38: Honne
Ce ne fut pas les premières lueurs du soleil qui réveillèrent Nurys, mais le bruit d'un invité indésirable qui tentait de s'introduire dans sa chambre. La jeune fille n'avait jamais réellement cru à l'éventualité de se réveiller énervé. Et encore moins dans son cas à elle. Après tout, elle était dans sa chambre d'enfance qui sentait bon la lavande et le bois neuf.
La présence du baldaquin autour de son lit double donnait l'impression que la chambre entière était plongée dans la pénombre. C'est en grognant, qu'elle adopta une position assise. Elle se frotta ensuite les yeux, tout en cherchant son téléphone.
Il était sept heures, elle constata avec amertume. Si elle avait été à Querencia, Jacob aurait trouvé un moyen de se faufiler dans sa chambre ( bien que c'était interdit; mais bien entendu, il s'en fichait! ), en apportant avec lui un plateau rempli. Ou ç'aurait été Keyana ou Alyssa qui serait venu la chercher pour qu'elles aillent manger à la grande salle. Ou encore, Kasen à l'instar de la dernière semaine en sa compagnie, qui l'aurait invité à se rendre en ville afin de petit-déjeuner.
Toujours plongée dans ses pensés, Nurys se dirigea vers la fenêtre et ouvrit les rideaux. La lumière du soleil s'y infiltra, permettant à la jeune fille de profiter des légères couleurs oranges pastels qu'affichait le ciel. Elle prit plusieurs photos avant de se mettre à consulter ses notifications. Quand elle eut finit, elle jeta un regard à l'entièreté de la pièce, profitant de l'occasion pour mémoriser chaque détails.
Tout à l'instant lui paraissait si impersonnel, vu qu'elle s'était installée à Querencia avec la plupart de ses affaires. Certaines de ses possessions avaient malgré tout demeuré sur place; comme ses anciens livres, des décorations qui auraient été encombrantes et des articles qu'elle avait écrit pour plusieurs journaux.
Les couleurs dominantes étaient blanches, noires et grises. Le mur derrière le lit était noir mais blanc aux trois autres coins de la chambre. Les meubles, tels que le lit, la table de chevet, la mini garde-robe dans laquelle elle entreposait l'habit du jour, le long vase et les étagères murales étaient noirs. Le climatiseur, la lampe de chevet, les draps et le baldaquin du lit étaient de leur côté blancs. Finalement, les rideaux et le tapis étaient gris. La jeune fille avait toujours été attiré par le mode de vie minimaliste et s'était toujours assurée que son environnement le reflétait.
Le bruit qui l'avait réveillé reprit de plus belle, ce qui amena Nurys à sourire. Elle avait déjà une petite idée sur qui cela pouvait bien être et une fois qu'elle ouvrit la porte, une boule de poile entrait précipitamment avant de se mettre à filer dans tous les sens. C'était Babouk, un bichon frisé et un des chiens de sa mère. Il s'arrêta après avoir parcouru la pièce entière, croisant finalement les yeux de la jeune fille. Ils continuèrent ensuite à se regarder avant qu'il ne se précipite vers elle en haletant bruyamment.
« Tu m'as aussi manqué, petite boule de poil. » Elle déclara d'une voix de bébé, en se baissant pour l'attraper. Babouk de son côté, tentait du mieux qu'il pouvait de lécher son visage.
« Dis-moi pourquoi tu t'acharnais sur ma porte, hein. Dis moi. » Elle s'enquit, une fois de plus avec la même voix. Le chien qui reposait à présent dans ses mains, continua à se tortiller. Il mettait des poils partout sur son pyjama, mais elle ne s'en souciait guère.
« Je dois aller prendre une douche. Tu m'attends ici d'accord? » C'était sous-estimer le bouchon frisé qui continua à se coltiner derrière elle, la minute où elle le posait et prenait la direction de sa douche.
Elle fut donc obligée de lui remettre un objet et profita de son inattention pour se retirer. À son retour, Babouk était toujours entrain de mâcher le bidule qui avait perdu sa forme originale. Il l'observa quelques instants avant de retourner à son occupation. C'est en souriant, que Nurys se dirigea vers son dressing.
❃❃❃
Une demi-heure plus tard, Nurys pénétra dans la cuisine en tenant Babouk dans ses mains. Elle fut aussitôt accueillie par la bonne odeur du petit déjeuner continental que deux cuisiniers s'affairaient à préparer. Un sourire apparut sur son visage quand elle aperçut sa mère qui observait d'un oeil strict ce qui se faisait.
Un coup d'oeil aux nombreux plateaux présents suffit à confirmer les craintes de la jeune fille. La cuisine déjà spacieuse était saturée et il n'y avait presque plus aucune place sur le comptoir. Cela voulait dire que les membres de sa famille avaient commencés à les rejoindre. En effet, fidèle à la tradition du réveillon de Noël, sa famille organisait chaque année une soirée, à laquelle tous les membres de sa famille élargie étaient conviés. Ils étaient de plus en plus nombreux chaque année et il n'y avait rien que la jeune fille détestait plus.
Elle inspira un grand coup, tout en se promettant qu'elle n'y penserait pas trop pour le moment. Après tout, il restait encore près d'une semaine avant la fête et allait profiter de chacune de ses secondes. Même si, le nombre de personne qui occupait la mansion allait s'élargir au fil des jours. Elle reporta donc son attention sur ce qui se tramait dans la cuisine, comme sa mère qui donnait des instructions à un des cuisiniers avant de finalement remarquer sa présence.
Nurys l'observa bouger un plateau rempli de raisins, tandis qu'elle lui octroyait un sourire, «Nuryssa, as-tu bien dormi? Je me suis assurée que le tissu de tes draps soit égyptien. »
« Très bien maman, merci à toi. Et de ton côté?»
« Formidablement, maintenant que ma famille est à nouveau réunie. » Sa mère déclara en fermant l'espace entre elles deux. Elle l'urgea ensuite d'ouvrir la bouche avant de lui mettre le bout d'une tartine au chocolat à la bouche. Nurys allait se saisir du reste quand sa mère frappa gentiment sa main.
« Tu déposes d'abord Babouk, puis tu te laves les mains, jeune fille. N'oublies pas tes manières.»
« Mais maman...» Elle se plaignit en affichant une moue.
« Tu pourras avoir tout ce que tu désires après.» Sa mère déclara, en feignant l'indifférence.
Nurys s'exécuta sans pour autant se défaire de sa mine. Comme promis, sa mère la laissa ensuite choisir ce qu'elle voulait.
C'est avec une viennoiserie en main, qu'elle refit la conversation, « je n'ai vu aucun des chiens hier.»
Elle jeta discrètement le reste de son croissant à Babouk qui s'en saisit fidèlement.
« Ils avaient un rendez-vous pour leurs toilettages mensuels. Je suis surprise que Babouk se soit rendu compte que tu étais de retour. Cookie devrait être quelque part dans la maison à flâner. »
Cookie était un samoyède et le petit bébé de la famille.
« Je n'imaginerais pas moins d'elle. »
« T'ais-je dit que ton frère pense à adopter un troisième chien? Un husky si je ne me trompe.»
« Il terrorisera sûrement Babouk et Cookie. »
« C'est ce que je lui ai dit. Sinon, nous avons une très longue journée de prévue aujourd'hui. J'espère que tu t'es apprêtée en conséquence.»
« Quel est notre plan? » La jeune fille s'enquit en se servant un jus d'orange frais. Le résultat après l'avoir bu était immédiat; elle se sentait prête à contrer n'importe quelle épreuve que cette journée engendrerait.
« Premièrement nous devons nous rendre à l'atelier. »
Nurys fut incapable de cacher sa joie. L'atelier de fashion de sa mère avait été le premier endroit qui lui avait prouvé qu'elle avait de quoi être une journaliste. C'était grâce à un article décrivant ce qu'il avait à offrir, qu'elle avait réussi à obtenir sa place à Querencia.
« Et après nous irons au centre de soin pour animaux sauvages de ton père. » Suite à ses paroles, sa mère lui lança un regard perçant, que Nurys eut du mal à esquiver. Elle finissait toujours par salir ses vêtements, vu qu'elle jouait avec les bébés animaux.
« Puis je dois gérer quelques autres affaires pour ton père et nous avons une soirée à organiser toi et moi. »
Le grand sourire qu'affichait Nurys se vanna à la mention de la soirée.
« Cette année encore? Pourquoi devions-nous tout le temps organiser ce genre de parties? » Elle s'emporta en tapant du pied.
« Tu as intérêt à corriger ton comportement très chère. Et pendant que tu y es, défroisse ta jupe et tu devrais ajouter des boucles d'oreilles et te peigner avant notre sortie. Nous devons aussi penser à te faire les cheveux.»
« Excusez-moi madame, le petit déjeuner est prêt. » Un des cuisiniers s'immiscea dans la conversation. Il baissa aussitôt sa tête quand la mère de Nurys se tourna vers lui.
« Les gouvernantes se chargeront de les apporter dans la salle manger. » Elle l'informa avant de se tourner vers sa fille. « Nurys, j'espère que je t'y verrai. »
« Bien sûr maman. » La concernée déclara tandis que sa mère quittait la cuisine, Babouk à ses trousses.
« Je ne peux pas attendre une seconde de plus pour cette fête. Avec tous ceux qui seront présents, elle s'annonce être pleine de rebondissements. » Nurys entendit sa mère marmonner de loin.
Et elle ne pouvait pas avoir plus raison.
❃❃❃
Les invités étaient de plus en plus nombreux, Nurys constata la gorge nouée. Elle se hâta de fermer ses rideaux quand la énième famille qui venait de se garer, défila sur sa terasse. Du second étage où elle était, il suffisait juste qu'ils soulèvent la tête, afin que sa cachette ne soit révélée. Elle entendit distinctement Dinah les accueillir en proposant de les débarasser de leurs blousons et autres.
Son téléphone qui était posé sur son lit, s'alluma dans le noir, l'informant qu'elle avait reçu un nouveau message. En inspirant longuement, elle se dirigea d'un lourd pas vers son lit et y prit place. Elle se saisit de son téléphone et vit que c'était Keyana qui tentait de la rassurer que tout irait bien. C'était un mensonge innoncent, mais malgré tout un mensonge. Elle détestait ce genre de fête et le monde présent. Ils étaient tous pour la plupart des membres de sa famille, mais elle ne se sentait pas à l'aise en leur compagnie. Elle ne les connaissait pas vraiment et aurait préféré avoir un réveillon de Noël entre elle, ses parents et son frère. Mais apparement, c'était trop demander.
Un coup à la porte la tira de ses pensées et c'est en soulevant le bas de sa longue robe blanche qu'elle se mit sur la pointe de ses pieds. Elle se dirigea vers la porte à petits pas et s'enquit sur l'identité de la personne derrière.
«Jax. » Une voix nonchalente s'éleva.
« Papa devrait sûrement être entrain de te chercher.» Elle déclara en le laissant entrer.
«Je suis sûr qu'il s'en sortira sans moi. Toi par contre, tu sembles être perdue. Que fais-tu ici toute seule, plongée dans le noir? » Il s'enquit en se dirigeant vers la lampe de chevet, avant de l'allumer.
«Tu sais très bien que je préfère rester ici. Je déteste ces fêtes.»
« Tu changeras peut-être d'avis si tu savais qui papa a invité. »
« Élabore un peu plus. Depuis quand parles-tu en paraboles, dis-donc?»
Il répondit avec un clin d'oeil en s'étalant de tout son poid sur le lit.
Nurys résista à l'envie de virer son frère de sa chambre et se dirigea vers sa fenêtre. Une fois encore, de nouveaux invités venaient d'arriver.
« J'ai vu la liste d'invités. C'est les mêmes personnes chaque année.»
« De ce que j'ai entendu, il y en a deux nouveaux.»
«Et tu sais déjà qui ils sont mais tu ne n'en feras pas part. Pas vrai?»
« Tu me connais si bien.»
Ils se mirent à rire quand la porte de la chambre s'ouvrit en fracas.
« Nuryssa Yakima Harmony Simmons et Jaxon Amadeus Simmons vous avez intérêt à vous rendre à la fête maintenant! »
« Je pense toujours que ce n'est pas juste que tu n'aies pas de nom traditionel. » Nurys murmura à l'attention de son frère tandis qu'ils suivaient leur mère.
❃❃❃
« Et c'est à ce moment que je lui ai dit, dans ce pays c'est ma famille qui domine et je peux faire de toi ce que je veux. » Arleta, la tante de Nurys déclara en riant.
Nurys prétendit qu'elle trouvait la phrase arrogante de sa tante, aussi drôle que celle-ci. Elle se mit à rire en s'emparant d'une coupe de champagne qu'un serveur transportait proche d'elle.
Elle s'excusa ensuite auprès de sa tante avant de se diriger vers le jardin. S'il y a une chose que Nurys appréciait plus que la vue dont elle bénéficiait sur l'océan, c'était leur jardin. Surtout dans la nuit.
Il y avait une fontaine au milieu qui était encadré par des fleurs qui avaient été soigneusement coupés par leur jardinier de plus de dix ans. Ils traitaient les arbres qui poussaient dans ce jardin comme ses bébés et en prenait un soin remarquable. Nurys se dirigea aussi rapidement qu'elle le pouvait vers son endroit préféré: la piscine. Elle prit place sur une des longues chaises rassemblées autour. Elle jeta ensuite un coup d'oeil vers la terasse et vit que certains des invités s'étaient aventurés à l'extérieur. Dans bientôt, beaucoup l'auraient rejoints.
Elle se mit à contempler la vue qui s'offrait à elle. Des lumières à l'intérieur de la piscine à celles qui l'entouraient, elle avait de quoi être ravie. La température était particulièrement fraîche, mais cela n'empêcha pas la jeune fille de retirer ses talons avant de lever ses pieds et de les encercler avec ses mains.
Elle humait les paroles d'une chanson, tout en essayant de se dissuader de plonger ses pieds dans la piscine quand la sonnerie de son téléphone la tira de ses pensées. C'est avec un sourire qu'elle décrocha l'appel entrant.
« Kasen.»
« Nurys.» Il répondit sous le même ton.
« À quoi me vaut cet appel-surprise?»
« Honnêtement? C'est le réveillon de Noël et je suis là debout à observer les étoiles, mais je ne peux que penser à toi.»
« Bon réveillon de Noël à toi.» Elle déclara à court de mot, tout en observant elle aussi les étoiles.
«Elles sont belles pas vrai?» Il s'enquit.
«Oui.» Elle répondit dans un souffle. Le ciel était dégagé et elle pouvait reconnaître la plupart des constellations. « C'est comme s'il y a tellement d'espace entre nous mais le fait de savoir qu'on regarde les mêmes étoiles, rend cette distance plus courte.»
«Tout à fait. Je ne sais pas ce que je donnerais pour être en ta compagnie en cet instant.» Il déclara.
Elle n'avait pas besoin de le voir afin de deviner qu'il venait de passer ses mains dans ses cheveux.
«Tu ne le croiras peut-être pas, mais moi aussi.» Nurys se surprit à lui avouer.
« Et si c'était possible? » Il s'enquit de nouveau.
«Comment? On est à deux extrémités du monde. Crois-moi je saurais si-»
«Nurys.» Il l'interrompit.
«Hm?»
«Retournes-toi.»
La jeune fille fronça ses sourcils en se demandant de quoi le châtain pouvait bien parler. Il était impossible qu'il soit là à cet instant. C'était le réveillon de Noël après tout; une tradition familiale.
Seulement, quand elle se retourna, Kasen était bel et bien là et se dirigeait vers elle avec un bouquet en mains. Il passa la main dans ses cheveux, en lui adressant un sourire dont lui seul avait le secret.
«Bon réveillon de Noël à toi Nurys Simmons.»
Son cœur rata presqu'aussitôt un battement.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top