C'est quoi ce merdier ?!
Jour J
🌻🌻🌻
Killian
Ma main tremble encore quand je présente mon billet d'avion à l'agente de l'aéroport, juste à temps pour l'embarquement. Tu occupes toutes mes pensées mais il faut que je vive une semaine sans toi. J'ai l'impression d'avoir un oursin dans la gorge et un troupeau d'éléphants danse maintenant dans ma tête. Putain j'ai hâte d'atterrir à Sydney tout autant qu'être de retour auprès de toi mais j'en suis encore loin.
Tout en soupirant, je suis le flot de passagers jusqu'à l'avion et trouve mon siège, 6B, en classe affaire. Merci papa. Être fils de millionnaire a ses avantages parfois, même si j'aurais préféré échanger chaque dollar de sa fortune pour vivre une minute de plus en compagnie de mes deux parents.
Je m'assois dans mon siège, plutôt confortable, en enfouissant les souvenirs douloureux au fond de mes tripes, là où personne n'ira les chercher. Je n'ai pas la force de me laisser submerger par la peine à cet instant. De toute façon personne n'a envie de revivre ce drame. Tu n'es pas là, je suis seul et sans arme pour affronter mes putains de démons. Pas question de les laisser gagner aujourd'hui, je tente de les ignorer.
Dans les haut-parleurs, le pilote fait son annonce. J'attache ma ceinture la boule au ventre, j'enfouis la tête dans l'oreiller que je t'ai volé. Désolé mon cœur mais j'ai pas pu résister. Il porte ton odeur fruitée d'abricot, c'est presque comme si tu étais là avec moi.
Au décollage ma tête me fait si mal que j'ai l'impression qu'elle va exploser, la douleur est de plus en plus lancinante. Une fois les nuages traversé et l'avion stabilisé, je cherche quelque chose dans mon sac à dos pour contrer mon mal de crâne mais hélas, j'ai oublié le flacon de comprimés sur la table de chevet.
Je m'insulte mentalement. Pourquoi faut-il toujours que j'oublie les choses importantes ? C'est tout moi, jamais à mon affaire.
Relevant les yeux vers le couloir de la cabine, j'attrape au hasard la manche du premier agent de bord que je vois passer près de moi. Ce dernier s'arrête et accroche mon regard. Ses iris d'un gris-vert particulier, unique, me laisse muet quelques secondes. Je tousse afin de me reprendre.
— Excusez-moi, vous auriez quelque chose pour atténuer un mal de tête ? dis-je en me raclant à nouveau la gorge.
— Bien sûr, je vous apporte ça et un verre d'eau, autre chose ? demande-t-il, aussi impassible que possible.
Sa voix me surprend par sa tonalité, grave mais douce. Un drôle de mélange agréable à l'écoute.
— Non, merci ça ira, grimacé-je en me cramponnant à l'accoudoir de mon siège.
— Je fais vite, précise l'agent tout en m'observant avec curiosité, sa main frôlant mon avant-bras.
Son regard me sonde quelques secondes, bien trop longues à mon goût, puis l'agent repart vers l'avant de l'appareil. Je ferme les yeux pour éviter ses iris insondables. Je connais par cœur mes faiblesses et ce regard en est typiquement une. Tes iris noires, m'ont toujours fasciné par leur puissance. Tes grands yeux, uniques, contrastent avec ton doux visage. Ils te donnent l'air d'un ange bienveillant mais parfois ton regard peut me clouer sur place par sa profondeur. Deux trous noirs dans lesquels je me sens aspiré.
J'aurais aimé t'avoir à mes côtés pour me rassurer, pour m'aider à contrôler mes angoisses, hélas je dois y faire face seul et je ne suis clairement pas bon pour ça. Pas bon du tout et tu le sais. Je ferme les yeux, me laissant bercer par le bruit des moteurs, l'odeur du café qui embaume l'habitacle et les conversations lointaines que je ne saisis pas. Lorsque je rouvre les yeux, l'agent de bord est là devant moi, un verre d'eau et un comprimé, posés sur un petit plateau. Il me sourit, je me tends instinctivement sur mon siège.
Baissant la tablette à côté de moi, je l'observe déposer ce qu'il a en mains, scrutant son visage anguleux mais harmonieux d'un peu trop près. Ses cheveux noirs sentent la vanille et pour une raison que préfère faire taire pour l'instant, mon imbécile de cœur palpite.
— Je vous ai apporté une couverture au cas où vous aimeriez vous reposer, il fait un peu frais dans la cabine, précise l'agent en la déposant sur l'accoudoir de mon siège, non loin de mon bras.
Cette fois-ci sa main effleure la mienne, je ferme les yeux pour ignorer les signaux lancés par mon estomac. Je me crispe sur son siège. Sa présence me perturbe pour une raison que j'ignore.
— Merci beaucoup, dis-je finalement la gorge serrée.
A nouveau l'agent me sonde de son regard gris-vert, je détourne le mien, préférant observer l'océan s'étaler sous l'appareil à travers le hublot. Lorsque l'agent de bord est loin, j'avale le comprimé et le verre d'eau d'un trait puis tire la couverture sur moi et ferme les yeux. J'espère dormir un moment afin de faire passer ce vol de seize heures plus rapidement mais des turbulences viennent nous secouer à peine deux heures plus tard. Je jure en rouvrant péniblement les yeux, ébloui par les rayons du soleil sur les nuages blancs et cotonneux. Dans la cabine, la tension monte et les passagers semblent stressés.
Je constate que j'ai toujours la tête prise dans un étau et des nausées qui me remuent maintenant l'estomac. Je me rassois en relevant le dossier de mon siège, soulageant immédiatement mon envie de vomir. Je bois une gorgée d'eau et repose mon verre vide sur la tablette à la gauche de mon siège. Déboulant de nulle part, l'agent de bord refait son apparition tel un prédateur en chasse.
— Vous aimeriez un autre verre d'eau ?
— J'ai l'air d'en avoir besoin ? râlé-je sans même réfléchir.
— Vous êtes très pâle, votre mal de tête est toujours là ?
Je lève les yeux vers lui, surpris qu'il en fasse autant pour un simple passager. Oui je suis en classe affaire, merci papa, mais tout de même, il n'a pas à se donner tant de mal pour moi.
— Ouais j'ai toujours mal au crâne et la nausée, dis-je en posant une main sur mon torse, prêt à vomir sur ses chaussures vernies.
Ce dernier pose une main sur mon épaule, me faisant sursauter. Je me crispe tout à coup.
— Excusez-moi, je voulais simplement vous dire de vous mettre au chaud, ça aide et je vais vous chercher quelque chose pour vous soulager, ajoute l'agent compatissant.
Je croise son regard puis le remercie, une chaleur vicieuse me réchauffant l'estomac. Je l'observe courir dans le couloir de la cabine et revenir à peine deux minutes plus tard. Il m'offre deux autres comprimés et de l'eau et repart avec ce foutu sourire sur le visage. Cazzo* ! J'engloutis tout, les comprimés, l'eau et le sourire et je m'enroule dans la couverture pour en émerger le plus tard possible.
Le repas de midi est servi avec autant de gentillesse de la part de l'agent de bord mais je picore à peine mon assiette, toujours nauséeux. Afin de me vider la tête, je me plonge dans un film et oublie l'agitation de la cabine pour un moment. Le film est aussi insipide que le repas l'a été. Je t'envoie un message pour savoir comment se passe ta journée mais tu dois être occupé par ton shooting car je n'ai pas de réponse. J'ai envie de savoir comment tu vas, de voir un de tes smiley-bisous ridicules sur mon écran ou un « p'tit con », ça m'aurait bien plu, mais je n'ai hélas, que le silence agaçant de mon téléphone.
Je range l'appareil dans la poche de mon pantalon et observe le bleu de l'océan infini en pensant à la semaine que je vais passer à Sydney. Elle va être remplie de séances aussi chiantes les unes que les autres et je n'aurais pas vraiment le temps de visiter la ville. Ça me casse déjà les bonbons rien que d'y penser. Je le fais pour l'entreprise de mon père, pour garder ce lien avec lui-même si au fond, je n'apprécie pas énormément ce travail. Je n'ai plus que mon père et même si nos principales discussions tournent autour des finances de l'entreprise, j'ai besoin de lui dans ma vie. Je ne veux pas perdre ce job et mon père comme toi lorsque tu étais encore enfant.
Mon téléphone vibre soudain dans ma poche, me sortant de mes pensées. C'est toi et il y a un smiley bisou à la fin de ton message...Mon cœur s'accélère, ça me rassure mais pas longtemps. Je me lève pour faire quelque pas histoire de me dégourdir les fesses et passer par les toilettes, lorsque je croise l'agent de bord dans le couloir.
Est-ce qu'il me surveille ? Chaque fois que je bouge, ne serait-ce que d'un cheveu, il est là...Il commence sérieusement à m'agacer. Je suis soulagé d'atteindre enfin la minuscule cabine.
Je ferme la porte derrière-moi, et descends ma braguette lorsque soudain la porte s'ouvre, me faisant sursauter.
— Bordel mais qu'est-ce que vous foutez là ?!
Un regard gris-vert intimidant, me toise de haut en bas puis remonte et s'arrête sur ma braguette ouverte. Je me recule mais me retrouve coincé contre le lavabo qui me rentre méchamment dans les reins.
— J'ai un pass magique en cas d'urgence, dit fièrement l'agent en refermant la porte discrètement, son trousseau de clés cliquetant sous mon nez.
— Et je peux savoir pourquoi vous êtes là, dans les chiottes ?
L'agent s'approche d'un pas, son torse frôlant le mien, mon cœur battant à tout rompre. Je déglutis, l'agent me sourit en retour et continue sur sa lancée.
— Je vais être franc, j'ai envie de t'inviter à boire un verre, pas ici, mais arrivé à Sydney, j'ai la nuit de libre avant mon prochain vol, si t'es intéressé, attends-moi à l'atterrissage... Juste pour un verre, promis, murmure-t-il à mon oreille.
Je sens tout à coup mon cœur s'écraser sur mes pieds. J'ouvre de grands yeux, paniquant intérieurement. Le visage de Tim s'impose dans mon esprit, comprimant mes poumons et m'empêchant de respirer.
— Je...
Rien d'autre ne sort de ma bouche que l'agent observe intensément. Il y a un échange de regard, mon cœur battant la chamade dans ma poitrine. La main, douce et chaude de l'agent caresse ma joue mais je suis incapable de bouger. J'ai soudain des sueurs froides, je passe ma langue sur mes lèvres, observe celles qui me font malgré-moi envie. Elles remuent à peine mais c'est sans équivoque pour mon stupide cerveau. Quelque chose me pousse vers lui.
— Est-ce que je peux t'embra...
Ma bouche répond à l'appel de l'agent sans mon consentement, traitresse. Les lèvres de ce dernier sont douces, charnues et gourmandes. Putain ! Je recule, jure à nouveau contre le lavabo dans mon dos mais pas que. Je repousse l'agent d'une main sur son torse, l'autre plaquée sur ma bouche infidèle.
— Désolé, marmonné-je en m'insultant intérieurement.
— Ne le sois pas, j'ai aimé. Bon... je dois te laisser. On se retrouve peut-être à Sydney ? lance l'agent en disparaissant des toilettes aussi vite qu'il y était entré.
Je sonde la porte maintenant fermée, comme si elle allait m'apporter des réponses, complètement perdu. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Pezzo di merda* ! je mets quelques secondes à réaliser ce que je viens de faire.
Ce n'était qu'un écart, une maladresse, une perte de conscience. Mais c'est fait et je m'en mords déjà les doigts.
Reprenant conscience, je fais ma petite affaire et retourne à mon siège, évitant de lever le regard au risque de croiser un gris-vert envoûtant. Restant tout le temps du vol sous ma couverture à ruminer et jurer contre moi-même, je me fustige intérieurement d'avoir agît ainsi.
Est-ce qu'un panneau est placardé sur ma tronche, affichant mes faiblesses au grand jour ? Sont-elles si visibles ? Je fais pourtant tout pour les cacher.
La boule au ventre, je t'envoie un autre message, pour me rassurer, mais à nouveau seul le silence de mon téléphone me répond. La journée se termine pour toi à Los Angeles et j'imagine que t'es rentré à notre appartement, que tu t'es fait couler un bain et t'y es certainement endormi comme bien souvent. Tu dois t'être couché dans notre lit avec Twinkle. T'as dû réaliser que je t'avais piqué ton oreiller alors que la nuit tombe doucement sur Sydney.
Plus les heures passent et plus je me sens mal. Je pense à toi, à l'invitation de l'agent de bord et plus je tente de faire le tri dans mes pensées, plus je suis paumé dans un cyclone inarrêtable. Mes démons hurlent d'un côté, tentant de le faire plus fort que ma raison qui me juge déjà de haut. Elle me connait, moi et ma façon foireuse de fuir. Moi et mes addictions de merde.
Je me ronge les ongles pour ne pas penser mais plus l'avion descend, plus mon angoisse monte et moins j'ai d'ongle à bouffer. Je repense à tes paroles, à l'aide que tu tentes de m'apporter depuis qu'on se connait et que je refuse en bloc comme un con. Comme un lâche. J'ai la boule au ventre et toujours pas de nouvelles de toi. Je sais que je gère très mal ton absence et à cet instant, j'ai plus que tout autre chose besoin de toi.
L'avion commence sa descente sur Sydney et plus la terre se rapproche, plus j'essaie de me persuader qu'il faut que je file à mon hôtel en courant sans me retourner. Que je me concentre sur ma semaine de travail et que je retourne auprès de toi le plus vite possible. Je suis décidé à rester dans le droit chemin et à me conduire comme quelqu'un de normal pour une fois.
Il est près de vingt et une heure locale lorsque l'avion atterrit sur le sol australien. Serrant mon baguage à main et mon oreiller contre moi, je suis à nouveau le flot des passagers jusqu'à l'intérieur du terminal plongé sous une lumière tamisée, contrastant avec le bruit ambiant, fort. L'aéroport grouille de vie et d'êtres humains pressés. Je me faufile entre les gens qui marchent à contre sens pour récupérer ma valise dans le carrousel à baguage. Jai l'impression d'être un saumon remontant une rivière. Je me repère ensuite dans le terminal pour trouver la sortie, tout en cherchant le nom de l'hôtel où mon père a fait ma réservation.
Toujours pas de notification m'indiquant un message de toi. Dans le sas d'entrée de l'aéroport, la file de taxi garés à quelques mètres de là sur le trottoir, j'appuie sur le bouton d'appel. J'attends, longtemps. Je tombe sur ton répondeur. Je réessaie en réalisant qu'il est plus de deux heures du matin pour toi et au moment où je veux raccrocher, tu me réponds, ou plutôt, des voix lointaines.
— Tim ?
Pas de réponse claire, juste un brouhaha assourdissant dans mes oreilles. Bizarre.
— Tim t'es là ?
De la musique forte puis quelques paroles incompréhensibles me répondent puis je t'entends gémir. Un gémissement que j'ai l'habitude d'entendre mais jamais quand tu n'es pas avec moi. Je serre le poing contre ma cuisse. J'entends soudain ta voix, fracassant mon cœur en un millier de morceaux, comme s'il était fait de Crystal.
« Mhhh Max... »
— Bordel de merde, c'est quoi ce merdier ?! Tim ? TIM ?! crié-je en vain.
Tu me raccroches au nez. Je range mon téléphone dans ma poche d'un geste empli de rage mais l'appareil glisse jusque sur le sol. Je me penche alors pour le ramasser et lorsque je me relève, l'agent de bord me fixe, sourire radieux aux lèvres.
Je suis certain que Satan en personne me l'a envoyé.
*Cazzo / Merde *Pezzo di merda / Morceau de merde
❤❤❤
Hello !
La séparation est là et semble déjà causer quelques soucis entre eux.
Mais qu'est-ce qui se passe pour Timothy ?
Vous le saurez samedi !
Des bisous (* ̄3 ̄)╭❤
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