Chapitre 19
Média : Cœur de Mouse (elle est pas dans le chapitre mais je la trouve troooop belle)
« Je... tu... tu m'en veux...? »
Feuille de Trèfle lança un regard noir à la femelle à qui le vent faisait onduler la fourrure tachetée. Nuage Solitaire poussa un long soupir. Elle avait compris. Elle allait s'excuser lorsque le matou l'interrompit. Tout en fixant le ciel où quelques étoiles commençaient à apparaître, il murmura :
« Je t'aime, Nuage Solitaire, je le sais. Je ne peut rien y faire. Mais en cet instant, je te déteste. En cet instant, je voudrais être loin de toi. Être chez moi, avec mon père. »
Il ferma les yeux, refoulant ses larmes. Chaque nouvelle phrase lui faisait l'effet d'un coup de griffes, mais sa gueule bougeait toute seule, et son cœur s'emballait. Lorsqu'il rouvrit les paupières, sa compagne avait le regard presque plus embué que le sien.
« D'accord... chuchota-t-elle en tremblant violemment. Je vais te... te faire rentrer chez t-toi... »
Elle regarda ses pattes un instant en respirant lentement, comme pour essayer de se calmer. Feuille de Trèfle se força à ignorer la souffrance qu'elle lui communiquait. Mais il la ressentait, lui aussi, malgré sa fureur.
« Je te laisserai nos chatons. Il faut... il faut que tu f-fermes... les yeux. Et... que tu p-p-penses à tes souvenirs de vie. Les plus... les p... plus heureux. Je vais... faire le reste. »
Elle semblait à bout de forces. Ses yeux vert-jaune n'avaient plus du tout l'air déterminé qu'ils affichaient quasiment en permanence. La jeune chatte était vidée, à bout. Exténuée. Détruite de l'intérieur par les mots de son propre compagnon.
Le guerrier, une nouvelle fois, tenta de ne pas faire attention à elle. Il s'éloigna de quelques mètres, avec l'impression que ses pattes s'enfonçaient dans le sol, le plus profondément possible... il jeta un dernier regard à la femelle recroquevillée sur elle-même dans une expression dévastée avant de plonger profondément dans ses souvenirs. Des souvenirs de sa mère, de son père, de Souffle de Pollen et Soleil Foudroyant. Et une image insistante persistait dans son esprit : une paire d'yeux vert-jaune.
Il ne se réveilla que plusieurs heures après, juste devant le camp du Clan de la Rivière. Mais il avait l'impression d'avoir disparu seulement quelques instants.
En perdant une partie de lui-même.
Cela faisait plusieurs minutes que Feuille de Trèfle hésitait à se diriger jusque dans l'îlot qu'était son camp. Est-ce qu'on le reconnaîtrait, au moins ? Est-ce qu'on l'accepterait, après tout ce temps ? Il avait tout de même disparu plus de... cinq, sept lunes à peu près ? Ou dix ? Il avait l'impression d'en avoir vécu cinquante. D'être un guerrier revenant de mission. Il tremblait de fatigue et de douleur, mais s'obstinait à réfléchir. Il voulait que, depuis les étoiles, sa famille puisse voir qu'il n'avait pas besoin d'autant d'aide.
Voyons... quand je suis parti, j'avais neuf lunes. Et là, j'en ait quinze. Bientôt seize. Je suis parti... six lunes entières.
Son cœur lui parût soudain bien lourd à cette pensée. Tout le monde pensait qu'il était devenu domestique. C'était pire que tout. On le traiterait de traître, il serait sûrement injurié... son père le renierait peut-être. Pendant plusieurs minutes, il fut tenté de repartir en arrière. De retrouver Nuage Solitaire et de s'excuser. Il ne ressentait presque plus de colère. Il brûlait juste d'envie de se reposer, longtemps... le jeune guerrier eut aussi une pensée coupable à propos de Souffle de Pollen. Il avait laissé sa sœur sans même la prévenir. Et ce serait à Nuage Solitaire de tout lui annoncer... il soupira et marmonna des excuses que la rouquine n'entendrait jamais.
Feuille de Trèfle lança un regard hésitant à là où l'attendaient petu-être, peut-être Feuille de Fougère et Aile de Libellule. Puis il observa tristement le ciel qui devenait indigo avec le temps, et enfin la forêt, la rivière et la lande derrière lui. Il s'engagea dans cette dernière direction, le cœur lourd.
Pour le moment, mieux valait ne pas se montrer. Il grimpa habilement au premier arbre qu'il vit et s'y installa pour passer la nuit.
PDV : ???
Il lança un regard aux cieux. Quelqu'un l'attendait, là-bas. Et lui aussi l'attendait.
Il sortit du buisson auquel il s'était frotté au préalable puis se tourna vers ses compagnons. Une femelle gris-bleu aux yeux bleu sombre, un chat noir imposant au poil tigré et un jeune chat blanc-crème. Il jeta un coup d'œil fautif à la chatte dont le pelage avait une couleur presque inhabituelle. Elle lui sourit et il ronronna en retour. Puis il déclara qu'il allait s'éloigner. Pour patrouiller.
Sauf qu'il s'allongea juste dans une clairière, toute proche. Il observa le ciel un long moment..
C'est le cœur serré qu'il s'endormit.
« Museau Aplati ? Tu... tu es là ?! J'entend ta voix ! »
« Oui, calme-toi ! Tout va bien. Je... je crois que l'on a pensé l'un a l'autre en même temps et... ce n'est sûrement pas ça mais... en fait, je... j'aimerai te parler. Rejoins-moi dans la clairière. »
Souffle de Pollen mourrait d'envie de comprendre ce qu'il s'était réellement passé pour qu'elle et le mâle entrent en contact mais ce dernier avait un accent pressé. Comme si ce qu'il voulait dire lui pesait sur le cœur.
« Mais... bon, d'accord... concéda Souffle de Pollen. »
Elle n'obtint pas de réponse, mais s'empressa de sécher les larmes de joie qui se formaient au coin de ses yeux. Donc, elle allait pouvoir parler à quelqu'un ? La rouquine sourit doucement à cette pensée. Mais elle devait en changer, malheureusement. Pour aller dans leur clairière, il fallait tout d'abord qu'elle se l'imagine.
Et dire que lui n'a rien à faire, se dit-elle, un peu amusée. Le veinard...
La sourire aux babines, la chatte rousse commença à visualiser le pré. Ses herbes sèches, ses pâquerettes, ses mauvaises herbes, son soleil, sa rivière... et Museau Aplati. Alors, tout en ronronnant, elle sentit ses pattes la picoter, le vent ébouriffer sa fourrure.
Quelques minutes plus tard, elle sentit le feuillage des arbres la frôler et rouvrit les yeux. Elle était juste au dessus du pré qu'elle partageait avec Museau Aplati. Une forêt s'étendait à l'infini sous elle... Les yeux pétillants, elle n'attendit même pas d'être au sol pour l'appeler. Le matou gris se retourna aussitôt en l'entendant. Il était encore à contempler la rivière devant lui. Mais le regard qu'il lança à la chatte rousse était... c'était comme un mélange de honte et d'excuses. Souffle de Pollen ne comprit pas tout de suite.
Elle haussa les sourcils, le regard interrogateur... elle ne savait pas encore. Jusqu'à ce que Museau Aplati commence à sangloter et lui demande de s'approcher. Le cœur battant, la rouquine obéit. Les pattes s'enfonçant dans le sol humide à chaque pas, elle rejoignit le mâle en quelques minutes. La femelle sentait la mauvaise nouvelle arriver, vite... très vite.
« Museau Aplati ! s'exclama-t-elle. Qu'est-ce qu'il y a ?! »
Le matou gris releva la tête, ses doux yeux verts remplis de larmes.
« Souffle de Pollen... chuchota-t-il. Je suis un véritable monstre. Un menteur. »
La chatte rousse se frotta à lui sans comprendre. Elle voulait le réconforter, mais ne connaissait même pas son problème.
« Ne dit pas de bêtises. Tu...
- Non ! cracha le mâle en lui donnant un coup violent, la forçant à s'éloigner de lui. »
En voyant la brutalité de son geste, le mâle pleura de plus belle.
« Tu vois ? Tu vois à quel point je suis horrible ?! Souffle de Pollen, je dois te le dire mais... c'est affreux ! »
La chatte ne savait pas quoi dire. Elle se sentait trahie par la violence de Museau Aplati. Les larmes lui vinrent bien vite.
« Mais... dit-elle d'une voix aussi faible que tremblante. Museau Aplati... »
Le chat cendré cacha son visage humide de larmes. Souffle de Pollen remarqua alors qu'il était couvert de blessures à la patte gauche.
« Souffle de Pollen... murmura-t-il. Je t'ai menti. »
TINTINTIIIIIIIIIIIIIIIN...
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