède un grand lit, une porte fenêtre qui mène sur un petit balcon d'où on aperçoit l'océan au loin. Tim pose son sac sur le bureau en bois situé à côté de la porte et je lui montre celle de la salle de bain puis celle qui mène à ma chambre, au cas où.
De retour dans la chambre d'amis, je le laisse prendre ses aises et m'assieds sur le lit, en tailleur. Il observe tout autour de lui comme un gamin fasciné dans un musée et finit par me rejoindre.
— Cette chambre est plus grande que mon salon. Merci Killian, de m'accueillir pour cette nuit. Demain je vous laisse tranquille, je veux pas m'imposer.
Ma main se pose sur son avant-bras, son regard me sonde, grave, profond.
— Eh, attends, tu peux rester ici autant que tu veux d'accord ? Et si tu ne veux pas me parler de ce qui s'est passé, c'est ok. Je ne poserais pas de questions.
Une larme roule sur sa joue rougie par l'effort qu'il a dû faire. Quand j'y pense il a dû rouler plus d'une heure depuis le zoo ou de l'endroit où il était. Il baisse la tête tandis que j'efface le sillon salé sur sa peau dorée. Il semble si fragile à cet instant que je me demande si je ne ferais pas mieux de dormir dans cette chambre cette nuit mais je ne sais pas si c'est une bonne idée. Mon subconscient me confirme que je dois oublier cette idée.
— J'ai pas vraiment envie d'en parler là maintenant, marmonne-t-il en jouant avec un fil qui dépasse de son pull.
— Je comprends. Est-ce que ça te va si je retourne dans ma chambre ? Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où me trouver, ok ?
Ses yeux semblent vouloir encore pleurer mais rien n'en sort, ni de sa bouche tremblante. Il hoche simplement la tête. Je me lève du lit et m'approche de lui, prenant son visage en coupe, frôlant l'anneau de son oreille gauche de mon pouce. Je l'observe un instant puis laisse un baiser sur son front, humant ses cheveux en pagaille qui sentent l'abricot.
— Bonne nuit, murmuré-je en caressant sa joue.
— Merci. Bonne nuit à toi aussi.
Je souris puis contourne le lit et m'approche de la porte à contre cœur. J'ai pas envie de le laisser là mais je sais que je ne saurais pas gérer ses émotions en plus des miennes. La main sur la poignée, je stoppe mon geste puis me retourne tout de même vers lui, la gorge sèche.
— Je sais que tu ne vis pas un moment facile, même si je ne sais pas exactement ce qui t'arrive mais sache que tu n'es pas seul. Et ici tu es en sécurité. Bonne nuit Tim.
Il pince ses lèvres et murmure un merci avant que je ne referme la porte derrière moi. Je soupire en fermant les yeux, imaginant mille scénarios plus terribles les uns que les autres. Je sens mes démons gratouiller le crépi qui s'effrite déjà dans mon esprit et je prie pour qu'il y ait assez de couches pour que je tienne le coup cette fois-ci.
Parcourant les quelques mètres du couloir jusqu'à ma chambre, j'entends un sanglot étouffé parvenir de la sienne et mon cœur se serre telle une boule de douleur dure et froide comme du marbre. Je serre les poings et pousse ma porte plus fort que prévu, elle tape le mur et je lâche un juron.
Je la referme plus doucement et me glisse dans mon lit en attrapant mon oreiller entre mes bras. Je sais déjà que je vais mal dormir, peut-être même pas du tout. Je tends l'oreille, je ne respire uniquement lorsqu'il le faut vraiment afin de capter le moindre bruit dans la nuit. Un long moment plus tard j'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir, j'espère secrètement que la mienne restera fermée mais elle s'ouvre en grinçant. Tel un fantôme, Tim se tient juste devant moi, le visage blême.
Je me demande immédiatement ; Qu'est-ce qu'on t'a dit ? Qu'est-ce qu'on t'a fait merde !? Une angoisse plus grande et profonde que jamais auparavant me serre le cœur, écrasant douloureusement mes entrailles. J'ai peur pour toi.
Je me relève sur un coude, m'assieds en glissant de ton côté et sans que je puisse m'y préparer, tu plonges dans mes bras, me serrant si fort qu'on tombe tous les deux sur le lit.
— Ne pose pas de questions, s'il te plait, je veux juste être près de toi. Je peux pas rester seul, murmures-tu dans mon cou.
Ma main caresse ton dos lorsque je me glisse sous la couette, ton corps accroché au mien comme un bébé koala à sa mère. Ma tête se pose sur l'oreiller, ton dos se colle à mon torse et ta chaleur me rassure un peu.
— Je ne te demanderais rien promis. Dors Tim, dis-je en embrassant ta nuque.
Tes boucles blondes me chatouillent le visage mais ça ne me dérange pas, au contraire, ton odeur me rassure. Ton corps contre le mien, j'ai soudain peur de faire ou de dire quelque chose de trop alors je relâche doucement mon étreinte et reste couché à tes côtés, sans te toucher. Je ne ferme pas l'œil de la nuit, surveillant ta respiration, tes gestes incontrôlés, tes sanglots soudain, tes nombreuses larmes aussi.
Lorsque les premières lueurs du jour s'infiltrent entre les lamelles du store, mes yeux ne se sont toujours pas fermés et mes angoisses ne se sont pas tuent. Je me glisse hors du lit et te recouvre pour que tu n'aies pas froid. Je passe par la salle de bain puis descend voir si Anna est déjà là. Comme à son habitude, elle s'active derrière les fourneaux.
— Bonjour Anna, marmonné-je en appuyant mes coudes sur le bar en marbre noir.
Elle lève les yeux vers moi.
— Bonjour Killian déjà debout ? demande-t-elle l'air surpris mais joyeux sur le visage.
— Oui, mauvaise nuit. Est-ce que vous pouvez me préparer un petit déjeuner pour deux ce matin ? Avec... tout ce que vous voulez dedans, dis-je en me demandant ce que tu aimes manger le matin.
— Oui bien sûr. Le deuxième n'est pas pour Monsieur j'imagine ?
Elle fait référence à mon père, ce qui me fait toujours sourire lorsqu'on l'appelle Monsieur.
— Non, j'ai un invité mais mon père arrive en milieu de matinée je crois.
— Je verrai avec Monsieur pour le repas de midi dans ce cas. Votre petit déjeuner sera près d'ici une demi-heure, ça vous va ?
— Oui, merci beaucoup Anna.
Elle me gratifie d'un immense sourire puis retourne à ses fourneaux. Je remonte dans ma chambre et constate que tu dors encore. J'ai bien envie de me remettre au chaud moi aussi, je me glisse alors à côté de toi, observant les minuscules particules de poussières voler dans le faisceau de lumière au-dessus de ma tête. Au bout de quelques minutes, tu gigotes contre mon flanc. Mon visage se détend lorsque je te vois sourire en me regardant. Je m'assieds, tirant la couette sur moi et t'observe. Tes yeux sont encore rouges et des cernes violacés soulignent quelques taches de rousseurs parsemées sur tes pommettes dorées.
— J'ai une sale tronche le matin, ne me regarde pas comme ça, marmonnes-tu en cachant ton visage sous la couette.
— Moi je te trouve beau, même tout décoiffé et l'air fatigué. T'as bien dormi ? demandé-je en faisant glisser la couette pour faire réapparaître ton visage boudeur.
— J'ai dormi, bien je ne sais pas. Et toi ?
— Non mais je connais un truc qui va nous donner de l'énergie. Un bon petit déjeuner.
A mes mots, ton ventre gargouille, me faisant rire au passage.
— Je crois que j'ai même pas besoin de te répondre, marmonnes-tu en sortant de sous la couette en attrapant tes lunettes laissées sur la table de chevet.
On s'habille chacun dans notre chambre, puis je t'emmène sur la terrasse où la température en ce début de mois d'octobre est encore très agréable. Le parfum des fleurs d'orangers embaume l'atmosphère et se mélange à l'odeur du café. Ma mère adorait voir fleurir ses arbres dès la fin de l'été. Anna a installé le petit déjeuner sur la table baignée de lumière et je vois tes yeux s'agrandir lorsque tu découvres tout ça.
— Je savais pas ce que tu aimais manger le matin, du coup j'ai demandé un peu de tout, dis-je en passant une main nerveuse dans mes cheveux.
— Fallait pas en faire autant pour moi. C'est beaucoup trop. Killian ?
Je lis dans ton regard un soupçon de gêne mais je te rassure afin de te mettre en confiance.
— Non, d'abord on mange et ensuite on discutera, dis-je en m'asseyant devant le festin qui nous attend.
Tu acceptes et t'assois en face de moi, ne sachant pas par où commencer, comme moi à vrai dire. Anna a cuisiné tout ce que j'aime et bien plus encore. Nous mangeons dans un silence ponctué de bruits de masticage et de rires niais, de sourires et de longs soupires. Je t'observe et plus je te regarde, plus j'aime ce que je vois. Tes grands yeux noirs, tes pommettes légèrement rouges, ton sourire si franc qu'il illuminerait ma journée rien qu'en l'apercevant ne serait-ce qu'un instant. J'adore tes cheveux blonds qui se battent sur ta tête mais malgré tout, une boule se forme dans mon estomac.
Parce que je suis un sensible et je vis de haut et de bas, sans arrêt. Je suis né comme si tous les curseurs de mon être étaient réglés à fond, tout le temps. Je peux être super heureux et pleurer la seconde d'après. Sourire puis partir en vrille sans prévenir. Tomber amoureux et me fracasser tout aussi vite et j'ai la frousse.
Peur que tout aille trop vite, trop fort, trop loin. J'ai peur de ce que je ressens, tout le temps. Et surtout là, maintenant en t'observant alors que mon cœur s'affole dans ma poitrine.
Quand je te regarde, mon cœur s'emballe et démarre comme s'il courait un sprint mais j'ai peur qu'il ne soit pas assez solide en cas de choc. Pourtant j'ai la certitude que c'est déjà trop tard et que faire marche arrière n'est plus possible. Je ne peux plus t'ignorer, penser à autre chose. Que tu le veuilles ou non, tu fais partie de moi et même si c'est trop tôt, trop rapide, trop intense, je suis comme ça.
Je suis une bombe à retardement et un jour ou l'autre je vais finir par m'écraser, exploser et créer un tsunami qui te noiera sans que je ne puisse te sauver. Je le sais mais je peux pas te le dire, pas tout de suite en tout cas.
— Killian ? Je peux te poser une question ?
— Mhh, réponds-je la bouche pleine.
— Est-ce que ta famille sait que tu es...
Tu hésites, ne termines pas ta phrase et gesticules avec tes mains.
— Que je suis gay ? Ouais, mon père le sait et l'accepte très bien.
Soudain je réalise que chez toi ce n'est pas pareil malheureusement et tous mes muscles se contractent. Tu renifles et pousses un soupir si long qu'on dirait que tu vas te dégonfler. J'ai envie d'aller casser la gueule à ton beau-père mais lorsque je vois tes joues rougir, mon cœur s'emballe et chasse cette idée stupide. Ton sourire allume un feu réchauffant tout en moi et même si je ne peux pas prédire l'avenir, je sens que la descente va être rude, fracassante. Parce que je le sais très bien, après une montée, il y a toujours une descente malheureusement. Les pentes et moi, ça fait deux. Je cours toujours trop vite.
*Madonna Santa /Bon dieu ! Pour l'amour de dieu !
❤❤❤
Hello,
J'espère que ce cinquième chapitre vous a plu ?
Alors à votre avis, comment Killian va gérer la suite ? Et Timothy ?
On en saura plus samedi prochain...
Merci de m'avoir lue et des bisous (* ̄3 ̄)╭❤
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