Chapitre XLVII
J'ouvrais la porte d'entrée, essayant, tant bien que mal, de contenir l'agacement qui m'étreignait. Comment avait-elle pu accepter cela sans m'en parler au préalable ?
Je me sentais prise au piège et lâchement abandonnée par ma propre mère. Peut-être pensait-elle me faire plaisir en acceptant que je passe une partie des vacances avec mon petit-ami et ses parents ?
Il était vrai que dans d'autres circonstances, j'aurais été plus que ravie de profiter d'une semaine entière avec Joshua, mais m'imaginer rester dans la même maison que son père pendant sept longs jours à supporter ses regards douteux et ses phrases à double sens était au dessus de mes forces.
-Maman ! Criai-je, après avoir passé la porte.
-Oui, ma puce !
La voix provenait de la cuisine, elle devait être en train de préparer à manger. Je déposai donc mes affaires au coin de l'escalier et la rejoignit aussitôt.
Elle s'approcha de moi pour me faire un bisou, puis se ravisa rapidement et me scruta, comprenant qu'il y avait un problème.
-Ça va ma chérie, il y a un souci ? Demanda-t'elle sans se douter qu'elle était la principale responsable de mon énervement.
-Comment as-tu pu accepter que je parte en vacances avec la famille Legrand sans même m'en parler !
Je croisai les bras, attendant qu'elle m'explique comment monsieur Legrand avait pu réussir à la convaincre si facilement.
Elle me fixa quelques secondes, abasourdie, puis ouvrit le frigo et me remplit un grand verre de lait.
-Je ne comprends pas trop ce que tu me reproches ! Tu ne cesses de te plaindre du peu de temps que tu passes avec ton petit-ami, son père vient chez nous et me propose de t'emmener une semaine complète à Aspen, dans un chalet et j'aurais dû dire non ?
Je baissais la tête, un peu honteuse. Une fois de plus, elle n'avait pensé qu'à moi et mon plaisir et je lui reprochais cela comme s'il s'agissait de la pire des trahisons. Elle n'était absolument pas responsable des manigances de monsieur Legrand et je ne pouvais décemment pas lui en parler, par peur de ne plus jamais voir Joshua.
-Excuse-moi Maman, je suis stupide parfois ! Avouai-je tout en me réfugiant dans ses bras.
-Je n'aurais pas dit mieux, ma puce ! Dit-elle, amusée.
Nous restâmes quelques minutes ainsi, puis elle se retourna vers le plan de travail et me proposa du pain perdu, j'acquiesçai et m'assis sur un des tabourets.
-Maman, je peux te poser une question ?
-Oui, qu'y-a-t'il ? Me questionna-t'elle sans cesser de couper des tranches de brioche.
Mon ventre gargouillait de plus en plus, savourant la bonne odeur du beurre frémissant dans la poêle.
-Comment monsieur Legrand t'a-t'il convaincu ? Demandai-je, soudainement mal à l'aise.
Elle tourna la tête vers moi, un peu décontenancée puis, après avoir trempé les tranches, elle les mît dans la poêle chaude.
-Tu sais ma chérie, il n'a pas eu besoin de dire ou de faire grand chose, il m'a simplement proposé cela et j'ai pensé que si je t'autorisais à partir, tu serais très heureuse et que, de toute façon, tu serais complètement en sécurité, comme me l'a confirmé le père de Joshua !
Je ne savais absolument pas quoi lui répondre, je ne pouvais pas lui expliquer que le potentiel danger pour moi, c'était cet homme qui me faisait froid dans le dos.
-Et...qu'as-tu pensé de lui ? Osai-je demander, la gorge serrée et les mains moites.
Semblant réfléchir à ma question, ma mère prit une assiette dans le vaisselier et me servit deux appétissants morceaux de brioches dorées sentant bon le sucre vanillé. Je la remerciai chaleureusement. La faim me tenaillant, je pris aussitôt une bouchée.
-Je t'avoue, ma puce, je ne sais pas trop quoi te dire ! Lâcha-t'elle avec désinvolture, tout en prenant, elle aussi, une assiette de pain perdu.
-Lorsqu'il est arrivé, j'ai aussitôt pensé à ce que tu m'avais dit sur lui, un homme autoritaire et imbu de lui-même ! Puis il s'est présenté avec simplicité, m'a dit tout le bien qu'il pensait de toi et ce que tu apportais à son fils qui, apparemment, était en perdition totale avant de te connaître et je l'ai peut-être vu sous un autre angle, comme un homme blessé et inquiet pour sa famille !
Ses mots résonnaient dans ma tête comme une douloureuse litanie. Ma mère était-elle réellement en train de défendre cet étranger dont le comportement était plus que répréhensible et en qui je n'avais aucune confiance ?
Je restai un instant silencieuse, incrédule, fixant mon morceau de brioche qui, étrangement, ne me faisait plus très envie. Il m'était impossible de lui expliquer clairement ce qui me rebutait chez lui, cela risquait de m'éloigner de Joshua et il n'en était pas question. Il avait donc réussi à mettre ma mère dans sa poche avec une consternante facilité et cela m'angoissait encore plus.
-Tu es sûre que ça va ma puce ? Il y a un problème avec monsieur Legrand ? M'interrogea-t'elle, visiblement inquiète.
Sa voix me sortit immédiatement de mes pensées et je fis non de la tête tout en lui souriant tant bien que mal, pour la rassurer un peu.
-Je suis juste fatiguée Maman, la journée a été longue !
-Et bien, ces vacances à la montagne te feront le plus grand bien ! Ajouta-t'elle, tout en saisissant nos deux assiettes pour les mettre dans le lave-vaisselle.
Je la remerciai une fois de plus pour le goûter, lui déposai un petit baiser sur la joue et montai dans ma chambre, redoutant énormément cette semaine de vacances qui approchait à grand pas.
Je m'affalai sur mon lit, encore toute retournée par la conversation surréaliste que j'avais eu avec ma mère et décidai d'envoyer un message à mon chéri pour me changer les idées.
Mon portable étant en silencieux depuis la fin des cours, je n'avais pas remarqué que j'avais reçu plusieurs messages de Joshua ainsi qu'un message d'un numéro qui ne m'était plus si inconnu.
"Je suis ravi de savoir que vous serez notre délicieuse invitée durant toute une semaine, je m'en réjouis d'avance. LP"
Mon sang se glaça aussitôt et je ne pus retenir mes larmes plus longtemps. Cette journée était devenue cauchemardesque en l'espace de quelques heures et, exténuée, je m'endormis rapidement.
Je fus réveillée en sursaut par la sonnerie de mon téléphone. Je répondis alors, la bouche pâteuse et les yeux gonflés d'avoir trop pleuré.
-Allo ?! Ca va princesse ? Ça fait des heures que j'essaie de te joindre, je m'inquiétais ! Que se passe-t-il ?
Joshua semblait complètement paniqué et je regardais le réveil, pensant n'avoir dormi qu'une heure ou deux. Il était plus de deux heures du matin et je n'avais même pas dîné.
-Je suis terriblement désolée mon coeur, j'ai voulu m'allonger quelques minutes et j'ai dû m'assoupir ! J'étais complètement fatiguée en rentrant, je ne voulais pas que tu t'inquiètes ! M'excusai-je, à peine réveillée.
Je n'aimais pas lui mentir mais je n'allais tout de même pas lui avouer que la perspective de passer une semaine entière avec sa famille me donnait clairement la nausée. J'adorais sa mère et je l'aimais plus que tout, la seule ombre au tableau était son père mais je ne pouvais absolument rien contre lui et je devais subir son harcèlement en silence. Si cela venait à se savoir, je détruirais une famille et mon couple , il en était hors de question.
-Ce n'est pas grave ma beauté, mais ne me refais plus ce genre de frayeur ! Je croyais qu'il était arrivé quelque chose de grave ! Lâcha-t'il, gêné.
Son inquiétude était touchante et je n'avais qu'une envie, l'embrasser tendrement et lui faire un énorme câlin pour qu'il me pardonne.
-Je vais te laisser faire dodo maintenant, Princesse ! Je voulais juste être sur que tu allais bien, repose-toi et sache que je t'aime à la folie ! Conclut-il, avec douceur.
-Bonne nuit mon amour et encore pardon de t'avoir fait peur ! Je t'aime passionnément Joshua Legrand ! Soufflai-je, telle une incantation.
Après avoir raccroché, je décidai de descendre boire un verre d'eau et grignoter quelque chose.
Je me dirigeai dans la cuisine, ouvrit le frigo et trouvai une part de cake qui n'attendait que moi. Je déposai l'assiette sur le plan de travail et dégustai ce délicieux met préparé par ma mère, quand je vis par la fenêtre un pick Up bordeaux, en mauvais état, garé juste devant notre allée. Il était rare que quelqu'un stationne à cet endroit, même nos voisins ne faisaient pas cela et ce véhicule n'appartenait pas aux gens du quartier, j'en étais certaine. Soudain, une ombre bougea côté conducteur et je compris immédiatement qu'un inconnu jouait les voyeurs. Je m'approchai discrètement de la fenêtre, voulant satisfaire ma curiosité et essayer de savoir de qui il s'agissait. Vu la carrure, il me semblait que c'était un homme, il portait une casquette et sa tête était tournée dans ma direction, je fis un léger mouvement espérant voir l'intégralité de son visage grâce au lampadaire de la rue. L'homme me vit aussitôt et démarra en trombe sans que je ne puisse réagir.
Je restai quelque secondes immobile, apeurée et en proie à un millier de questions, est-ce que je devais prévenir ma mère ? Était-ce juste un rôdeur, un pervers ou bien un voleur qui surveillait les maisons du voisinage ?
Je décidai de taire cette histoire, n'ayant aucune certitude et ne voulant pas inquiéter ma famille pour un fait peut-être totalement anodin. Je remontai me coucher, essayant de me convaincre que tout ceci n'était qu'un affreux cauchemar et que demain tout irait mieux.
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