Partir

Musique proposée : Linkin Park - Not Alone. (En média).


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Je répète, pour les âmes sensibles, cette partie aborde le thème du suicide et est vraiment imagée. Donc si ça vous touche, protégez-vous.

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« A trois, les gars ! Un... Deux... Trois ! Aller, sur le brancard ! Reste avec moi, gamin. Reste avec moi. »

Je m'éloigne doucement des voix en découvrant cet univers qui ne m'est pas familier. Tout est d'un blanc brumeux ici, comme si je marchais sur du coton mousseux. Comme si les nuages m'entouraient de leur douceur après tant de douleur.

A force de mettre un pas devant l'autre, je finis par apercevoir quelque chose. Une silhouette. Une ombre. Quelqu'un d'immobile qui semble désespérément tenter de reprendre son souffle. J'accélère mes mouvements, je trottine dans le brouillard dans l'espoir d'y voir plus clair et de discerner distinctement à qui appartient cette masse noire qui s'étouffe au loin.

Un petit garçon aux cheveux longs est assis, dos à moi, devant un miroir. De nombreux ruisseaux humides ravagent son visage rond et marqué par la fatigue. Son reflet bouge et je me rends compte que le garçonnet vivant à l'intérieur de la feuille d'argent ne lui ressemble pas. Ses cheveux châtains sont coupés courts et son sourire radieux illuminerait même la plus belle des étoiles.

Un flash m'éblouit et l'enfant disparaît quelques secondes.

« Chargez à deux cents ! »

Puis deux.

Je me concentre sur les perles salées qui dégoulinent sur la peau blanche de ce petit être que je connais bien. Je m'y agrippe avec force. Je refuse de laisser les flash m'emporter.

Et trois.

« Aller, accroche-toi, bon sang ! »

- Laissez-moi tranquille, ordonné-je à la voix essayant de m'arracher à ce pauvre petit. Il a besoin de moi.

Je m'accroupis délicatement à côté de l'intéressé qui tient fermement ses genoux contre son torse. Je dépose une main réconfortante sur son épaule, alors qu'il relève la tête vers moi.

- Papa ne bouge plus. C'est à cause de moi. Je sais que c'est à cause de moi.

Sa petite voix déraille et un nœud se forme dans ma gorge. Je serre les dents quand l'image de ce lâche me revient en mémoire. Je le revois, assis dans le canapé, le canon sous le menton et le doigt sur la gâchette.

Un coup de feu retentit brutalement et l'angoisse m'empoigne violemment, tandis que le petit garçon pousse un cri de terreur en se jetant contre ma poitrine. Ses sanglots bruyants et saccadés me déchirent le cœur. Je l'entoure de mes bras avec prudence et le ramène contre moi avec force, même si je sais que cette étreinte ne l'aidera pas. Rien ne pourra jamais effacer ce qu'il vient d'entendre, ni ce qu'il a vu.

- Tout va bien, bonhomme, chuchoté-je dans ses cheveux en pagaille. C'est fini, c'est fini.

- Tu comprends pas, c'est de ma faute ! C'est de ma faute ! Je suis pas un bon fils, je suis pas une bonne raison de rester... hoquète-t-il sur mon épaule.

Ma main caresse doucement son dos, calmant ses hurlements, mais pas ses tremblements.

- Ecoute-moi, écoute-moi attentivement. Tu n'y es pour rien. Tu n'as rien fait de mal. Il n'est pas parti à cause de toi et tu n'es pas un monstre. Accroche-toi, d'accord ? Je sais que c'est dur, que ça brûle à l'intérieur, mais ne laisse personne mettre le feu aux poudres. Ne laisse pas le feu te ravager. Tu es plus fort que ça et tu mérites d'être aimé pour toi, pour ce que tu es vraiment, pour tout ce que tu as à offrir. Parce que tu es quelqu'un de bien. Quelqu'un d'incroyable. Et je peux te promettre qu'un jour, une personne le verra pour toi si tu n'y arrives pas. Mais ne prends jamais personne pour acquis. Ton pilier, ta force, ça doit être toi. Toi, et personne d'autre. Ne fais pas la même erreur que moi. Si jamais personne ne se bat pour toi, alors fais-le toi-même. Tu as le droit d'avancer seul. Tu as le droit de choisir le chemin qui te fait le plus de bien, même si c'est le plus effrayant. Tu as aussi le droit d'attendre que quelqu'un te rejoigne. Dans tous les cas, je refuse de te laisser étouffer tes opportunités et tes envies sous prétexte que ce salopard t'a laissé tomber. Ça a été le premier, c'est vrai. Pourtant, malheureusement, il ne sera pas le dernier. Mais, fais-moi confiance, même si le monde entier lâche ta main, tu peux te cramponner aux étoiles. Tu m'y trouveras toujours et elles ne te laisseront jamais pleurer seul. Parce que ça aussi, t'as le droit de le faire. T'as le droit de t'écrouler. Les garçons pleurent, peu importe ce que les gens pourront bien te dire. Rappelle-toi de ça.

Le petit remue contre moi et je me rends compte que ses prunelles brillantes de tout un tas de sentiments me dévisagent. Je ne sais pas ce qui m'a pris de lui dire tout ça. Je ne sais pas comment j'ai bien pu réussir à déblatérer autant de choses en si peu de temps sans vraiment en avoir conscience, mais mes mots ont l'air d'avoir apaisé mon interlocuteur, pour au moins un instant.

- Je refuse que tu deviennes comme moi, murmuré-je en sentant l'émotion aspirer l'oxygène qu'il me reste.

- Tu as coupé tes cheveux ! répond simplement le garçonnet en ouvrant de grands yeux émerveillés.

Je ris tendrement en passant mes doigts dans sa longue tignasse, me rappelant du jour rageur où j'ai attrapé une paire de ciseaux pour couper la mienne.

- Et tu as des tatouages ! ajoute-t-il sur le même ton joyeux en observant l'encre qui dégouline sur mes bras nus. Maman n'a rien dit, pour tout ça ?

Je souris tristement comme toute réponse et il baisse les yeux.

- Ne t'en fais pas, une fois qu'on arrive à être nous-mêmes, on rencontre d'autres gens qui remplacent la famille qu'on a jamais eue, je chuchote, près de son oreille.

Il me lance un coup d'œil plein d'espoir et mon cœur se réchauffe un peu. Quitte à avoir raté ma vie, j'aurais au moins réussi à le rassurer comme j'aurais aimé qu'on le fasse pour moi, il y a des années de ça.

- Comme un amoureux, par exemple ?

Sa question déclenche une décharge électrique qui parcourt l'entièreté ma cage thoracique, alors que je ravale une douleur sourde qu'il m'est impossible de laisser exploser maintenant. Deux iris sombres apparaissent dans mon esprit et la brume s'obscurcit brutalement, nous laissant, le garçon et moi, dans une pénombre effroyable. 

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Et voilà, c'est la fin de cette première partie. J'espère qu'elle vous a plu et qu'elle n'a mis personne mal à l'aise. 

Du coup, je vous donne rendez-vous demain pour la suite et fin de ce petit one-shot. Merci d'avoir lu celle-là et à demain !

Prenez soin de vous les potos. 

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