C'est épuisant
1 022 jours avant...
🌵🌵🌵 TW : (Mention de mort d'un proche, d'agression sexuelle.)
Killian
Thanksgiving approche à grand pas et plus le temps file, plus j'ai besoin d'évacuer la pression qui devient insoutenable. J'ai pas trouvé le courage de parler à Tim. J'ai essayé mais à chaque fois, j'ai eu peur qu'il parte en courant, qu'il me rejette. J'ai vraiment la trouille qu'il ne comprenne pas. J'en ai reparlé à Alicia, par message. Elle m'a soutenu, elle est certaine que Tim n'est pas comme ça mais je ne peux pas empêcher la boule qui s'est formée dans mon estomac, de gonfler à chaque fois que j'y pense.
Je me retrouve donc à nouveau dans la salle de bain de mon père, à chercher un peu de paix. Mais aujourd'hui, je n'y arrive pas, tout ce que j'ai en retour, ce sont des images et des sensations que je ne voulais surtout pas revoir ou ressentir. Je ferme les yeux mais les souvenirs sont là, aussi violents que lorsque c'est arrivé. Les odeurs m'étourdissent la tête, les sensations désagréables me filent la gerbe. J'ai la nausée, des sueurs froides et je ressors de la salle de bain, plus mal encore qu'avant. Il faut que je pense à autre chose. Tremblant, je me dirige vers la cuisine et cherche un pot de glace dans le congélateur.
Je te rejoins sur la terrasse, m'affalant sur une chaise, la cuillère dans la bouche pour éviter de devoir parler. En face de moi, tu grattes ta guitare, notant des paroles sur une feuille avec une écriture toute en rondeur, que je découvre pour la première fois. C'est aussi la première fois depuis que tu es là, que je te vois avec ton instrument en main. Je t'écoute fredonner des mots que toi seul comprends. Tu sembles si serein, si apaisé quand tu crées. Ton crayon sur l'oreille, ton médiator entre les lèvres et tes fines mains sur ton instrument, tu resplendis de joie. C'est beau à voir. Je t'observe sans oser t'interrompre mais ma curiosité m'y pousse au bout de quelques minutes à peine.
— Qu'est-ce que tu écris ? demandé-je la bouche pleine de chocolat glacé.
— Pfff...rien de bien hélas. J'y arrive pas aujourd'hui, râles-tu en posant délicatement ta guitare sur la table. T'as même pas pris de cuillère pour moi ?
— Je partage la mienne si tu veux. Je l'ai à peine léchée, dis-je avec un clin d'œil avant de te l'enfourner remplie dans la bouche.
Tu grimaces mais tes yeux sourient.
— Merci, ça n'avait presque pas le goût de bave.
— N'importe quoi, tu râles pas autant quand je t'embrasse !
— Parce que je suis poli, répliques-tu en haussant les sourcils.
— Pfff... T'es agaçant et j'ai encore plus envie de t'embrasser maintenant !
— Je suis tout à toi si tu veux mais j'aimerais bien un peu de crème glacée aussi.
Tu te lèves et tentes de me piquer mon pot de glace. Je le glisse dans mon dos en te voyant approcher. Tu t'assois sur mes genoux et me bloques sur ma chaise. Poussé par un réflexe instinctif, je te rembarre plus violemment que je ne l'aurais voulu. Tu tombes sur les fesses, l'air choqué.
— Merde, Tim ! ça va ? Je suis désolé, dis-je en posant à la hâte le pot de crème glacée sur le sol, m'accroupissant à tes côtés.
— Ouais ça va. Mais toi t'as pas l'air d'aller bien. Qu'est-ce que t'as depuis quelques jours bon sang ?! demandes-tu en t'asseyant sur le sol.
Assis par terre, je me prends la tête dans mes mains, sachant pertinemment que c'est le dernier moment pour moi de t'en parler, avant que tu ne décides de partir loin d'ici définitivement. J'ai la nausée rien que d'y penser.
— Tim, il faut que je te parle de quelque chose, dis-je en cherchant ton regard. On peut monter dans notre chambre ?
Tu hoches simplement la tête et glisses tes doigts entre les miens. Ça me donne du courage mais lorsque nous arrivons dans la chambre, l'angoisse me submerge à nouveau et le courage se tapit dans le noir. Tu t'assois sur le lit et m'observes tourner en rond sur le parquet devant toi.
— Killian, quoi que tu aies à me dire, je ne vais pas te juger. J'aimerais simplement comprendre ce qui t'arrive parce que je me sens perdu et je voudrais t'aider mais si tu ne me dis rien, je sais pas quoi faire pour toi. Alors, parle-moi, je suis là pour t'écouter.
— J'ai pas vraiment envie de t'en parler mais j'en ai besoin je crois... promets-moi de ne le dire à personne. Surtout pas à mon père, il ne connait pas toute l'histoire et j'aimerais bien que ça reste comme ça.
Je viens m'assoir à côté de toi, aussi tendu qu'angoissé. J'évite ton regard et fixe la porte, parce que je sais que si je te regarde, je n'y arriverais pas.
— Tu me connais Killian, je ne dirais rien, je te le promets mais s'il te plait, arrête de te bouffer les ongles et parle-moi.
Je lâche mon ongle et prends une grande inspiration puis au bout de quelques secondes, qui ont permis à mon cœur de se calmer un peu, je me lance péniblement.
— Ça date du lycée. J'ai perdu ma mère juste après Noël, elle a fait un arrêt cardiaque. Elle était partie voir sa sœur pour quelques jours mais à son retour elle ne se sentait pas en forme. On pensait qu'elle avait la grippe. Le soir, je suis allé lui apporter dans sa chambre le repas qu'Anna lui avait préparé. Elle était toute pâle... et le temps que j'appelle... mon père, elle s'est éteinte dans mes bras.
Ta main serrant la mienne me donne le courage de continuer, malgré la peur qui me tétanise. Tu restes silencieux, alors que les mots sortent tout seuls de ma bouche, comme un torrent de boue immonde.
— Ça a été horrible, mon père et moi on ne se parlait quasiment plus après ça. J'étais comme un zombie au lycée et il y avait le quarterback de l'équipe de football, Giovanni. Même si c'était un connard, il était super sexy et souvent dans mes pensées et je crois que j'avais un petit crush sur lui. Il avait toujours toutes les filles les plus populaires à ses côtés, tu vois le genre.
— Ouais le genre de connard qui se prend pour le roi du lycée et qui pense qu'il peut baiser toutes les filles.
— Ouais sauf que ça c'était la pointe de l'iceberg qu'il voulait montrer. Giovanni, dans les toilettes des mecs, c'était celui qui se faisait sucer par des mecs. Un homo qui n'assumait pas. Un jour il m'a coincé dans les toilettes, on était seul et il voulait... que je le suce. Il avait dix-sept ans et savait ce qu'il faisait. Moi j'en avais à peine quinze et j'avais jamais fait ça, mais il a un peu insisté et je sais pas pourquoi, j'ai fini par le faire. Et puis, je ne sais pas trop comment, c'est devenu un rdv hebdomadaire entre nous. J'avais beau le détester de toutes mes forces, quelque chose me poussait à y retourner.
Ta main se crispe sur mon genou, j'ose lever les yeux et je remarque que les tiens se sont embués. La boule au ventre, j'en viens à la partie la plus difficile à expliquer pour moi. Tu m'encourages d'un léger sourire mais ma gorge se serre, comme d'habitude. Ma voix ressemble à un grincement strident sur un tableau noir, aussi désagréable que les souvenirs qui sont associés aux mots que je crache avec dégout.
— Je sais c'est tordu mais quelque part, je crois que j'en avais besoin. Une fois, après un match que son équipe avait perdu, il m'a bloqué dans la cabine, comme d'habitude. Il était hors de lui... et il est allé plus loin cette fois-là. J'ai pas eu le courage de lui dire non, de le retenir... Je suis resté figé, incapable de le repousser.
Je relève la tête quand ta main caresse ma joue, je réalise que je pleure comme un gosse. Ton regard embué m'observe avec douceur.
— C'était pas de ta faute Killian, il a abusé de toi, d'un moment de faiblesse. Il devrait être puni pour ça.
— Je sais. Mais tu vois le problème, c'est qu'après ça, chaque semaine pendant une année, dans les toilettes avec Giovanni, c'était une occasion pour moi de ne plus ressentir le vide qu'avait laissé ma mère. C'était un peu comme s'il pouvait effacer tout ce que je ressentais, l'espace d'un moment. Quand il a été renvoyé du lycée, je n'ai plus eu droit à ces instants hors du temps, libérateurs. Putain, je déteste dire ça mais c'est vrai, ça me vidait de toute la colère que je ressentais, de toute cette rage et cette tristesse que je ne savais pas comment gérer ! J'ai détesté ces moments avec lui, autant qu'ils me permettaient de me libérer, de me sentir mieux. C'était malsain, mais je ne m'en rendais pas compte à l'époque. Après ça, j'ai continué, tout seul, parce que j'avais besoin de me réapproprier mon corps, ma sexualité. J'avais besoin de dissocier le sexe de ce que Giovanni m'avait fait. Je me branlais, tout le temps, pour tenter de retrouver cette sensation de vide qui me faisait du bien. Je suis devenu addict au sexe, je le suis toujours malheureusement et je me déteste tous les jours d'avoir ce désir douloureux en moi.
Tes bras m'enlacent avec une infinie douceur et moi je renifle comme un gosse sur ton t-shirt. J'ai honte et je me sens sale mais toi tu me réconfortes, sans me juger.
— Je te remercie de m'avoir tout raconté Killian. C'est terrible ce qui t'est arrivé mais tu n'y es pour rien. Je comprends mieux maintenant et je te promets de tout faire pour t'aider. Sache que tu n'es pas cinglé, je crois que tu ne sais pas comment gérer certaines de tes émotions mais tu n'as pas à en avoir honte.
— Il y a des jours où j'hésite entre disparaître et exister et où mes pulsions me pourrissent la vie. J'ai l'impression d'être constamment à la recherche d'oxygène, de chercher mon souffle. C'est épuisant.
— T'as pas intérêt à disparaitre, je ne te laisserai pas faire de toute manière. Tu es quelqu'un d'exceptionnel et tu mérites d'être heureux Killian. Et je ferai tout ce que je peux pour faire naître ce sourire, si magnifique, qui embellit ton visage, chaque jour que je passerai avec toi. Et si tu cherches ton souffle, je te donnerai tout l'oxygène dont tu auras besoin.
— Merci Tim, vraiment, dis-je en enfouissant mon visage dans ton cou.
Tu m'encercles de tes bras, caressant mon dos sans rien ajouter. Je me sens plus léger de t'avoir parlé mais j'appréhende tout de même la suite. Je sais que tu auras encore d'autres questions que tu n'oses pas me poser maintenant. Petit à petit, j'espère pouvoir me réapproprier mon corps et ne plus voir ces souvenirs, ressentir cette espèce de mal être envahissant et trouver enfin une façon d'apprécier à nouveau le sexe. Ne plus avoir ce besoin malsain d'évasion.
Pour nous changer les idées, on décide de passer la soirée avec Alicia dans un bar à tapas du centre-ville. J'arrive enfin, après plusieurs jours, à me détendre vraiment. On ne parle pas à Alicia de la discussion qu'on a eue mais je crois qu'elle a compris que quelque chose nous avait rapproché, soudé l'un à l'autre. C'est peut-être mon regard qui ne te quitte pas, le sourire niais qui étire ma bouche, ma main qui semble vouloir s'accrocher à la tienne, ou alors le fait que j'ai la folle envie de t'embrasser à tout moment.
Alicia sourit, rit à tes blagues mais lorsqu'on décide de rentrer et qu'on quitte le bar, je vois dans le bleu de son regard qu'elle sait. Elle et moi on se comprend sans même avoir besoin de nous parler, comme des jumeaux on sait ce que ressent l'autre.
Elle attrape mon bras puis guide notre trio sur les pavés, jusqu'à un glacier.
— J'ai envie d'un milkshake ! crie-t-elle soudain en s'approchant. C'est moi qui offre !
Je lève les yeux au ciel et tu la suis, sourire aux lèvres.
Elle commande pour nous et nous trouve une table haute faisant face à l'océan. On entrechoque nos verres puis Alicia déclare à ton attention :
— Je t'avais dit que si tu devenais mon ami tu aurais tous les milkshakes du monde, gratuitement jusqu'à la fin de ta vie... Je tiens mes promesses mais tu dois tenir les tiennes Tim ! Deal ?!
On échange un regard, tu hausses les épaules mystérieusement et acceptes en lui faisant un bisou sur la joue. J'ai le cœur qui bat la chamade dans ma poitrine. Savoir que ma meilleure amie et mon petit ami s'entendent, me fait un bien fou. Alicia n'a pas toujours été bien vue dans certaines de mes relations passées et je suis heureux que ce ne soit pas le cas aujourd'hui.
Cela dit, je me méfie de votre deal, même si j'ai confiance en vous. J'ai autant besoin d'elle que de toi dans ma vie et je ne renoncerai à aucun de vous d'eux. Je n'imagine plus vivre un seul jour sans toi Tim. J'ai l'impression de te connaitre depuis dix ans et que notre relation est comme une évidence, comme si le destin avait enfin choisi de m'accorder un peu de bonheur et j'ai pas l'intention d'en gâcher une seule minute. Maintenant que tu connais mon pire secret, je suis certain que rien ne pourra venir se mettre en travers de notre bonheur.
❤❤❤
Hello,
Un chapitre un peu difficile aujourd'hui mais il vous révèle enfin la cause des traumatismes et des addictions de Killian.
J'espère que malgré les sujets douloureux, ce chapitre vous a plu ?
Je vous fais des bisous et je vous donne rendez-vous samedi
ヾ( ̄▽ ̄) Bye~Bye~
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