Chapitre 3 - Lauren

Tandis que Lauren se jette sur Ambrose pour l'embrasser à en perdre haleine, le jeune homme tente de se défaire de son étreinte en riant.

« Je voulais prendre une douche avant, bredouille-t-il en essayant d'échapper à ses baisers.

Mais elle ne tient pas compte de ses protestations et commence à le déshabiller. Ses cheveux collent à sa peau, sur son front et dans sa nuque. Dans son cou, des gouttes de sueur ont tracés des sillons bruns dans la poussière qui le recouvre. Ses ongles sont noirs et ses bras couverts d'herbe coupée. Le mélange d'odeur qui s'échappe de son tee-shirt fait chavirer Lauren, qui achève furieusement de le déshabiller. Il lui semble aussi épais qu'un chaton mouillé.

La première fois qu'ils se sont retrouvés nus ensemble, elle a cru mourir de honte face à la fermeté de son corps si jeune, si mince. Lauren ne s'était pas rendue compte combien le temps avait passé pour elle aussi. Tout le monde la complimentait mais personne ne la voyait nue, seulement son époux. Et si son visage restait inaltéré, son corps lui semblait moins ferme. Jamais grosse, elle avait toujours eu des formes féminines bien marquées, des formes que les années n'avaient pas épargnées. Face au corps d'Ambrose, insolemment sec et lisse et à sa peau douce et sans défaut, elle avait eu honte de ses seins moins fermes et d'un peu de peau d'orange. Mais le garçon, émerveillé, l'avait couverte de louanges, avait répété sans cesse combien il la trouvait belle et combien il avait envie d'elle. Puis il avait prouvé à plusieurs reprises la véracité de ses propos. Lauren l'avait trouvé si attendrissant qu'en y repensant, sa gorge se nouait d'émotion. Elle ne saurait dire si il avait été maladroit où si elle avait été bousculée dans ce qu'elle connaissait par cœur, trop habituée aux gestes routiniers, prévisibles de son époux.

Presque défaillante, elle s'écarte enfin de lui pour se déshabiller à son tour. Cette fois, elle ne cherche pas à prendre son temps, elle ne veut pas qu'il lui ôte ses vêtements avec ses compliments habituels. Elle l'entraîne avec lui quand elle s'allonge sur le parquet, au milieu de leurs vêtements épars. Sa verge est longue et mince comme un archet et il en joue comme un virtuose de la musique. Il la cloue au sol et fait vibrer son corps entier comme les cordes d'un violon. Lauren oublie rapidement le brouhaha du marché qui monte jusqu'à eux et le plancher inconfortable sur lequel ses hanches et ses épaules s'abîment.

Quand ils se séparent, fourbus et satisfaits, ils se lèvent en tremblant pour aller s'écrouler sur le lit, Lauren blottie contre son amant. Les joues brûlantes et les larmes aux yeux, elle inspire profondément pour reprendre son souffle. Elle s'installe, à cheval au-dessus d'Ambrose et prend sa tête entre ses mains. Elle écarte les cheveux qui couvrent son front, les repousse derrière ses oreilles et lève son visage vers elle. Un instant elle l'observe, la gorge nouée et douloureuse.

« Sais-tu que l'on donnait des noms à tes grains de beauté sous l'ancien régime ? Selon l'endroit où ils se trouvaient sur le visage.

Ses doigts se posent sur le visage d'Ambrose. Celui-ci tente d'embrasser ceux qui passent à portée de ses lèvres mais Lauren les retire en riant.

« Bien sûr, les femmes s'en faisaient poser de faux, souvent en taffetas noir. On les appelait des mouches et elles avaient un pouvoir érotique certain.

Les lèvres d'Ambrose cherchent celles de Lauren pour la faire taire mais ne réussissent qu'à la faire rire. Il grogne comme un petit chien quand elle échappe à ses baisers. Elle pose sa bouche sur sa tempe.

« Près de l'œil, on les appelait assassines, comme ta beauté.

Ses lèvres se posent ensuite sur son nez.

« Sur le nez, effrontées, comme toi.

Au fur et à mesure que sa bouche embrasse les grains de beauté sur le visage d'Ambrose, elle les nomme.

« Sur le front, majestueuses. Sur les lèvres, friponnes. Sur le menton, discrètes.

Son énumération finie, Lauren se redresse et plonge dans les yeux de son amant avec tristesse.

« Il y avait des noms pour les mouches placées ailleurs, mais je ne m'en souviens pas.

Ambrose a remarqué le voile gris qui assombrit le regard de Lauren et s'en inquiète.

« Vous semblez triste ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Lauren esquisse un faible sourire pour le rassurer et va s'asseoir contre le mur, au pied du lit. Elle plie ses jambes contre son ventre et ses bras autours de ses genoux.

« Tu es si jeune, si beau. Je ne comprends pas pourquoi tu t'intéresses à moi ? Es-tu un incube qui vient briser mon mariage ? Le spectre de la jeunesse qui vient me rappeler que la mienne est partie depuis longtemps ?

Ambrose lui prend la main et tire doucement pour l'attirer mais Lauren résiste. Il se penche et embrasse ses doigts

« J'aime vos mains si délicates – il lève les yeux et dans un clin d'œil murmure – si expertes.

Il se redresse pour se blottir contre elle et l'embrasse en différents points. Comme elle tout à l'heure, il nomme les parties du corps de sa compagne, là où ses lèvres se posent.

« J'aime votre cou qui frémit dès que j'y pose les lèvres, j'aime les lobes si mignons de vos oreilles.

Son souffle dans le cou de Lauren la fait rire.

« Et mes chevilles, tu les aimes mes chevilles ?

Ambrose se redresse, décontenancé et Lauren éclate de rire avant de s'allonger à plat ventre.

« Tu les trouve jolies mes fesses ?

Ambrose ne sait plus quoi répondre et hausse les épaules.

« Ce ne sont que des paroles d'un film. Le mépris de Godard. Bardot est au lit avec Piccoli, nue sur le ventre et soumet à son jugement toutes les parties de son corps, et mes genoux, tu les aimes mes genoux ? Et mes cuisses ? Et mes seins, tu les aimes ? Et il lui répond oui à chaque fois.

Devant l'air ahuri du jeune garçon, Lauren s'étonne.

- Tu n'as jamais entendu parler de ce film ?

- Non.

- Et de Bardot ?

- Non. Enfin si mais...

Irrité de se voir pris en défaut, Ambrose tourne le dos et grogne.

« Il date de quand ce film ?

- Début des années soixante, soixante-trois je crois.

- Je n'étais même pas né.

- Je l'étais tout juste ça ne m'a pas empêché de le voir par la suite.

Lauren inspire pour poursuivre mais la mise en perspective de leurs dates de naissances lui coupe la parole et leur différence d'âge revient l'attrister, si bien qu'elle préfère rester silencieuse. Ambrose en fait autant, énervé que ce qui n'était qu'un petit jeu ait fini par révéler son ignorance. Ils se tournent le dos, lui assit au pied du lit, elle au bord. Elle se penche alors pour récupérer ses vêtements.

« Comment elle finit dans le film Bardot ?

Lauren a un sourire triste et regrette le moment qu'elle vient de gâcher. Le parallèle avec leur couple et la fin du personnage la fait frissonner.

« Son couple vole en éclat et elle meurt.

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