Q.u.a.t.r.i.è.m.e...j.o.u.r...
Encore du orange à la fenêtre.
C'était donc la fameuse invitation. Elle avait belle et bien accepté. Encore des questions.
Jeudi, encore cours, encore du temps perdu. Elle s'immergea à nouveau, à force des jours, ça devenait de plus en plus difficile, comme s'enfoncer dans de l'eau de plus en plus profonde.
Les langues de fumée noires étaient là et lui léchaient les mollets. Manon en eut des frissons. Au milieu du noir, il y avait Gaël.
Pour la première fois, il n'avait pas l'ombre d'un sourire, ses yeux semblaient la consumer sur place, il ressortait d'autant plus à cause de la noirceur ambiante.
- Tu as des questions, je me trompe ?
Il faisait presque peur.
- Est-ce que je suis morte ? Dans mon rêve, j'ai sauté d'une falaise.
- Tu n'es ni morte ni vivante, tu es, comme qui dirait, au bord du gouffre de la mort. Fais vite, les portes de la mort te sont de moins en moins accessibles.
- C'est quoi les portes de la mort ? Tu me demandes d'aller vite, je serais directe.
- Comme si tu ne l'étais pas avant. Les portes de la mort sont, eh bien, cet endroit. C'est ici que va un mort avant, et bien, de mourir pour de bon.
- Pourquoi je peux y aller de plus en plus difficilement puisque je suis presque morte ?
- Plus tu restes dans... l'antichambre, plus tu... comment dire... vie ? Ce que je veux dire, c'est que tu deviens de moins en moins morte. Si tu ne veux pas te retrouver coincée entre ces deux portes, il va falloir te dépêcher.
Et pour la première fois de la journée, Gaël sourit, puis s'effaça. D'abord son corps, puis son sourire, puis ses yeux, qui s'imprimèrent dans la rétine de Manon, qui émergea.
Pour éviter de perdre le fil, elle prit une feuille et récapitula l'ordre des choses
Je suis morte, je me suis suicidée en sautant d'une falaise.
Je ne suis pas vraiment morte en fait, je doit accomplir quelque chose afin de partir d'ici.
Gaël n'est pas une vraie personne, je ne sais pas ce qu'il est.
Le orange est présent partout, c'est aussi la couleur de ses yeux.
Je suis incarné dans le corps physique de Gaël.
Je suis dans l'antichambre. Mais de quoi ? Sûrement de la mort.
Je commence à être de moins en moins morte, ce n'est pas bon d'après Gaël, peut être qu'un second suicide aidera à quelque chose ?
Ce fut un déclic pour Manon. Le suicide.
En dernier recours, certes, mais à ne pas oublier. Après tout, qu'avait elle à perdre ?
La vie ? Elle n'était pas vivante.
Des proches ? Lesquels ? Gaël ? Elle ne le considérait pas comme tel.
Il n'y avait plus qu'à essayer. On toqua à la porte. Manon était exaspérée, elle ne voulait plus perdre son temps. Elle avisa la fenêtre, l'ouvrit en même temps que la porte qui donnait sur la mère de Gaël. Sans même réfléchir, elle sauta. Cette fois encore, il n'y eut pas de cri. La mère de Gaël la regardait tomber, sans trahir la moindre surprise ou tristesse.
Le temps s'étira, à la manière d'un élastique. La chute qui ne durait que quelques secondes, dura plusieurs minutes pour Manon. Puis, à la manière d'un élastique, il claqua, et revint à la normale en même temps que le sol.
Manon percuta le sol violemment, mais elle ne sentit rien.
Elle se trouvait dans un endroit noir.
Où des langues d'ombres d'encre lui tournaient autour.
Il y avait Gaël, ses yeux étaient deux incendies
- Tu ne peux pas être courageuse ! Tu n'es pas capable de supporter la moindre pression ! Au premier obstacle tu quittes la scène, comme ça ! Sans penser à rien !
Manon l'écoutait sans broncher, elle pensait à autre chose.
Pourquoi ça n'avait pas marché ?! Que devait-elle faire alors ?!!
- Tu m'écoutes !
La claque de Gaël la ramena à la réalité, enfin, ce qui s'en rapprochait le plus.
- J'ai fait une liste.
Manon s'étonnait elle-même de son calme.
Je cherche une solution.
- Mais c'est pour ça que tu es ici !! En combien de temps tu vas comprendre que c'est ta lacheté qui t'as amenée ici ! Tu perds plus de temps que tu n'en gagnes ici, le temps passe plus lentement que dans la... « réalité ».
Et puis va t-en ! Reviens demain !
- Non.
Encore ce calme.
-SI !! Ses yeux jetèrent des flammes tout près de Manon, il n'y avait ni sourire, ni petites braises. C'était un incendie de rage.
Manon, cette fois, se départit de son calme. Elle prit peur et émergea encore plus vite que les autres fois. Dans la voiture.
La mère conduisait tranquillement et la déposa devant le collège normalement.
Une question de plus.
Le calme lui colla à la peau jusqu'au soir du rêve.
Flash orange.
Manon sait.
Elle sait qu'elle va oublier.
Elle convoitait cet endroit depuis tellement de temps.
Des années à créer les conditions idéales.
Flash orange.
Les livres.
Tout était dans les livres.
Tout sur les croyances de la mort.
Tout sur sa libération.
Tout sur comment échapper à ses prisons qui sont la vie et la mémoire.
Puis c'est le noir complet.
Puis c'est au tour du orange.
Orange comme le feu.
Orange comme ses yeux.
Orange, la couleur de sa maladie.
Orange, la couleur de sa malédiction.
Orange, son ancienne couleur préférée.
Orange, la couleur qu'elle voudrait oublier.
924 mots
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