III) Touché

Depuis quelques temps, dévoiler son identité faisait toujours de l'effet autour de lui ; et ce, quelle que fût l'espèce. En effet, avec le nombre de planètes et de civilisations qu'il avait sauvées, le Docteur ne pouvait pas passer inaperçu. Son regard balayant l'attroupement autour de lui, il déclara donc d'un air qu'il voulut magistral :

« Je suis le Docteur, le dernier Seigneur du Temps de Gallifrey.

- Docteur qui ?

- Jamais entendu parler.

- Il ment toujours, j'en suis sûr. »

Impossible ! Comment pouvaient-ils ne pas le connaître ? Le Docteur prit un air peiné.

« Quoi ? Quoi ? Vous êtes sérieux ? »

Puis les souvenirs d'une brillante jeune femme transformée en Dalek lui revinrent en mémoire.

« ...oui ils sont sérieux. » murmura-t-il pour lui-même.

Il l'avait oubliée.

Oswin.

Elle l'avait effacé de toutes les bases de données du monde, effaçant son existence jusque chez les Daleks. Le Docteur était troublé. Comment avait-il pu l'avoir oubliée ? Il se gratta l'arrière de l'oreille, indécis, en songeant qu'oublier devenait une mauvaise manie chez lui. Il soupira, puis décida de revenir à l'écoute des humains à ses côtés. Ils semblaient paniqués et tandis qu'ils chuchotaient entre eux, ils avaient parfois des mouvements de dégoût envers lui. Ce comportement ne plut pas trop au Docteur, mais il lui donnait au moins un avantage. Les remarquant ainsi trop perturbés pour faire attention à lui, le Seigneur du Temps décida de s'atteler à sa tâche. Il s'approcha des machineries et commença à faire toutes sortes de raccordements avec des câbles, dévissant et ôtant des morceaux entiers de métal.

« Si c'est un alien, alors peut-être qu'il est avec les Sactoïdes ! s'écria soudain William dont le ton s'était envolé. Si on y pense, ils n'ont commencé à tuer des humains que lorsqu'il est arrivé !

- Hey ! Ça, ça s'appelle du racisme ! protesta le Docteur en se redressant, des composants électriques plein les bras. Il ne faut pas être raciste ! C'est mal d'être raciste ! Vous me décevez William ! »

Tous se tournèrent alors vers lui et ouvrirent des yeux effarés en voyant leur matériel entièrement démonté. Le Docteur suivit leur regard et pointa son doigt sur sa production, non mécontent de lui.

« Oh ? Ça ? Je viens de le terminer. C'est un appareil pour communiquer avec les Sactoïdes. Il produira les biosignaux adéquats à ce que nous dirons dans le micro et retranscrira les biosignaux envoyés par les Sactoïdes en langue intelligible.

- Mais... commença la scientifique.

- Oui je sais, j'ai dû décarcasser vos appareils afin d'en récupérer quelques morceaux. Mais ils ne sont pas très bien optimisés non plus ! Vous auriez pu les construire bien plus compacts ! Allez, dites que...

- C'est sûr maintenant ! s'écria une agricultrice, coupant la parole au Docteur. Il est avec eux ! »

Deux secondes de silence suivirent cette affirmation, rompues par une exclamation de l'homme au menton proéminent.

« Je vous demande pardon ? Je viens de vous dire que je vous aidais !

- Elle a raison ! renchérit un autre homme, ignorant l'intervention du Docteur. Elle ne vous fait pas confiance et elle a raison !

- Ouais ! Vous pouvez nous raconter de belles phrases pleines de mots compliqués juste pour nous faire croire que ce que vous dites est vrai !

- Exact, il paraît peut-être être un scientifique, mais en réalité je suis certain qu'il vient juste de détruire toute notre machinerie afin de nous handicaper... » souffla William.

Sans un mot de plus, chacun des colons se munit d'un objet ressemblant de près ou de loin à une arme. Quant au Docteur, comprenant que rien ne pourrait les raisonner, il se saisit sa machine et partit en courant. Il remonta les escaliers, arriva au rez-de-chaussée, faillit trébucher, se rattrapa in extremis, puis utilisa son tournevis sonique afin de déverrouiller la porte. Les humains à ses trousses étaient à deux doigts de l'attraper lorsqu'il referma la porte derrière lui. Se retrouvant par conséquent dehors.

Avec un bourdonnement familier qui retentissait dans son dos.

Sans perdre un instant, le Docteur alluma son bricolage et s'exclama :

« Attendez ! »

Les Sactoïdes qui étaient sur le point de se jeter sur lui s'immobilisèrent, surpris.

« Attendez ! reprit le Seigneur du Temps, plus assuré. Tout ceci n'est qu'un immense malentendu !

- Comment se fait-il que vous parliez notre langue, humain ? » traduisirent les haut-parleurs de la machine que tenait le Docteur.

Celui-ci eut un sourire de satisfaction et tapota affectueusement le métal de sa création. Finalement, il pouvait se débrouiller sans connaître certaines langues ! Ainsi, grâce à son ingéniosité, l'être séculaire convainquit les Sactoïdes de l'innocence des humains. Confuse du sordide malentendu, la nuée présenta ses excuses puis s'en alla.

Après avoir fait partir les Sactoïdes, le Docteur était certain que les colons ne le verraient plus comme un ennemi. Il entreprit donc de déverrouiller la porte puis toqua aimablement. Sans pourtant attendre de réponse, il ouvrit le baillant.

L'endroit était sombre, plongé dans le noir total. Inquiet, l'homme s'avança un peu plus dans l'embrasure.

« William ? » appela-t-il.

Mais personne ne lui répondit.

Le Docteur fronça les sourcils. Cela n'était pas normal. Les Sactoïdes étaient partis paisiblement ; il n'y avait plus de menace. Pourquoi tout semblait-il mort ici ? Pourquoi ce silence ? Un danger insoupçonné avait-il sévi ? À moins que...

« Les Sactoïdes sont partis ! Vous êtes tous sauvés ! » s'exclama-t-il.

Des chuchotis lui répondirent. Le Docteur sourit. Ah ces humains ! Croyant que tout était perdu, ils avaient fait les morts. Désormais, le danger passé, ils allaient pouvoir sortir de leur cachette et ne verraient plus le Docteur comme un ennemi ! Ce dernier réajusta son nœud papillon et attendit les exclamations surprises ou admiratives de ses protégés. Sauf qu'elles ne vinrent pas. La seule chose qui vint, ce fut ce bruit vibrant. Comme celui d'une machine. Intrigué, l'être séculaire s'approcha. Et d'un coup la lumière fut. Puis le Docteur ressentit une immense douleur à l'abdomen. Il baissa les yeux et constata que son tronc n'était plus qu'un immense trou. Béant et calciné. Ne pouvant plus tenir debout, il s'écroula. Des cris survinrent alors.

Ce n'étaient pas des cris horrifiés - comme on aurait pu s'y attendre, mais victorieux. Presque joyeux. La joie des prédateurs ayant abattu leur proie.

Sa vue devenant trouble, le Seigneur du Temps vit les humains s'approcher de lui. Sa joue contre le sol, il tendit la main vers eux en un geste d'incompréhension.

« Pourquoi ? » réussit-il à murmurer.

Mais William écrasa la main tendue avec sa chaussure. Impitoyable. Le Docteur voulut crier, mais tout ce qui sortit de sa bouche fut un gargouillis de douleur.

« Il n'est pas mort ? s'inquiéta un homme.

- Il agonise, dit une autre.

- Achevons-le tout de suite, il me fait peur... » quémanda un jeune garçon.

Mais avant qu'ils ne reprissent les armes, un bruit ressemblant à celui que ferait un moteur cassé d'une vieille voiture retentit. Un bruit à la fois proche et lointain, mais plus fort à un endroit précis.

Vers le mourant.

Les colons se tournèrent vers lui, apeurés, et remarquèrent qu'il tenait une clé brillante dans sa main valide. Puis sous leurs yeux ébahis, une étrange boîte bleue se matérialisa sur le corps du Seigneur du Temps. Mais avant que la matérialisation du Tardis ne soit complète, le Docteur planta son regard dans celui de William. Celui-ci, surpris de son intensité, recula d'un pas.

Car le Seigneur du Temps avait une expression de profonde déception dans les yeux.

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