P.r.e.m.i.e.r...j.o.u.r...


Noir.
Rouge.
Orange.
Elle ouvre les yeux.
Manon se trouve dans un lit. Le orange provient de la fenêtre, de l'aurore. Elle voudrait fermer les yeux, ne plus voir le orange. Mais elle ne le fait pas. Elle supporte.
La nuit n'a pas été reposante. Toujours ce même rêve. C'est l'une des rares choses dont elle se souvient. Elle ne sait pas non plus si c'est la première, la deuxième, la dixième ou bien la centième fois que cela se produit. Elle ne sait pas si elle a toujours vécu comme ça, ou bien si il y avait un « avant », un passé. Et surtout, si il y aura un futur.

Son premier réflexe est de regarder ses mains. Non pas ses mains. Ces mains. Ce ne sont pas les mains de Manon. Pas plus que son corps. Pas plus que cette vie. Rien ici n'est à Manon, excepté ses pensées. De ça, elle en est sûre. Elle connait aussi son nom : Manon, et elle sait qu'elle ne devrait pas être là, mais elle ne sait pas est-ce qu'elle devrait être. Les mains sont grandes et les ongles sont rongés au maximum. Elle se lève et va se voir dans le miroir.

Flash orange.

Manon vacille, le miroir lui renvoie l'image d'un garçon brun, les yeux orange. Bizzarement, ce n'est pas le orange qui la gêne, c'est le garçon en lui-même. On toque à la porte. Elle sursaute.

- Gaël, je peux entrer ?

C'est une voix de femme. Sûrement sa mère. Manon n'a pas le temps de répondre, la femme entre. Manon panique, que doit elle répondre ? Que doit elle faire ? Comment Gaël se comporte avec elle. Premier réflexe, se ronger les ongles, déjà bien abimés. Le subconscient de Gaël sûrement. Manon voudrait parler. Au fond d'elle, elle ne sait pas quoi choisir entre tout lui raconter, ou bien, se faire passer pour lui. De toute façon, la question fut vite réglée.

Elle ouvrit la bouche.
Puis la referma.

Aucun son n'en était sorti, Gaël était muet. A ce moment là, il y eut un déclic. Les mains de Manon s'agitèrent toutes seules devant elle. Elle ne savait pas ce qu'elle avait dit, mais la mère parut satisfaite.

-File te changer, le petit déjeuner est prêt.

Manon paniqua. Elle était spectatrice de cette vie. Elle ne décidait d'aucun de ses gestes. Elle immergea dans la tête de Gaël. Elle nageait dans ses pensées jusqu'à apercevoir une silhouette. De cette silhouette, il ne ressortait que les yeux orange, et un sourire. Manon le comprit tout de suite.

C'était lui qui avait le contrôle.

La silhouette écarta les bras, comme si il voulait lui rendre la tâche plus facile. Et s'écarta. Plus il reculait, moins Manon le voyait distinctement. Avant de se fondre complètement dans l'ombre, elle entendit très clairement :

- A demain...

Manon émergea. Elle avait le contrôle. Elle se trouvait dans une voiture. La mère ouvrit la porte et la déposa devant le collège.
Le reste de la journée se passa sans encombre, Gaël guidait Manon.

Elle se laissa tomber dans le lit.
Elle ferma les yeux.

Flash orange.

Le corps rapetissait à mesure qu'il tombait.
Il n'était plus qu'une silhouette.
On distinguait à peine son visage, mais Manon voyait qu'il souriait.
Elle aurait dû crier, être affolée, paniquer !
Mais Manon ne fit rien de tout ça.
Manon ne fit rien.
Manon ne bougea pas.
Manon était encore immobile, abasourdie.
Manon avait encore imprimé dans la rétine, la couleur de ces yeux.
Orange

Flash orange.

Puis c'est le noir complet.
Puis c'est au tour du orange.
Orange comme le feu.
Orange comme ses yeux.
Orange, la couleur de sa maladie.
Orange, la couleur de sa malédiction.
Orange, son ancienne couleur préférée.
Orange, la couleur qu'elle voudrait oublier.

635 mots

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