Chapitre XXXV

Nous étions dimanche soir et je redoutai déjà la reprise des cours le lendemain. Josh et moi, avions passé toute la journée ensemble, dans un très joli parc, en dehors de Boston, mais malgré cela, une certaine inquiétude s'était formée au creux de mon ventre et ne m'avait pas lâché depuis. Charlotte nous avait rejoint dans l'après-midi, nous racontant aussitôt la réaction du père de mon petit-ami lorsqu'il l'avait vu rentrer seule, la veille. Elle avait alors menti à son oncle, lui expliquant que Joshua avait dragué une petite fille de riche et avait passé la nuit avec. Je déglutis en entendant son récit, dégoûtée par le comportement de cet homme que je ne connaissais pas. Il préférait donc que son fils soit un coureur de jupons, prétentieux et hautain, plutôt que le garçon qu'il était réellement. Je me demandais alors si mon père se poser des questions me concernant. Était-il inquiet pour moi ? Serait-il fier de sa fille, s'il la voyait ? S'en voulait-il d'être parti comme un voleur ?
Je secouai nerveusement la tête, souhaitant effacer rapidement toutes ses stupides idées de mon esprit. Cela faisait bientôt 6 ans qu'il n'avait pris aucune nouvelles de nous et il n'en avait sûrement rien à faire.

-Tu penses à quoi, ma beauté ? Me demanda soudain Josh, en me tendant un sandwich au jambon.

-À rien d'important ! Mentis-je, détournant mes yeux de lui.

Il me fixa un instant, puis proposa une boisson à sa cousine qui accepta volontiers.

-Quand repars-tu ? Questionnai-je Charlotte, tout en mordant dans mon sandwich.

-Tu es si pressée d'avoir, à nouveau, Joshua pour toi toute seule ? Lâcha-t'elle alors, un sourire en coin.

J'écarquillai les yeux et faillis presque m'étouffer avec ma bouchée. Ce n'était pas du tout ce que je pensais, au contraire, j'appréciais beaucoup cette fille et vu le peu d'amis que j'avais, je n'étais pas contre le fait qu'elle reste plus longtemps.

-Je rigole, Kate ! Tu as vu ta tête !?

Elle éclata de rire et je la suivis de bon cœur. J'étais parfois trop naïve, comme Rachel ne cessait de me le répéter.

-Charlotte repart demain matin, elle prend l'avion à 9h30 ! Répondit Joshua, avec un petit air triste.

Il tenait beaucoup à sa cousine et je l'avais remarqué dès le premier instant où je les avais vu ensemble. Ce lien fort que j'avais perçu , était similaire à celui d'un frère et d'une soeur, et malgré leurs chamailleries, ils s'aimaient énormément.

-Ne t'inquiètes pas, cousin ! Je reviendrai vous voir très vite !

Elle lui fit un clin d'œil et nous continuâmes à manger, en discutant de sujets divers. Je souhaitai que cette journée ne finisse jamais, car demain, tout serait différent.
Il ne fallait pas que son père apprenne notre relation, en tout cas, pas pour l'instant, sinon il n'hésiterait pas à renvoyer son fils en France et cela je ne pouvais, tout simplement pas l'envisager. Je ne voulais pas le perdre, cette pensée m'était insupportable. Nous devions donc nous éloigner l'un de l'autre, du moins au lycée, le temps que les choses se calment. Je priai secrètement pour que cette situation ne dure pas, espérant que Joshua parlerait le plus tôt possible à son père, mais je ne le sentais pas prêt à l'affronter, pas avant un long moment.
Joshua me ramena chez moi dans la soirée. Je pris alors Charlotte dans les bras pour la remercier de tout ce qu'elle avait fait et pour m'excuser, une fois de plus, de mon comportement puéril. Elle m'étreignit à son tour et me demanda, à voix basse, de prendre soin de son cousin, car il avait déjà bien trop souffert. Cet aveu me coupa le souffle et je sentis poindre une vague de larmes que je retins, tant bien que mal.

-On se voit demain, bébé !

Joshua m'embrassa tendrement, puis nos lèvres se détachèrent, trop vite à mon goût. Il passa doucement ses doigts sur ma lèvre inférieure et me caressa délicatement la joue tout en plongeant ses beaux yeux azur dans les miens.

-Je t'aime, ma beauté ! Dit-il, du bout des lèvres.

Un frisson perceptible remonta le long de mon dos et je l'embrassai une dernière fois.

-Je t'aime ! Chuchotai-je, en déposant un petit baiser au coin de sa bouche.

Il sourit et remonta en voiture. Je rentrai alors, laissant une partie de moi s'en aller avec lui.

-Coucou ma chérie, tu as passé une bonne journée ? Me demanda aussitôt ma mère, lorsque j'entrai dans la cuisine.

J'acquiesçai, me sentant soudain très fatiguée. Il fallait que j'explique à ma mère ma réaction de la veille et surtout la scène, dont elle avait été témoin, dans notre salon.

-Je suis désolée pour hier, Maman ! Tu as dû me prendre pour une folle !

-Pas du tout, ma chérie ! J'ai eu l'impression de me voir, il y a 10 ans, quand ton père avait ramené une de ses pétasses chez nous !

Je me souvenais vaguement de cette histoire. Je devais avoir 6 ans à peu près, mon père était rentré un soir, d'une de ses beuveries quotidiennes, avec une gamine qui ne devait pas avoir plus de 19 ans. Entendant des cris provenir du rez-de-chaussée, je m'étais précipitée, pensant que mon père s'en prenait, une fois de plus, à ma mère. C'était en fait tout le contraire, Maman était dans une rage folle, hurlant sur son mari et maudissant cette jeune fille qui était bien trop bourrée pour comprendre quoi que ce soit. Je me rappelais son regard lorsqu'elle m'avait vu, en larmes, dans les escaliers et m'avait demandé gentiment de remonter dans ma chambre. J'étais restée immobile un instant, puis étais retournée dans mon lit, fermant les yeux très fort et me bouchant les oreilles pour ne plus entendre tout ce vacarme.

-Josh n'est pas comme ça ! Dis-je soudain, par peur qu'elle ne l'assimile à cet homme que j'avais détesté toute ma vie, faute de ne pouvoir être aimé de lui.

-Je sais, je sais ! J'ai vite compris qu'il t'aimait d'un amour sincère et qu'il n'était pas du tout du même acabit que Paul !

-J'ai cru...que Charlotte et lui étaient...ensemble ! Avouai-je alors, honteuse.

Elle me sourit, comprenant mieux mon esclandre et la claque que j'avais mise à mon petit-ami. Je ne m'étais même pas excusé pour cela et il ne m'en avait pas non plus parlé. Il serait mieux que je lui envoi un message pour lui dire que j'étais désolée.

-Je ne te savais pas aussi jalouse et colérique ! S'exclama ma mère, un petit sourire mutin au coin des lèvres.

-Moi non plus !

Nous éclatâmes de rire, puis, reprenant nos esprits, je l'aidai à préparer le repas.
J'aimais nos moments entre filles, où nous pouvions parler de tout, comme de véritables amies. Ma mère avait, durant mon enfance, incarné différents rôles. Tantôt celui du père, autoritaire mais toujours juste, tantôt celui de l'amie, à l'écoute et complice et, malgré les coups durs, elle n'avait jamais failli à son devoir, je lui en étais redevable et c'est ce qui avait renforcé le lien unique que nous avions déjà.

-Steven, à table ! Appela ma mère, pour la seconde fois.

J'espérai qu'il ne vienne pas, pour qu'elle aille le chercher et qu'il se fasse engueuler.
Quelques minutes plus tard, un troupeau de mammouths descendait l'escalier, sous l'apparence de mon petit frère.

-Alors, ça va avec ton mec ? Me demanda soudain Steven, tout en enfournant un morceau de viande aussi large que sa bouche.

-Ça te regarde ? Je ne crois pas, non ! Alors manges et tais-toi ! Pestai-je, énervée par sa question.

-Oh c'est bon, je voulais juste savoir ! Pas besoin de réagir comme ça, pauvre fille !

Ma mère nous stoppa aussitôt, sentant que le repas allait finir en combat rapproché. Nous nous excusâmes l'un et l'autre, puis finîmes de manger en silence, nous jetant des regards incendiaires lorsque Maman ne nous regardait pas.
Après le repas, j'embrassai tout le monde et montai dans ma chambre. J'avais hâte de parler avec Joshua, qui, malgré notre après-midi et le temps passé ensemble, me manquait énormément. Depuis qu'il m'avait déposé devant chez moi, je ressentais comme un vide immense et je n'avais jamais perçu cette douloureuse sensation de ma vie, même lorsque mon père nous avait lâchement abandonné.
Je lui envoyais alors un texto pour être sûre que je puisse l'appeler. Il me répondit positivement dans la minute qui suivit.

-Coucou bébé, ça va ? Demandai-je, heureuse de l'entendre.

-Ça va, maintenant que je te parle, et toi ma beauté ?

-Tu m'as manqué ! Avouai-je, les joues en feu.

Malgré le fait qu'il ne puisse pas me voir, je rougissais comme une tomate, moi-même étonnée de lui avouer le manque que je ressentais depuis son départ.

-Tu me manques aussi, à chaque instant où je ne suis pas avec toi ! Dit-il, le plus simplement du monde.

Mes pommettes virèrent au rouge écarlate, et je souriais bêtement, trop émue de l'entendre dire cela.
Il fallait que j'aborde un sujet qui ne me tenait pas particulièrement à cœur, mais je n'avais pas le choix. Il fallait que je sache comment se passerait la semaine au lycée, pour nous deux. Quel comportement devions nous adopter ?

-Josh ! Pour demain, comment on fait ? Demandai-je, la bouche sèche.

Il ne parla plus durant quelques secondes, semblant décrypter ma question, puis toussota, visiblement gêné par la tournure de notre conversation.

-Je ne veux...pas que tu penses...que je ne t'aime pas ! Je...c'est compliqué...mais nous devrions redevenir amis, au lycée uniquement !

Cette phrase avait été comme un coup de poignard en pleine poitrine. Même si je savais l'amour qu'il avait pour moi, devoir faire semblant de ne plus l'aimer et d'être amie avec lui seraient une véritable torture. Mais je n'avais pas vraiment le choix, c'était ça ou je le perdais complètement.

Ok ! Réussis-je à dire, très difficilement.

-Je t'aime vraiment Kate ! Je n'ai jamais ressenti autant d'amour pour qui que ce soit, pas même pour mes parents, où il y a très longtemps alors !

Je restai complètement abasourdie par cette révélation. S'il avait été devant moi, je lui aurais sauté dessus et ne l'aurais pas lâché avant le lendemain matin.

-Je t'aime aussi mon amour ! Répondis-je, encore sous le choc de ses paroles.

-Et pour Rachel, Shelby et Calvin ? Demandai-je soudain, un peu paniquée à l'idée de devoir leur expliquer toute cette histoire.

-J'ai confiance en Rachel, c'est ta meilleure amie, tu peux lui dire, en espérant qu'elle ne fasse pas de gaffes ! Mais depuis l'histoire avec Adam, je n'ai plus du tout confiance en Calvin, j'ai l'impression qu'il était, plus ou moins, impliqué ! M'expliqua Joshua, toujours un peu énervé lorsqu'il prononçait le nom du meilleur ami de Calvin.

-Donc, on ne dit rien a Shelby et Calvin pour éviter qu'ils ne le répètent ! Et j'expliquerai demain à Rachel ! Je peux te poser une question ?

-Bien sûr, ma beauté ! Dit-il, d'une voix suave.

-Es-tu sûr que quelqu'un te surveille et sais-tu qui c'est ?

-Oui, j'en suis sûr ! Ma mère me l'a confirmé mais elle ne sait pas qui c'est non plus, sûrement un des professeurs ou un des surveillants ! Mon père est l'un des principaux mécènes de ce lycée, tout le monde est à ses pieds ! Lâcha-t'il, dégoûté.

Son père était donc puissant et influent. Il ferait tout ce qu'il était possible pour que son fils suive, uniquement, le chemin qu'il lui a tracé. Cette idée me fit frissonner et je pensai aussitôt que notre relation ne pourrait jamais fonctionner dans cette situation.

-Et ta mère ne peut pas l'empêcher de faire ça ? Demandai-je, espérant trouver un soutien de taille en sa maman.

-Elle n'ira jamais à l'encontre des décisions de mon père ! Elle n'a jamais réussi à se rebeller, malgré tout ce qu'il s'est passé, même lui tenir tête, elle n'y arrive pas ! Maugréa-t'il, vraisemblablement en colère contre elle.

Sa tension était tellement palpable que je préférai changer rapidement de sujet.
Nous discutâmes durant un long moment, puis sentant la fatigue m'envahir, je lui souhaitai une douce nuit et nous raccrochâmes. Lorsque je regardai enfin l'heure, il était quasiment 1h00 du matin. Le réveil serait difficile demain. Je me couchai alors, repensant à toute cette conversation, à nous, à la réaction de nos amis et je m'endormis profondément, la tête pleine de questions sans réponse.

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