II) Repartir à l'aventure

« Geronimoooo ! »

Cela faisait quelques temps désormais que le Docteur voyageait seul de nouveau. Comme toujours, il avait pleuré et s'était morfondu. Comme toujours, il avait ressorti ses vieilles affaires et s'était souvenu. Mais comme toujours, il avait fini par reprendre les voyages et les aventures afin d'oublier la souffrance.

Cette fois, il était sur une planète forestière du cinquante-et-unième siècle et enquêtait sur une arrivée subite d'insectes carnivores. Ils semblaient être survenus de nulle part et avaient dévoré plusieurs troupeaux d'animaux en quelques jours seulement. Les propriétaires de la planète avaient alors lancé un SOS - que le Docteur avait naturellement reçu. Il s'était donc présenté sous l'identité de John Smith, un spécialiste des insectes envoyé par la police planétaire.

Au départ, tout allait bien, le Seigneur du Temps faisait ses relevés et récoltait ses échantillons en toute tranquillité. Mais la nuée d'insectes revint et jeta cette fois son dévolu sur la chair humaine. Le Docteur dut alors accélérer la cadence. Qu'étaient ces insectes ? Pourquoi étaient-ils venus ici ? Pourquoi maintenant ? Il émit intérieurement plusieurs hypothèses pouvant répondre à ces questions, mais la vérité lui sauta aux yeux tandis qu'il courait vers le centre de commandes poursuivi par une nuée, en compagnie de quelques habitants de la planète.

« Attendez, nous sommes sur une planète forestière ! s'écria-t-il soudainement en levant le doigt.

- Oui bien sûr, mais quel rapport avec les insectes ? rétorqua péniblement une femme en haletant.

- Mais c'est évident voyons ! Vous utilisez des biosignaux à fréquence de résonance pour disloquer la structure moléculaire des matières organiques mais vous n'entendez pas les microvibrations qu'ils provoquent. Les insectes si ! »

Il y eut un temps de silence durant lequel les humains tentèrent d'assimiler les paroles du savant, après quoi quelqu'un se décida à interpréter :

« Vous voulez dire qu'ils perçoivent ce bruit comme une agression Monsieur Smith ? demanda un grand homme à la longue foulée en atteignant le bâtiment.

- Laissez-moi quelques minutes et je pourrai vous répondre William ! s'exclama le Seigneur du Temps en ouvrant la porte à l'aide de son tournevis sonique.

- Mais nous n'avons pas quelques minutes ! » fit l'intéressé avec une expression de désespoir peinte sur le visage tout en franchissant néanmoins l'embrasure.

Le groupe d'humains rentra alors dans le centre et le Docteur se resservit de son petit mais pratique outil afin de bloquer la serrure.

« Maintenant si, » déclara-t-il avec un sourire.

Sous les regards soupçonneux des personnes autour de lui, il se remit alors à courir et dévala les escaliers menant au contrôle des appareils de la planète à toute allure.

« Monsieur Smith ! Attendez ! Vous n'avez pas le droit d'aller par ici ! » s'écria néanmoins une scientifique en le poursuivant.

Mais le Seigneur du Temps fit mine de n'avoir rien entendu et passa sans attendre la porte du centre de contrôle avant de pointer son tournevis sur la source des vibrations. Après un léger mouvement du poignet, il observa les résultats de ses relevés et se frappa le front du plat de la main.

« Mais bien sûr !

- Quoi ? lâcha la femme qui avait croisé les bras.

- Les insectes ! Ce sont des Sactoïdes, une espèce extraterrestre habituellement non violente... du moins tant que leurs semblables ne sont pas en danger.

- Mais nous n'avons pourtant pas tué le moindre insecte ! nia un des propriétaires de la planète qui avait suivi l'être séculaire. C'est dans notre intérêt que la faune et la flore soient en harmonie !

- Non, non ce n'est pour une fois pas de votre faute à vous les humains ! confirma le Docteur en posant successivement ses mains sur les épaules de chacune des personnes présentes, excité. Vous ne pouviez pas savoir que les biosignaux que vous utilisez étaient compris par les Sactoïdes.

- Alors que croient ces... Sactoïdes ? Qu'il y a ici d'autres Sactoïdes en danger ? »

Le Seigneur du Temps eut un large sourire et agita son doigt devant le fermier qui venait de parler.

« Oh je vous aime bien William ! En effet, vous avez raison. Mais pour être plus précis, le message exact qu'ils reçoivent est "Vengez-nous des colons". Avouez que le mot "colon" est une sacrée coïncidence portant à croire que vous êtes tous coupables... mais bien sûr chacun de vous est innocent ! s'empressa-t-il d'ajouter en remarquant que les regards autour de lui s'assombrissaient. Tout n'est donc qu'un immense malentendu ! Il faut que nous trouvions le moyen de parler avec les Sactoïdes pour leur expliquer la situation. »

Il marqua une pause, le temps que sa réflexion fasse son bout de chemin dans son esprit, puis continua :

« Malheureusement, leur langue est une des rares que je ne parle pas - trop vibrante à mon goût. Mais il est possible que nous puissions communiquer avec eux par le biais du contrôle des biosignaux. »

Se tournant vers la scientifique qui l'avait interdit d'entrer, il lui fit son plus beau sourire et, assuré de se voir exaucé, lui demanda :

« Me permettez-vous d'avoir accès à vos machines ? »

Malheureusement la réaction de la jeune femme ne fut pas celle qu'il espérait. Elle leva d'abord un sourcil puis se tourna vers les autres. Suivit alors un long silence durant lequel les humains s'échangèrent des regards douteux. Mais exceptionnellement ce ne fut pas le Docteur qui y mit fin, comprenant qu'il avait probablement dit quelque chose de travers.

« Qu'est-ce qui nous dit que nous pouvons vous faire confiance ? » lança finalement la scientifique d'un ton cassant.

Le Docteur ouvrit la bouche quelques secondes avant de rétorquer, quelque peu déconcerté.

« Mais parce que je suis un spécialiste des insectes envoyé par la police planétaire voyons !

- Vous croyez franchement que nous ne vous avons pas percé à jour Monsieur Smith ? En plus d'avoir un nom excessivement commun, vous ne semblez pas être de la police.

- De plus, vous avez débarqué de nulle part : je n'ai détecté aucune trace de votre vaisseau tout-à-l'heure.

- Sans compter votre réflexion sur "nous les humains" ! Vous êtes un alien Monsieur Smith et vous nous avez menti ; pourquoi vous croirions-nous après ça ? »

Le Docteur laissa échapper un sifflement admiratif. Cela faisait longtemps qu'on ne l'avait pas démasqué de si belle façon. Mais pour apaiser les esprits échauffés des personnes qui s'étaient mises à parler toutes en même temps, il leva les mains.

« D'accord, j'avoue, je ne suis ni Monsieur Smith, ni humain. Mais vous savez de mon point de vue ce sont vous les aliens !

- Qui êtes-vous alors ? »

L'être séculaire qu'il était rajusta son nœud papillon.

C'était son moment. 

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