En enfer

13 jours après


🌵🌵🌵 Tw (Choc émotionnel, hôpital) 

Killian

Les ténèbres m'entourent, telle une brume dont je ne sais pas comment sortir et j'ai soudain du mal à respirer et à comprendre ce qui se passe. La peur m'assaille et tords mes entrailles comme si elle jouait avec une pelote de laine. Le pire est la douleur lancinante dans ma poitrine.

En face de moi, je distingue difficilement une silhouette sans pouvoir la reconnaitre. Une main serre la mienne, j'ai chaud, j'étouffe et un poids énorme comprime ma poitrine. Je perçois des sons diffus qui me retournent l'estomac, comme si j'étais dans un manège dont la musique dissonerait.

J'ai l'impression de crever.

Comme si je n'étais plus dans mon corps, je me vois allongé sur le canapé à regarder le plafond d'un regard vide. On appelle mon nom, je crois. Je cligne des yeux mais la lumière m'aveugle comme si j'étais tout à coup trop près du soleil.

— Monsieur Shelby ? Killian ?

J'ai la tête dans le brouillard mais cette fois, j'ai bien entendu les mots. Quelqu'un m'appelle. Tentant de tourner la tête sans vomir tripes et boyaux, je reconnais enfin la silhouette du docteur Gibson. Il semble inquiet.

— Ça... ça va, soufflé-je difficilement.

— Vous n'avez pas l'air. Est-ce que vous voulez un verre d'eau ?

Me remettant assis, je hoche la tête, sentant ma gorge bloquée par un flot de larmes que je tente de retenir. Tout s'enchaine alors comme dans un film dont je ne suis pas acteur. La poitrine brûlante malgré l'eau fraîche, je me réinstalle sur le canapé puis, quelques minutes plus tard, mon père fait son entrée dans le cabinet. Le docteur Gibson et lui discutent un petit moment et à voir leurs visages inquiets, je ne me sens pas mieux.

Soudain les mots de Rosie me reviennent en mémoire et je me lève d'un bond, la tête tournant bien trop vite.

— 'pa, faut que tu m'emmènes à l'hôpital ! dis-je en interrompant leur discussion. C'est Timothy !

Je vois la peur sur son visage mais il reste étonnamment d'un calme Olympien, alors que tout en moi hurle en silence. Je ne me rappelle pas vraiment la suite des évènements mais mon cerveau se réveille lorsque mon père se met à hausser le ton. Je réalise alors que nous sommes à l'hôpital de San Jose, dans un couloir aussi blanc qu'une cuvette de toilettes et que l'infirmière qui nous fait face, semble désolée.

— La famille ne veut recevoir aucune visite, je suis désolée monsieur, dit-elle en soupirant.

— Vous ne comprenez pas, mon fils est son petit ami, il a le droit de le voir !

L'infirmière secoue la tête de gauche à droite en nous souriant gentiment mais reste sur ses positions. Mon cœur s'écrase dans ma poitrine mais la situation ne me surprend même pas. C'est certainement ce connard de Roger qui l'a décidé.

— Laisse tomber papa, dis-je en lui faisant un clin d'œil tout en l'attirant par la manche, loin du comptoir d'accueil.

— On ne va pas laisser tomber Killian, tu as le droit d'avoir de ses nouvelles.

Mon père semble déterminé et au fond de moi, je suis fier de lui. Il ne lâche jamais rien mais dans cette situation, on n'a pas trente-six solutions. Dans la salle d'attente de l'hôpital, je m'assois sur un des sièges et murmure à mon père :

— Je vais attendre ici, le temps qu'il faudra, jusqu'à ce que je voie sa mère ou Rosie et je leur expliquerai ce que je pense de tout ça.

— Et si tu tombes sur son beau-père ? Tu ne vas tout de même pas te confronter à lui ? demande mon père en s'asseyant à mes côtés, l'air aussi dépité que moi.

— J'ai pas le choix si je veux voir Tim, je sais pas dans qu'elle chambre il est !

Mon père acquiesce puis décide de me tenir compagnie. L'attente la plus longue de ma vie commence et plus les minutes défilent, plus j'ai peur. Je ne sais pas ce qui s'est passé exactement, Rosie m'ayant simplement dit qu'un accident était arrivé, alors j'imagine tout et n'importe quoi. Je t'imagine surtout dans un lit, branché à des machines ou quelque chose comme ça et j'ai l'impression de te perdre un peu plus à chaque instant.

J'aimerais pouvoir te tenir la main, t'aider à supporter tout ça et plus que tout, savoir ce qui se passe.

Au bout d'un temps qui me semble une éternité, je vois Rosie sortir de l'ascenseur, le visage blême, le regard vide. Elle passe à côté de nous sans même nous voir, trainant son corps comme s'il était devenu un poids bien trop lourd pour elle. Je me lève d'un bond et la suit vers la sortie.

— Rosie, attend !

Sa chevelure blonde tourne soudain comme le tissu d'une robe et lorsqu'elle me voit, elle s'arrête net puis se met à pleurer. Je m'avance d'un pas, craignant qu'elle m'annonce le pire.

— Killian, chuchote-t-elle en cachant son visage dans ses mains. Il... il est dans le coma.

Je la prends doucement dans mes bras, en tentant de déchiffrer ses mots. Je ne veux pas les comprendre, je ne veux pas qu'ils soient réels. Je refuse en bloc.

— Tu dois te tromper, il dort simplement, dis-je pour m'en convaincre.

Elle pleure plus fort encore alors que mon père nous rejoint, une main sur mon épaule et son regard bleu dans le mien qui s'est troublé. Je veux pas accepter ses mots.

— Non Killian, les médecins l'ont mis dans le coma pour que son corps se remette du choc mais je... je sais pas pour combien de temps. Je suis désolée, j'en sais pas beaucoup plus, dit-elle en remettant ses cheveux en place.

— Et si tu me disais au moins ce qui s'est passé ? J'ai rien compris, dis-je la gorge serrée.

Elle hoche la tête et vient s'assoir sur la rangée de chaises, entre mon père et moi. Je lui tiens la main pour l'aider à surmonter son chagrin, que j'ai moi-même du mal à retenir tellement j'ai peur. Elle nous raconte alors qu'elle a quitté Tim alors qu'il venait me rejoindre. Sa mère a reçu une demi-heure plus tard, un appel des urgences de l'hôpital disant que Timothy avait été renversé par une voiture et que son pronostic vital était engagé.

— Qu'est-ce que ça veut dire ? demandé-je en sentant mon cœur se recroqueviller sur lui-même.

— Il est entre la vie et la mort, pleurniche-t-elle.

Soudain, mon monde s'écroule, emportant le peu d'espoir que j'avais avec lui. 

Tu ne vas pas mourir ?! Tu ne peux pas m'abandonner ! 

Je ferme les yeux, les sentant s'humidifier pour se transformer en un flot ininterrompu de larmes.

— Il faut que je le voie Rosie. Dis-moi où il est !

— Maman et Roger sont avec lui, ils ne te laisseront pas entrer Killian.

— Et pourquoi pas ?!

— Parce qu'ils pensent que c'est de ta faute si Tim est dans ce lit d'hôpital. Ils t'en veulent et j'ai peur que Roger s'en prenne à toi s'il te voit.

— C'est aussi ce que tu penses ? dis-je en reniflant.

— Non mais mon avis ne compte pas pour eux, comme le tien ne comptera pas non plus. Je suis désolée.

Je n'avais pas besoin de cette culpabilité supplémentaire, j'en ressentais déjà bien assez mais c'est la colère qui s'immisce malheureusement en moi et quand en plus, on touche à mon monde, je ne réponds plus de rien.

— Dis-moi où est sa chambre Rosie, s'il te plait !

Elle renifle et me dévisage, son mascara noircissant maintenant ses joues roses.

— T'as pas entendu ce que je t'ai dit ?

— Si, mais j'ai pas l'intention de laisser tomber. C'est mon petit ami qui est dans un lit d'hôpital et personne ne me dira que je ne peux pas le voir. Dis-moi Rosie, je t'en supplie !

Mon père se lève et fait les cent pas. Je sais qu'il s'inquiète, parce qu'il sait de quoi je suis capable et à cet instant, je suis capable de tout pour te voir. Rosie finit par me donner le numéro de ta chambre, à contre cœur, me rappelant que Roger sera là mais je n'ai pas peur. Mon père m'accompagne jusqu'au cinquième étage, dans le service des soins intensifs mais reste en retrait. Rosie est restée dans la salle d'attente, ne voulant pas se mêler à mon combat. C'est elle qui l'a dit.

Dans le couloir blanc sentant le désinfectant, c'est seul que je cherche ta chambre et tombe soudain sur ta mère, seule elle aussi. Assise sur une chaise, entre deux portes de chambres, elle pleure. Son visage entre les mains, son corps est remué de violents sanglots. Je m'approche la boule au ventre en l'appelant, lorsqu'elle relève son visage déformé par la douleur. J'appréhende sa réaction.

— Bonjour Helen, dis-je en attendant qu'elle calme ses sanglots.

— Killian ? Vous êtes là ?

Evidemment, ai-je envie de lui dire mais je préfère ne pas la brusquer.

— Oui, Rosie m'a dit où était la chambre de Timothy. Est-ce que je peux le voir ?

Elle ferme les yeux, soupire longuement.

— Vous pensez vraiment que votre présence est la bienvenue ici ?!

Ses mots me font reculer d'un pas. Je me dis qu'elle est sous le choc elle aussi, qu'elle souffre certainement mais je ne lâche pas.

— Je vis avec votre fils depuis trois ans, nous sommes en couple, alors oui, ma présence est bienvenue, j'en suis sûr.

Elle relève la tête mais c'est soudain de la colère qui déforme ses traits. Elle desserre les mâchoires mais avant qu'un son ne puisse en sortir, une voix masculine venant de derrière moi, me fait sursauter.

— T'as rien à foutre ici ! braille un homme que je n'ai pas vu depuis des lustres.

— Bonjour Roger, dis-je en cherchant à calmer le jeu. Timothy est mon petit ami et même si ça vous dérange au plus haut point, j'ai le droit de le voir.

— J'crois pas non ! Dégage ! siffle-t-il en faisant un geste du menton m'indiquant la sortie.

Un gobelet en carton dans chaque main, Roger s'avance d'un pas. Je sens son halène chargée en alcool frôler mon visage. Il me toise avec dédain et une grimace de dégout venant renforcer mon impression qu'il n'est pas heureux de me voir.

— Je t'ai dit de dégager, t'es sourd en plus d'être con ?!

Mon sang bout, cognant dans mes tempes comme un marteau piqueur. Pourquoi il me cherche bon sang ?! Je l'empoigne par le col, le faisant lâcher ses deux cafés qui se répandent sur le sol en lino bleu marine. Collé contre le mur, il me sourit de ses dents pourries.

— Laissez-moi le voir ou vous allez le regretter.

— Tu penses me faire peur ? Je t'ai demandé de dégager je crois, dit-il en me repoussant violemment.

— C'est bon, on s'en va, sonne la voix de mon père dans mon dos. Viens Killian, s'il te plait.

Son ton est calme, confiant et je suis certain qu'il a téléphoné à son avocat et qu'on ne peut certainement rien faire pour le moment. Je lève les mains devant moi en signe d'abandon puis je fais un doigt d'honneur à Roger avant de saluer Helen et de quitter le service des soins intensifs, le cœur en miettes. Quelques mètres plus loin, mon père chuchote qu'il a un plan, ce qui m'étonne.

— Je suis en contact avec Simon, on va arranger ça, je te le promets. Maintenant, on va aller se reposer et, j'espère, revenir demain voir Tim. Ok ?

Simon est son avocat et j'ai toute confiance en lui. Je suis mon père jusqu'à la Cobra garée devant l'entrée de l'hôpital. On rentre en silence mais je sais que mon père est de mon côté et c'est la seule chose qui me rassure à cet instant. Quelques minutes plus tard, je retrouve ma chambre et suis submergé par les souvenirs de toi et moi dans cette pièce. De notre première fois, de nos rires, de nos peines, de nos discussions et soudain la douleur me vrille l'estomac. Violente comme des coups de poignard.

Je me couche sur mon lit, serrant mon oreiller contre moi afin de m'apaiser. Il ne sent plus l'abricot mais j'essaie d'imaginer le parfum du fruit, le goût de ta peau, la chaleur de ton corps et ta présence malgré ton absence insupportable. Je ferme les yeux et prie toutes les étoiles du ciel, je leur promets même mon âme en contrepartie et je leur demande de tout faire pour que tu te remettes. Je ne peux pas te perdre, je ne peux pas. Tu es mon monde et je ne sais pas ce que je ferais si la vie décidait de te prendre loin de moi. Je ne le supporterais pas, je ne l'accepterais pas. Je crois que je préfèrerais te suivre dans l'autre monde, plutôt que de vivre un seul jour sans toi. J'ai déjà trop perdu mais lorsque Rosie m'appelle à quatre heures du matin alors que je cherche encore le sommeil, je comprends que je pourrais réellement te perdre.

Quelque chose de grave est arrivé et à nouveau, l'univers m'envoie en enfer.

❤❤❤

Hello,

Un chapitre difficile aujourd'hui et je vous annonce qu'il ne reste qu'un chapitre à ce tome 1. 

Le prochain chapitre sera le dernier de ce tome mais l'histoire continuera dans une deuxième partie que je commence à peine à écrire. 

J'espère que ça vous plait toujours ?

On se retrouve samedi pour le dernier chapitre  ;)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top