Lorsque je rentrai chez moi ce soir-là, j'étais épuisée physiquement et moralement. Ma mère m'accueillit avec un grand sourire, emplit de gentillesse et d'amour et j'éclatai en sanglots dans ses bras, ne pouvant retenir, plus longtemps, mes larmes.

-Bah alors, ma chérie ! Ça s'est mal passé avec Joshua ? Demanda-t'elle, réellement inquiète.

-Tout se...passait à merveille ! Avant que son père...n'arrive ! Bafouillai-je, entre deux soubresauts.

-Oh...je suis désolée pour vous, ma puce ! Il ne t'a rien dit de mal ou de désobligeant, j'espère ?

Je secouai la tête pour dire non et replongeai mon visage dans son cou. Son odeur et ses câlins m'apaisaient toujours.

-Viens, ma chérie ! Tu vas tout m'expliquer pendant le repas !

Nous nous installâmes à table, Steven descendit prendre un plateau repas et remonta aussitôt, ne voulant pas écouter nos histoires de filles comme il disait. Ma mère le laissa faire, ce qui était vraiment exceptionnel et je lui racontai alors la rencontre avec Philippe Legrand, sans mentionner pour autant, sa façon de me regarder ainsi que ses insinuations douteuses. Je ne connaissais que trop ma mère et savais très bien ce qu'elle serait capable de faire si elle apprenait qu'un homme de cet âge m'avait, plus ou moins, dragué. Je touchai à peine à mon assiette et décidai de monter me coucher. Ma mère m'embrassa et me pris longuement dans ses bras pour me réconforter, ce qui me fit beaucoup de bien.
Après une douche relaxante, j'enfilai un shorty et un débardeur blanc et me faufilai sous la couette avec mon portable. Je n'avais pas eu de nouvelles de Joshua depuis le pub et cela m'inquiétait beaucoup. J'avais besoin de lui parler et de savoir ce que son père lui avait dit après leur départ. J'allai composer son numéro lorsque mon téléphone sonna. Je ne pus m'empêcher de sourire en voyant son nom s'afficher et je décrochai aussitôt.

-Coucou Princesse, comment vas tu ?

Le son de sa voix me fit immédiatement oublier ses dernières heures et je ressentis enfin cette sensation de bien-être et de sécurité que lui seul pouvait me procurer. Je souriais béatement comme si les semaines qui venaient de s'écouler n'avaient pas été une suite de problèmes et d'emmerdements perpétuels.

-Ça va mieux maintenant ! Et toi ? Lui demandai-je, inquiète de la sanction que son père avait pu choisir.

-Tout aussi bien, surtout depuis que je sors avec la plus jolie fille de Boston !

Je rougis instantanément en entendant ses mots.

-Et...avec ton père ?

J'osai aborder le sujet par peur que lui ne le fasse pas. Il toussota un peu, puis je l'entendis soupirer.

-Ne t'inquiètes pas, je ne vais pas partir loin de toi ! Et...tu es conviée samedi prochain à un dîner en notre compagnie ! Lâcha-t'il, de la façon la plus naturelle du monde.

Je restai complètement silencieuse, essayant d'assimiler ce qu'il venait de m'annoncer. Ses parents m'avaient réellement invité chez eux ? Après un long moment, je lui demandai de me répéter sa phrase pour être sûre d'avoir bien compris.

-Oui, Princesse ! Mon père m'a demandé de t'en parler juste avant de sortir de ma chambre, je suis tout aussi choqué que toi, ce n'est vraiment pas son style de faire ça ! Il semble vouloir te connaître mieux !

Je frissonnai aussitôt. Philippe Legrand voulait apprendre à me connaître ? Pour quelles raisons ? Cet homme ne m'inspirait pas confiance mais je ne pouvais pas en parler à Joshua, c'était son père malgré tout. Je sentais encore ses yeux bleus, similaires à ceux de mon petit-ami, sur moi, me détaillant scrupuleusement. Je me faisais sûrement des films, un homme de son âge, marié qui plus est et père de famille, ne pouvait décemment pas vouloir me séduire. Il fallait que j'éloigne cette pensée de ma tête et que j'accepte cette invitation.

-Mais...mais ils savent que l'on est ensemble ? Le questionnai-je, incrédule.

-Oui, plus ou moins ! J'ai dit à mon père que tu étais très importante pour moi et que je ne voulais pas te perdre ! Il a très bien compris, contrairement à d'habitude et, je dois t'avouer que je suis content qu'il fasse des efforts pour moi !

A ses mots, mon cœur se serra et des milliers de papillons s'envolèrent au creux de mon ventre. Cette déclaration faite devant son père, son mentor, était une preuve inéluctable de son amour pour moi. J'acceptai immédiatement sa proposition pour le repas et il me remercia, ravi de ma décision.

-Il a l'air de savoir beaucoup de choses sur moi ! Osai-je dire, après quelques secondes.

-C'est habituel, ne t'inquiètes pas pour ça ! Il fait des enquêtes sur tous les gens susceptibles de fréquenter, de près ou de loin, quelqu'un de sa famille !

-Ah ok ! Je ne suis pas la seule, ça me rassure !

Nous parlâmes durant quelques minutes, jusqu'à ce que la fatigue me submerge. Je lui souhaitai une douce nuit en lui rappelant combien je l'aimais et nous raccrochâmes après deux heures de communication. Mes yeux ne tardèrent pas à se fermer et je sombrai dans un sommeil profond et réparateur.
Le lendemain, je garai ma voiture sur le parking, comme d'habitude, lorsque je fus accueillie par une hystérique qui semblait tout droit sortie d'un asile, en ce début de matinée.

-Coucou Katie, ça va ?

Rachel était de très bonne humeur et je savais qu'un certain jeune homme était responsable de sa soudaine euphorie.

-Ça va très bien ! Je ne te pose pas la question, ça se lit sur ton visage ! Pouffai-je, tout en passant mon bras sous le sien.

Nous marchâmes jusqu'aux portes du lycée, lorsque je vis Joshua s'avancer vers moi, beau comme un dieu, ce qui ne changeait guère, mais avec une expression différente sur le visage et un petit air malicieux que je ne connaissais que trop. Il préparait quelque chose, c'était sur, mais je ne savais aucunement de quoi il s'agissait.
Nous entrâmes toutes les deux dans le hall, ne pouvant rester plus longtemps dehors, à cause du froid qui nous tenaillait, je me retournai donc pour lui dire bonjour et juste à ce moment-là, il m'attrapa par la taille et m'embrassa langoureusement sans même se préoccuper des sifflements et des cris des élèves alentours. Je m'accrochai à lui comme à une bouée de sauvetage et sentis mes jambes flageoler, parcourues par une multitude de frissons intenses. Il libéra ma bouche au bout d'une minute, mais me tint fermement contre lui, de peur que je ne m'écroule. L'effet de surprise passé, je le fixai longtemps, ne comprenant pas ce qu'il lui prenait tout à coup. Nous avions décidé de ne plus nous afficher ensemble de peur que son père ne l'apprenne et l'envoie je ne sais où. Puis je repensai soudain aux événements de la veille et lui sautai au cou, folle de joie.

-Et oui, Princesse ! Mes parents sont au courant maintenant et je n'ai plus à me cacher ! Me chuchota-t'il alors, comme s'il savait exactement ce que je pensais.

Nous nous embrassâmes une fois de plus, au vu et au su de tout le monde, sans la moindre gêne, enfin presque.

-Vous voulez une chambre ? Demanda Rachel, se retenant de rire.

-Non, madame Sainte-nitouche préfère les maisons de vacances ! N'est-ce pas, Kate ? M'assena Lindsay, qui venait tout juste d'arriver pour assister au spectacle.

Je lâchai la bouche de Joshua, à contre cœur, et lui sourit exagérément, sachant très bien qu'elle faisait référence à Liam et à ce qu'il m'avait fait, mais j'avais décidé de ne plus la laisser gagner et me détruire comme elle avait réussi à faire ces dernières années. Une nouvelle Kate était apparue, plus forte, plus combattive et surtout plus amoureuse que jamais.

-Tiens, c'est vrai ça bébé ! Je ne t'ai même pas demandé si tu avais une maison de vacances ! Questionnai-je Josh, qui me fixait, un peu déboussolé.

-Oui, oui...mes parents en ont deux, une dans les Hamptons et une à Miami !

-Humm, c'est bon à savoir ! merci, Lindsay ! Répondis-je, tout en restant ancrée à ses bras musclés.

Elle me fusilla littéralement du regard puis fit demi-tour, sans même tenter une répartie. J'étais fière de moi mais, au fond, je savais que je venais de gagner une petite bataille, mais sûrement pas la guerre.

-Bien joué, ma beauté !

La journée se passa divinement bien. J'étais de nouveau la petite-amie officielle de Joshua Legrand, au grand dam de pas mal de filles qui craquaient complètement sur lui et d'une bande de vipères qui n'avaient pas vu le coup se faire et qui restait, pour l'instant, dans l'ombre. Shelby et Calvin pensèrent immédiatement que l'on s'était réconcilié, ce qui était très bien car je ne me sentais pas de leur expliquer qu'on avait menti.
Sans que je ne m'en rende compte, nous étions déjà vendredi, la semaine avait filé à une vitesse folle et je ne me sentais pas encore prête à affronter les parents de mon chéri.
Ce soir, c'était notre soirée cinéma à Rachel et moi, j'en profitai pour penser à autre chose et me focaliser sur cette sortie entre filles. Une fois de plus, Ma meilleure amie était en retard, ce qui ne m'étonnait guère. Je l'attendais donc devant le Régal cinéma Fenway, complètement frigorifiée, malgré ma grosse parka bordeaux que j'avais ressorti des placards pour l'occasion.

-Ne restes pas dehors, tu vas attraper froid !

Je reconnus immédiatement cette voix et je paniquai instantanément. Je me tournai alors, voulant être sûre que ce n'était pas d'une blague ou une hallucination auditive. Adam était devant moi, habillé tout en noir, avec un bonnet gris sur la tête et une veste en cuir qui semblait être une seconde peau, définissant parfaitement ses membres et ses muscles. Je déglutis difficilement, en proie à une vive inquiétude. Était-ce Lindsay qui l'avait envoyé ? Allait-il gâcher ma soirée ou était-il là par hasard ? Sa déclaration d'amour me revenait alors de plein fouet et je ne savais toujours pas s'il avait été sincère ou non, mais j'avais beaucoup de mal à le croire, après tout ce qu'il m'avait fait endurer.

-Non, je ne te suis pas, Kate ! Je suis venu voir un film avec un ami, comme tous les gens qui sont là ! Dit-il, vraisemblablement excédé.

Il semblait lire dans mes pensées et cela raviva mon affolement.

-Ok, pas de soucis ! Tu fais ce que tu veux ! Je bafouillai, complètement ridicule et fit volte-face pour attendre ma meilleure amie.

-J'ai...j'ai appris pour Josh et toi, je te demande juste de te méfier de lui ! Lâcha-t'il, d'une toute petite voix.

Je sentis le rouge me monter aux joues et ne pus m'empêcher de lui hurler dessus. Pour qui se prenait-il ? Il m'avait menacé, menti et avait tenté de briser mon couple avec l'aide de ma pire ennemie et il se permettait, en plus de cela, de me faire la morale et de me donner des conseils.

-Tu es qui pour me dire ce que je dois faire ou non ? Après tout ce que tu m'as fait, tu ne devrais même pas m'adresser la parole ! Criai-je, sans même me soucier des personnes qui me fixaient, complètement ébahies.

-Oh, calme-toi ! Je voulais juste te prévenir que...et puis merde ! Va te faire foutre !

Il tourna les talons et partit, sans même me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit. Je restai là, confuse et perplexe et je ne pus m'empêcher de ressasser ses dernières paroles. De quoi devrais-je me méfier ? Voulait-il me piéger encore une fois ?
J'étais encore toute retournée lorsque Rachel me sauta dessus, ravie de la peur qu'elle m'avait faite.

-Bah alors, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu as vu un fantôme ou quoi ?

-C'est...Adam ! Il était là, il m'a parlé de Joshua et moi, qu'il fallait que je me méfie de lui ! Enfin, rien d'important, laisse tomber ! Expliquai-je, à la vitesse de la lumière.

Il fallait que tout ce flot de pensées sorte pour que je ne cogite plus. Rachel commença à me poser des questions mais je la stoppais, ne voulant pas en dire davantage. Je voulais profiter de notre soirée et c'est tout ce qui comptait. Nous nous installâmes donc dans la salle, je cherchai un instant Adam du regard, inquiète qu'il puisse être près de moi, dans le noir durant près de deux heures. Nous n'étions pas beaucoup et je remarquai aussitôt qu'il n'était pas là, il avait dû partir définitivement et cela me rassura.
Je rentrai chez moi, après notre séance, qui s'était avérée très sympa et décidai de monter me coucher sans attendre.
Après m'être mise au lit, j'appelai Josh qui me répondit très rapidement.
Je préférai taire l'incident avec Adam et lui demandai ce que je devais porter demain soir, soudainement terrorisée à l'idée de ne pas être à la hauteur face à sa famille.

-Mets ce que tu veux, Princesse ! Même avec un drap, tu es divine !

Je rougis fortement, me remémorant certains de nos moments intimes qui me manquaient terriblement.

-Sérieusement, bébé ! Que dois-je mettre ? Le réprimandai-je, touchée par son compliment.

-Quelque chose de beau et de simple, comme toi, ça suffira ! Tu n'as pas besoin d'en faire des tonnes pour leur plaire, tu sais ! Tu m'as plu à la minute ou j'ai posé mes yeux sur toi !

-Si tu étais en ce moment-même avec moi, je te sauterais dessus ! Avouai-je, d'une voix sensuelle et féline, pour l'exciter un peu.

-Humm, j'aimerais être avec toi tout de suite, alors !

Rien qu'au son de sa douce voix, je sentis mon bas-ventre me chatouiller et resserrai mes jambes instinctivement.

-Je ne vais malheureusement pas pouvoir te satisfaire ce soir, ma beauté mais sache que demain, tu seras toute à moi ! Continua-t'il, accentuant le désir qui montait en moi.

Nous parlâmes encore quelques instants, puis je raccrochai avec tristesse.

La journée de samedi passa si rapidement qu'il était déjà 18h00 lorsque je partis me préparer. Je devais être chez eux pour 19h30 et paniquai aussitôt, pensant ne pas avoir assez de temps. Je pris ma douche à une allure de dingue, me shampouinant et me rasant en même temps ce qui s'avéra  être un exercice assez dangereux, puis je sortis aussi vite, courant jusqu'à ma chambre pour m'habiller. J'avais opté pour une petite robe imprimée avec de fines bretelles et une jolie ceinture noire, elle était simple, élégante et sobre, tout ce que j'aimais et se mariait parfaitement avec mes petites ballerines noires. Ce n'était pas vraiment une tenue adéquate pour l'hiver, mais je n'avais pas grand chose à me mettre d'autre, en plus de cela, je savais que Joshua l'adorerait et j'étais impatiente de voir sa réaction. Je me maquillai discrètement, soulignant mes yeux bleus d'un trait d'eye-liner, puis mis un gloss couleur rose pâle qui faisait ressortir mes lèvres et décidai de laisser mes cheveux détachés. Je ne pouvais décemment pas mettre ma veste en jean, ma mère me prêta donc son joli boléro noir qui m'allait comme un gant. Scotchée devant le miroir, j'avais beaucoup de mal à me reconnaître et me trouvais, pour la première fois, plutôt jolie.

-Tu es superbe, ma chérie ! Me chuchota ma mère, accoudée à la porte.

-Merci, Maman, je t'aime !

Elle avança alors et me serra tendrement dans ses bras, ce qui eu pour effet de me faire oublier, un instant, le stress qui m'envahissait.
Je descendis avec elle, main dans la main et attrapai mon petit sac noir accroché à la rambarde de l'escalier.

-Bonne soirée, Princesse ! Et s'il y a quoi que ce soit, tu m'appelles !

-Promis, Maman ! Je ne rentre pas tard !

Nous nous embrassâmes et je pris enfin la route, impatiente de revoir mon petit-ami mais anxieuse et effrayée par cette invitation officielle.
Au bout d'une vingtaine de minutes, j'arrivai et me garai devant la magnifique villa de la famille Legrand.
Je me demandai soudain comment aller se dérouler la soirée. Notre avenir, notre amour, tout se jouait ce soir et j'avais peur de tout perdre, une fois de plus.