Deux âmes conspirent entre elles
1 038 jours avant...
🌵🌵🌵 TW (pensées sombres)
Killian
Je me suis enfermé dans la salle de bain de mon père, au rez-de-chaussée, en espérant secrètement que vous ne remarquez pas mon absence, ni le son de mes gémissements, que j'essaie d'atténuer en me mordant le poing. J'y vais de plus en plus souvent ces derniers temps, parce que l'angoisse de devoir te parler m'étouffe chaque jour un peu plus. Tout en remontant mon boxer, j'évite mon reflet dans le miroir et range le tube de lubrifiant d'un geste sec dans le tiroir du meuble. La honte m'assaille à nouveau, la colère se mêle à l'angoisse et je ne suis pas plus serein qu'avant d'être entré dans la salle d'eau, lorsque j'en ressors quelques minutes plus tard. Putain de vie.
J'ai peur de te parler Tim, peur de revivre ce qui m'est arrivé en t'avouant mon pire cauchemar. Ce secret me dévaste, mais j'essaie à ma manière d'avancer un peu chaque jour, de faire un pas pour m'éloigner et survivre à tout ça. Je fais tout ce que je peux, mais la culpabilité est toujours là et décuple malgré moi mes émotions. Ces derniers jours j'ai été à fleur de peau, ressentant tout trop fort, trop intensément. C'est insupportable et je sais que, malheureusement, je le suis aussi dans ces moments-là.
J'évite le salon où vous êtes installé mon père et toi, à regarder un match de baseball et me glisse dehors, du côté de l'entrée. J'allume une cigarette et expulse la fumée en observant la Lune se lever. Mon regard se tourne vers la maison d'Alicia et sans que je ne m'en rende compte, mes pas m'y conduisent, par habitude. J'ai besoin de me confier à quelqu'un qui, je le sais, ne me jugera pas. Ma meilleure amie ne l'a jamais fait jusqu'ici et si je ne lui ai jamais confié mon secret, je sais que si je le lui dis, elle le gardera jusqu'à la mort.
Je sonne à la porte et c'est Louise qui vient m'ouvrir, sourire aux lèvres. La mère d'Alicia est radieuse et m'enlace quand elle voit ma mine déconfite. Elle me connait comme si j'étais son deuxième enfant, hormis mon secret bien sûr. J'ai bien trop honte pour le lui avouer. Elle n'a même pas besoin de me demander pourquoi je suis là et m'informe qu'Alicia est dans sa chambre. Je la remercie et monte sans attendre.
Je frappe trois coups et ouvre la porte de son sanctuaire, empli de guirlandes de toutes les couleurs et de l'odeur du Patchouli que j'aime tant. Alicia, assise à son bureau, se retourne et abandonne immédiatement ses classeurs, aussi gros que la boule d'angoisse qui me comprime les poumons.
Elle me saute dans les bras, en enfouissant sa tête dans mon cou comme un petit chat. Je la serre aussi fort que je peux, tout en m'asseyant sur son lit, déséquilibré par son poids.
— Kiki ! Ça faisait trop longtemps. J'ai cru que tu m'avais oubliée.
— Je sais, je suis désolé.
— J'aime pas la tête que je vois, raconte-moi, dit-elle en se glissant à côté de moi.
Elle pose une main sur ma cuisse et son doux regard bleu dans le mien. Instinctivement, mon corps se détend un peu, avec elle je me sens totalement en confiance. Elle me connait par cœur et je sais qu'en venant ici, elle ne me lâchera pas mais au fond de moi, je sais aussi que j'en ai besoin. J'observe son plafond et les petites étoiles fluorescentes en plastique que nous avions collées, alors que nous étions encore que des enfants. J'expire longuement avant de me lancer. Alicia patiente en silence, comme à son habitude, elle sait comment je fonctionne.
— Pour commencer, avec Tim on est officiellement en couple, dis-je en sentant mes lèvres s'étirer toutes seules en un sourire sincère.
Elle presse mon avant-bras de ses petits doigts puis pose sa tête contre mon épaule.
— Je suis vraiment heureuse pour vous, pour toi mon Kiki.
— Ouais... ça c'est la partie tout en couleur et édulcorée de l'iceberg, sous la surface, tu sais ce qu'il y a Ali, dis-je en reniflant malgré moi. Et il y a quelque chose que tu ne sais pas, que je n'ai jamais osé te dire.
Mon sourire s'est effacé et mes yeux sont soudain embués. Elle entrelace nos doigts et murmure avec compassion :
— Tu sais que tu peux tout me dire Killian, je sais garder des secrets si tu en as besoin.
Je la serre contre moi et je lui avoue à demi-mot ce que je n'ai jamais eu le courage de lui révéler. Cet évènement et toutes les conséquences qui en découlent depuis. Elle m'écoute en silence, avec respect et malgré toute la compassion et l'amour qu'elle m'offre à cet instant, je craque et pleure de grosses larmes qu'elle recueille sans me juger. Elle me câline, m'enlace jusqu'à ce que mes yeux soient secs. Elle me caresse les cheveux et je lis dans son regard qu'elle ne me juge pas.
— Pourquoi tu ne m'as rien dit Kiki ? J'aurais pu t'aider... Merde je comprends mieux certaines choses maintenant.
— Je crois que j'avais honte et peur et je savais pas comment te le dire.
— J'imagine bien mais tu me connais, j'aurais pu faire bien plus si j'avais su.
— Tu ne t'en rends pas compte mais tu es celle qui m'a sauvé Alicia.
Elle me serre à nouveau contre sa poitrine puis murmure :
— Peut-être mais c'est pas pareil que si j'avais TOUT su. Ça... ça s'est mal passé avec Tim c'est ça ?
— Il ne s'est rien passé en fait. J'ai pas pu, j'ai eu peur et je sais que je l'ai déçu et ça me ronge putain !
— Ce n'est pas une finalité Killian, tu sais que cette situation peut être provisoire, si tu fais ce qu'il faut.
— J'y arriverais pas tu sais. Je compense depuis tellement longtemps que je ne sais plus faire autrement. Je sais pas ce que je dois faire Ali.
Alicia se redresse, et assise en tailleur, prend mes mains dans les siennes.
— Faire ce qu'on est en train de faire Killian. Il faut que tu parles à Tim, que tu t'ouvres à lui pour qu'il puisse comprendre ton vécu, tes appréhensions. Si tu ne le fais pas...
— Il fuira. J'ai bien une idée de ce que je dois faire mais je peux pas.
Elle ferme les yeux une seconde, déglutissant bruyamment.
— Pourquoi ? Qu'est-ce qui te retient ?
— Cette putain de honte ! La colère, la culpabilité ? Un mélange de tout ça et ça me bouffe !
Une énième larme roule sur ma joue, Alicia l'efface avec douceur puis elle me prend dans ses bras, caressant mon dos alors qu'un flot de larmes se déverse sur mon visage, telle une rivière en crue. Retour dans les ténèbres, au fond de l'océan où tout n'est que noirceur et sensation d'étouffement. J'en peux plus et j'aimerais pouvoir remonter à la surface mais lorsque je regarde au-dessus de moi, la lumière me fait tout aussi peur.
— Kiki, je ne connais pas Tim aussi bien que toi mais... Il m'a fait une promesse et je suis certaine qu'il la tiendra, parce que je lui ai dit que je ferais de la viande hachée de son cœur, s'il brisait le tien et je crois bien qu'il m'a cru.
Je pouffe soudain de rire et me recule, la dévisageant en essuyant mon nez.
— T'as pas fait ça vilaine ?
— Bien sûr que si et j'ai même pas de remords !
— T'es cinglée Ali ! dis-je en secouant la tête. Mais je t'aime... mais t'es complètement folle !
Elle soulève les épaules et allège les miennes de toute la tension que je ressentais jusqu'ici.
— J'ai bien fait, non ? dit-elle en souriant de toutes ses dents.
J'hoche la tête et la prends dans mes bras.
— Je vais y arriver tu penses ?
— T'as intérêt si tu veux être heureux Kiki ! Mais j'ai confiance, je crois en toi.
— Et moi je crois en toi pour croire en moi...
— T'es couillon parfois mais je t'aime moi aussi et je suis certaine que tu vas y arriver. Sois honnête et tout se passera bien. Maintenant file, je dois réviser mes cours !
— Merci Alicia. Merci d'être toujours là pour moi, tu sais pas à quel point ta présence me rassure.
Elle caresse ma joue, puis l'embrasse en me réitérant son soutien et son amour. Je l'enlace une dernière fois, profitant de sa force encore quelques secondes, puis je la laisse à ses études et rentre chez moi, me figeant dans l'entrée, comme si soudain la glace de ce putain d'iceberg, venait me congeler sur place. Je passe par la cuisine afin de vous ramener des pots de crème glacée, pour rester dans le thème, et je m'installe entre vous. Papa m'observe en souriant, ignorant tout de cette part d'ombre qui me concerne et qui l'anéantirait s'il savait. Tu entrelaces nos doigts sur ta cuisse et le match continue à la télé, sans que je ne trouve la force de faire face à la situation.
Il me faut encore plusieurs jours avant de trouver assez de courage pour te parler. Mais un matin, alors que ton regard se fait encore fuyant, écorchant mon cœur au passage, je décide que je ne terminerais pas cette journée sur des non-dits. Être à tes côtés, tout en sachant qu'il va bien falloir que je te parle, est un supplice pour moi. Je suis d'humeur exécrable au boulot mais étonnement, personne ne me fait de remarque, comme s'ils pouvaient voir la tempête qui faisait rage en moi. En sortant de l'agence, je te propose d'aller manger au resto pour une fois. Tu acceptes mais je sens bien ta réticence. T'es comme un savon qui me glisserait entre les mains.
Assis côte à côte sur la terrasse ombragée du restaurant, nos regards plongés dans le bleu de l'océan, c'est toi qui prends la parole en premier. Je serre les dents.
— Je ne sais pas ce qui te ronge depuis quelques jours mais je sais une chose, ce n'est pas bon de tout garder pour soi. Je ne te demande pas de tout me dire Killian mais si ça peut te soulager, raconte-moi une toute petite chose, un truc facile à dire pour toi. Qu'est-ce que tu en penses ? Ça te soulagerait ?
Tu sembles plus confiant que moi mais quand j'y pense, une toute petite chose, ça doit être faisable. Même pour moi.
Je tourne la tête vers toi et soudain les ténèbres ne sont plus aussi effrayantes, ton sourire lumineux m'encourage et m'attire vers la lumière.
— Oui, je pense que je peux essayer, dis-je tout en y réfléchissant encore.
Je laisse passer une minute, peut-être deux, sans que je ne puisse ouvrir la bouche, sans que tu ne parles toi non plus, caressant simplement le dessus de ma main que tu tiens sur ta cuisse. Puis je prends mon courage à deux mains et chuchote presque ces mots qui m'empoisonnent l'esprit depuis trop longtemps.
— Ça va peut-être te paraître complètement débile mais parfois... non, la plupart du temps, je déteste violemment mon corps. C'est pas que je me trouve moche, non. C'est ce qu'il me fait ressentir que je déteste. Parfois j'ai l'impression d'être enfermé à l'intérieur sans pouvoir le contrôler. C'est effrayant et j'ai horreur de ça.
Tu m'observes, d'abord du coin de l'œil, silencieusement puis tu souris, serrant ma main dans la tienne. Un poids s'envole de mes épaules telle une nuée d'oiseaux et soudain le soleil semble plus intense dans le ciel qui se teinte d'orange.
— Je te remercie de m'avoir parlé, tu peux pas savoir à quel point ça me fait du bien. Je ne trouve pas ça débile et je prends note de ce que tu me dis. Même si tout n'est pas encore clair, ça me suffit pour l'instant.
— Merci à toi de ne pas me juger ou me forcer la main, c'est important pour moi.
— Je veux pas t'en demander plus que ce que tu es prêt à me donner. Juste une petite chose à la fois. Je crois que ça peut fonctionner.
Le repas se passe finalement dans la bonne humeur, même si nous évitons certains sujets sensibles. Tu m'apprends que tu vas voir ta famille cette semaine et que tu appréhendes les futures remarques concernant ton choix de carrière. Je ris en imaginant ta mère te voir en petite tenue. On rit, on parle beaucoup et c'est bien plus détendu qu'on rentre à la maison.
Mon père est encore en réunion et la maison est vide. Alfred doit être dans ses appartements vu l'heure qu'il est. A travers la baie vitrée du salon, je vois la piscine toute illuminée et je me dis qu'un petit plongeon pourrait terminer en beauté cette journée fatigante.
— Ça te dit un petit tour par la piscine ?
Tu hausses un sourcil et observes l'étendue d'eau, l'air dubitatif.
— Je sais pas trop, elle est bonne tu penses ? Je suis frileux, avoues-tu en grimaçant.
Je me rapproche de toi, t'enlace dans mes bras et murmure à ton oreille :
— Si t'as froid, t'as qu'à venir te coller à moi.
Je vais ouvrir la porte vitrée et marche jusqu'au pool house afin de récupérer deux serviettes de bain. Lorsque je reviens, tu te tiens près de l'eau, m'observant me déshabiller.
— T'as pas de maillot ?! marmonnes-tu en lançant ton regard dans toutes les directions autour de toi.
— Pas besoin, personne ne peut nous voir de toute manière.
— Bin moi oui...
— Allez viens ! dis-je en descendant dans l'eau, nu comme un ver, en observant ton sourire.
J'ai beau détester mon corps par moments, l'idée que tu l'observes avec autant d'envie dans le regard à cet instant, me rassure et me met à l'aise. Ce sont plutôt les besoins que mon corps réclame qui me débectent, ce besoin constant de contrôle sur mon ressenti, mes émotions qui déconnent, qui me rendent malade. A cet instant je me sens assez en confiance pour me laisser aller, pour te laisser m'approcher et me toucher sans que ça me dérange. Au fond, je ne suis peut-être pas aussi cinglé que je le pense.
Tu souris et te déshabilles à ton tour et je réalise que, pour une fois, je n'ai pas envie de fuir en courant devant mes envies. Je te rejoins à la nage et plus l'espace entre nous diminue, plus mes angoisses fondent. Je crois que ça m'a fait du bien de te parler. Les yeux dans les yeux, tu m'avoues la gorge serrée :
— Tu es magnifique Killian, tout ce que je regarde chez toi est beau.
Tu caresses ma joue puis glisses ta main derrière ma nuque, m'attirant à toi et lorsque nos torses se touchent, un frisson parcourt mon dos. Ce n'est pas désagréable, au contraire, c'est comme une décharge d'adrénaline. J'ai envie de t'embrasser et tu sembles en avoir envie toi aussi, ton regard saute de ma bouche à mes yeux alors que ton visage se rapproche du mien. Pas besoin de mots, lorsque deux âmes conspirent entre elles. Je ne sais pas ce qu'elles mijotent mais elles ont un plan c'est sûr et rien ne semble pouvoir les arrêter.
❤❤❤
Hello vous !
Un chapitre dans lequel Killian se confie enfin à sa meilleure amie. Même s'ils sont proches, la honte le retenait de tout lui avouer.
J'espère que vous avez vous aussi, un ou une meilleur-e amie telle qu'Alicia.
Prenez soin de vous et à samedi pour la suite.
Des bisous (* ̄3 ̄)╭❤
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