Chapitre XL

Au bout de quelques minutes, bien trop longues à mon goût, Rachel nous rejoignit. Elle semblait sereine, un large sourire aux lèvres et je ne pus m'empêcher de la dévisager, me demandant si ma meilleure amie, l'une des personnes que j'aimais le plus sur cette Terre, était une menteuse et une traitre. Cette pensée m'égratigna un peu plus le coeur. Elle s'assit à côté de moi, comme si de rien n'était, ne cherchant même pas à cacher son apparente exaltation.

-Alors, avec Mme Chambers ? Tout s'est bien passé ? Lui demandai-je soudain, en proie à une énorme colère qui ne cessait de grimper et que j'avais de plus en plus de mal à contenir.

-Euh, oui c'était super ! Bafouilla-t'elle, apparemment mal à l'aise.

Joshua me fixait, attendant que je réagisse, mais je ne savais que dire. Rachel me mentait ouvertement et cela m'était insupportable. Que voulait-elle me cacher ?
Je tournai machinalement les yeux vers l'entrée du self et vis Lindsay et sa clique entrer, telles des top model défilant sur un podium.
Dakota me scruta alors, sans aucune discrétion, puis chuchota quelque chose à l'oreille de sa meilleure amie, qui me fixa aussitôt et éclata de rire de façon théâtrale, attirant tous les regards vers elle, comme à son habitude.
Rachel se retourna aussitôt, se demandant sûrement d'où provenait ce bruit strident, puis, se remit à manger machinalement.

-Pourquoi tu me mens ? Lâchai-je au bout de quelques minutes, choquée par son comportement.

Elle leva les yeux vers moi, complètement abasourdie, puis reposa sa fourchette, sans un mot.

-De...de quoi parles-tu ?

-La prof est en train de déjeuner juste à ta droite et elle était déjà là avant que je n'arrive ! Dis-je, tout en montrant du doigt la grande brune à lunettes qui finissait tout juste son repas.

Elle n'osa même pas regarder dans la direction que je lui indiquais, sachant pertinemment que je disais vrai.

-Ce...ce n'est pas...ce que tu crois, Katie ! Chuchota-t'elle, visiblement très embarrassée.

-Tu étais avec elles, c'est ça ? Elles t'ont offert quoi en échange de ta trahison ? La popularité ? Les mecs ? Nous sommes amies depuis...depuis toujours Rachel ! Comment as-tu pu ?!

Elle me dévisagea alors, semblant ne pas comprendre de quoi je parlais, et surtout, à qui je faisais allusion. Tout à coup, elle mît sa main sur sa bouche, devinant mes sombres pensées.

-Tu penses que je suis devenue amie avec...avec ces pouffes ?! Bredouilla-t'elle, complètement choquée.

Je pouvais voir toute la haine que lui inspirait ces filles et je compris rapidement que j'avais fait fausse route. Elle était l'une des rares personnes en qui j'avais une confiance aveugle et je savais, au fond de moi, qu'il était impossible qu'elle me trahisse de la sorte.

-Je ne sais pas, j'ai eu peur ! Tu n'étais pas là, elles non plus ! Puis, tu m'as menti ! Avouai-je, dans un souffle presque douloureux.

Elle m'observa comme si la personne qui se trouvait en face d'elle était une parfaite étrangère, puis se leva et couru immédiatement vers la porte, sans que je ne puisse la retenir. Après quelques secondes, je la suivis, ne pouvant laisser ma peur et mon manque de tact détruire ce que j'avais de plus cher dans ce bas monde.
Elle se réfugia instinctivement dans les toilettes. Il n'y avait aucun autre endroit dans ce lycée où nous pouvions nous cacher de tout, à part les sanitaires.

-Rachel ! Criai-je, la voyant s'engouffrer dans les WC.

Elle verrouilla la porte et se mît à sangloter le plus silencieusement possible. Je lui laissai quelques minutes, pour qu'elle se reprenne et m'éclaircit la voix, sentant que malgré mes explications, il lui faudrait du temps avant de me pardonner.

-Je suis désolée, Tellement désolée ! Je ne sais pas ce qu'il m'a prit, je suis vraiment stupide ! J'ai pensé tout de suite au pire lorsque j'ai compris que tu ne m'avais pas dit la vérité, cela m'a blessé et j'ai imaginé cette connerie sans même réfléchir une seconde !

Les minutes s'écoulèrent, dans un silence total, et alors que j'allais continuer mon récit, elle prit enfin la parole.

-Comment as-tu pu pensé une seule seconde que je copinerais avec ces filles ?! Jamais ! Jamais ! Jamais, je ne pourrais faire cela ! Tu es ma meilleure amie, Kaitlyn, une soeur, celle que j'ai toujours rêvé d'avoir ! Je...je pensais que tu...que notre amitié était importante pour toi aussi et que...

-Bien sûr qu'elle est importante ! Je n'aurais pas dû douter de toi, pas une seule seconde ! La coupai-je, ne voulant pas qu'elle remette en doute l'amour que je lui portais.

-Je voulais te dire où j'étais tu sais, mais je n'ai pas osé, pas devant les garçons ! Depuis toujours, je te dis tout et ça ne changera pas ! Mais je voulais que l'on soit que toutes les deux pour en parler, c'est pour cela que je n'ai rien dit ! Expliqua-t'elle, toujours assise sur le sol, de l'autre côté de la porte.

Je glissai alors par terre et collai mon dos contre la paroi qui nous séparait.

-J'ai rejoins quelqu'un ! Quelqu'un que j'aime beaucoup malgré tout ce que j'ai voulu faire croire ! Continua-t'elle timidement.

Je compris aussitôt de qui il s'agissait car, malgré son comportement de fille sans cœur, je savais que ce garçon représentait bien plus qu'elle ne voulait l'admettre.

-Et comment va ce cher Jason ? La taquinai-je alors, retrouvant rapidement cette alchimie qui nous liait.

-Comment sais-tu que c'est lui dont je parle ?!

-Je te connais par cœur ! Et depuis le jour où tu as rencontré ce mec, tu en es dingue ! Tu as juste mis du temps à le comprendre, beaucoup de temps ! Dis-je, un sourire en coin.

J'éclatai de rire face au silence plus que gêné de ma meilleure amie, qui ne pensait pas avoir été percé à jour si facilement.

Je sentis soudain la porte bouger et s'ouvrir, je me relevai immédiatement et pris Rachel dans mes bras durant un long moment. Nous entendîmes des pas s'approchaient des toilettes et nous nous lâchâmes aussitôt, ne préférant pas devenir les cibles de quelconques rumeurs sur notre orientation sexuelle ou autre. Des filles rentrèrent alors et nous en profitâmes pour aller prendre un peu l'air.
Nous nous assîmes sur un banc, à l'abri des oreilles indiscrètes et elle m'expliqua tout ce qu'il s'était passé avec son Jason. Il s'était séparé d'Ashley quelques temps auparavant et avait écrit plusieurs fois à Rachel qui voulait le faire mariner un moment avant de lui redonner une chance. Lors de la fête chez Shelby, il était venu seul et l'avait clairement dragué sans qu'elle ne rentre réellement dans son jeu, ce qui avait eu le don de le mettre hors de lui. Ils avaient dansé plusieurs fois ensemble, laissant leur deux corps s'apprivoiser et se toucher. Elle avait allumé en lui un feu sans précédent et l'avait alors laissé là, la tête et l'entrejambe en ébullition. Puis, après de nombreux sms de sa part, elle s'était enfin décidé à lui répondre et avait découvert un garçon qui était bien plus que beau. Son humour était ce qui l'avait fait le plus craquer, il était drôle, charmeur et n'hésitait pas à se mettre dans des situations ridicules pour faire rire celle qui faisait battre son cœur. Ils avaient énormément parlé, ce qui était très rare pour Rachel qui avait plus souvent tendance à coucher avec un garçon et le virer le lendemain, sans ménagement. Mais avec lui, tout était différent, elle voulait plus et depuis bien longtemps, je ne l'avais vu aussi excitée et enthousiaste à l'idée d'être avec quelqu'un, réellement.

-Donc, vous êtes ensemble ? Demandai-je, ravie pour elle.

-Disons que l'on apprend à se connaître ! Nous parlons ensemble depuis plus d'une semaine et on a rien fait, on a même pas baisé ! Lâcha-t'elle vulgairement, comme pour me prouver que cette relation n'avait rien à voir avec les précédentes.

-Pourquoi devais-tu le voir ce matin ?

-Il voulait me demander si je voulais passer le week-end avec lui, chez ses parents !

Elle baissa la tête, en proie à un vif émoi.

-Et ? J'espère que tu as dit oui ? Suppliai-je presque, ne voulant pas qu'elle gâche cette chance fantastique.

Je repensai, malgré moi, à la situation dans laquelle j'étais. J'aimais un garçon merveilleux, mais je ne pouvais me montrer avec lui, de peur que son père, psychopathe notoire, ne l'envoie loin de moi. J'aurais tellement voulu pouvoir rencontrer sa famille, dîner avec eux dans une ambiance conviviale et agréable. Mais, au lieu de cela, je devais me cacher pour pouvoir, ne serait-ce qu'effleurer la main de celui dont j'étais follement amoureuse.

-Tu m'écoutes ?! J'ai dit que je lui donnais ma réponse ce soir ! Je voulais t'en parler d'abord ! Avant que tu ne me prennes pour Judas et que tu ne m'insultes de traître ! Maugréa-t'elle, visiblement encore énervée par mon comportement stupide de tout à l'heure.

-Il faut que tu dises oui, ce n'est même pas discutable ! Tu te rends compte à quel point il tient à toi ? Il veut te présenter à ses parents ! C'est une occasion à ne pas laisser filer !

Je n'avais même pas remarqué le ton autoritaire que j'avais employé pour lui dire cela, mais vu son regard étonné, il avait eu son petit effet.

-Tu as raison ! Je lui envoie de suite un sms !

Son sourire était éclatant et sa joie plus que perceptible.
Et malgré ma tristesse, j'étais vraiment heureuse pour elle et l'étreignit à nouveau.

Quelques minutes plus tard, je reçus un message de Joshua me disant qu'il nous attendait avec Calvin et Shelby à la bibliothèque et nous les rejoignîmes rapidement. Lorsque je croisai le doux regard de l'homme que j'aimais, mon cœur fit un bond, comme à chaque fois. J'avais envie de le prendre dans les bras et de l'embrasser tendrement, sans me préoccuper un seul instant des gens alentours. Mais je ne pouvais pas et cette impossibilité était une vraie torture pour mon corps et ma tête.

-Mince ! J'ai oublié mon bouquin dans mon casier, je reviens ! M'exclamai-je, tout en cherchant, une dernière fois, le fameux livre dans mon sac.

Mes amis acquiescèrent et je partis aussitôt dans le hall. Devant mon casier, je remarquai instantanément un liquide bleu qui avait l'air de couler de ce dernier. J'ouvris avec méfiance et restai complètement abasourdie par ce que je vis. Toutes mes affaires étaient badigeonnées d'un colorant bleu que je soupçonnais être de l'encre, mes livres, mes cahiers de cours ainsi que ma veste, étaient recouverts de cette substance. Je sentis les larmes monter à mes yeux sans que je ne puisse les retenir, je savais pertinemment qui pouvait s'amuser à faire cela, se vengeant par la même occasion d'une certaine claque qui avait atterri sur son visage de porcelaine. Je baissai la tête et vis alors un papier chiffonné, tombé à mes pieds, je le ramassai, me doutant qu'il s'agissait d'un message à mon attention. Je le dépliai précautionneusement et le lus, sentant l'angoisse m'attrapait aux tripes.
"Et ce n'est que le début !"
Le début d'une longue descente aux Enfers, j'en avais bien peur.

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