33: Hygge
Madame Geneviève Morel ou la gérante de la salle commune des filles était une femme terrifiante. De son chignon tiré à ses habits minutieusement repassés, rien ne lui échappait et elle affectionnait par dessus tout le semblant d'autorité qu'elle croyait possédé. Heureusement ou malheureusement pour les filles, elle était la plupart du temps absente et certaines ne la voyaient souvent qu'une fois par mois.
« Alors? »
« Euh... J-je... » Nurys bégaya en déglutissant difficilement.
Madame Geneviève leva des yeux en tapant du pied droit.
« Ce genre d'indiscrétions n'est point permit au sein de Querencia. »
Toujours silencieuse, Nurys hocha de la tête. La gérante continua à s'exprimer, en gardant les bras croisés et en dévisageant la jeune fille.
« Je devrais vous reporter à la direction mais je ne vous donnerai qu'un avertissement. Dans le cas où un autre étudiant était effectivement dans votre chambre, que cela ne se reproduise plus. Est-ce clair ? »
« Oui madame. »
« Bien, passez une bonne journée jeune fille et s'il vous plaît tachez de diminuer la quantité de maquillage sur votre visage. Vous êtes une demoiselle pas un clown. »
Une fois qu'elle eut fermé la porte derrière la gérante, Nurys se dirigea tout en trainant des pas, vers le canapé où Kasen avait passé la nuit, avant de s'y réfugier.
Elle avait peur.
Peur de ce qu'elle devenait.
Peur de ces récentes actions.
D'abord elle se disputait avec deux filles, puis elle laissait un garçon dormir dans sa chambre et maintenant madame Geneviève exprimait sa désapprobation quant à la quantité de maquillage présente sur son visage. Jamais auparavant cela ne lui était arrivé. En effet elle détestait les altercations, n'avait jamais eu de copain et avait horreur du maquillage.
Mais tout ça, elle l'avait fait pour Kasen et elle était persuadée qu'il en valait la peine. Peut-être pas en rapport à l'altercation avec Piper et Constance, mais définitivement concernant les deux autres situations. Rien ne s'était passé entre eux la veille et si elle voulait se faire belle pour lui, madame Geneviève n'avait pas son mot à dire.
Un coup frappé à la porte la tira de ses pensées. Persuadée que c'était Kasen cette fois-ci, elle s'empressa d'ouvrir la porte.
« Tu es prête? » Kasen s'enquit la minute où il pénétra dans sa chambre.
Il remarqua cependant son regard triste et l'interrogea.
« La gérante de notre salle commune était là il y a quelques minutes. Des filles lui ont confié qu'un garçon était dans ma chambre hier nuit. » Elle l'avoua avec une grimace.
Le visage du châtain afficha plusieurs expressions aussi distinctes les unes que les autres. S'il était premièrement confus, puis irrité, à présent il abhorrait une mine triste.
« C'est ma faute, je suis désolé. » Il répondit en passant la main dans ses cheveux.
Il avait les sourcils froncés et dans ses actes on pouvait facilement deviner qu'il ne savait point où se mettre.
De son côté, elle se mise à arpenter les quatre coins de sa chambre.
« J'ai peur qu'après ma dispute avec Piper et- » Elle commença à s'exprimer tout en évitant son regard, mais il ne la laissa pas finir sa phrase.
En l'engouffrant dans un câlin, il lui murmurait à l'oreille, « calme toi Nurys. Calme toi.»
❃❃❃
Main dans la main, Nurys et Kasen pénétrèrent dans la grande salle. Ils croisèrent Alaric et Kenneth qui quittaient pour leur part l'emplacement.
« Kasen et Nurys! Heureux de vous voir de nouveau ensemble. » Alaric les salua en inclinant légèrement sa tête.
« Et si proches l'un de l'autre. » Kenneth finit avec un sourire en coin.
« Ric, Ken. » Kasen déclara en les serrant la main.
Nurys observa en silence les trois garçons s'échanger des plaisanteries, avant que Kasen ne s'excuse et ne mette fin à leur conversation.
« Je ne savais pas que vous vous connaissiez. » Il observa au départ des deux jeunes hommes. Ils avaient recommencés à marcher.
La grande salle était sacrément vide et Nurys était consciente que cela était dû au fait que beaucoup avaient commencé leur préparatifs de départ.
« Jacob me les avait déjà présenté quelques semaines plus tôt ».
« Oh je vois. J'oublie souvent que toi et Jay' êtes si proches. Il t'apprécie beaucoup. »
« Il dit la même chose quand il parle de toi. »
Kasen lui tira la langue avant de resserrer son emprise légèrement. Nurys, de son côté, se surprenait à aimer ce simple contact physique.
« Dis-moi qu'est-ce qui te plairait afin de bien débuter ta journée? »
« Je l'ignore encore. Voyons voir ce qu'il y a au menu. »
En rejoignant la ligne, ils continuèrent à converser, apprenant à l'occasion un peu plus sur l'un et l'autre. Et même si cela restait toujours un petit peu gênant entre eux, ce désir de donner une chance à leur idylle était à présent partagé. Ils se servir ensuite; pour Nurys, un jus de fruit frais et bio, des viennoiseries ainsi qu'un laitage allégé et des céréales. Kasen de son côté, avait opté pour le côté déjeuner de ce brunch et son plateau en témoignait fortement. Ainsi, il était rempli d'une salade faite de saumons et d'œufs, d'un croissant jambon fromage, d'une tarte flan normand et d'une baguette agrémentée de miel, confiture et de beurre doux.
Kasen conduit peu après Nurys à ce qui semblait être sa place préférée; la table en plein centre de la grande salle.
« À quel moment dois-je te féliciter d'avoir sacrément amoché le visage de Piper. » Kasen lui demanda quelques minutes après qu'ils aient entamé leur déjeunette.
En souriant Nurys, lui lança une céréale qu'il évita facilement. À ce moment, cela ne la dérangeait aucunement de faire fît de son savoir-vivre. Elle était en compagnie de Kasen et elle avait cette impression qu'elle pouvait faire tout ce qu'elle voulait- même enfreindre les règles.
« Ce n'est pas drôle. »
« Ça l'est un tout petit peu. Tout le monde sait que tu ne ferais pas de mal à une mouche et maintenant- »
Les paroles du jeune homme se perdirent dans l'air tandis que Nurys observait deux jeunes hommes qui passèrent en la désignant de la tête. Quand ils remarquèrent qu'elle les avait vu, un d'eux prétendit qu'il donnait un coup de poing à l'autre, tandis le second cachait son œil. Ils imitaient la scène entre elle et Piper qui avait à présent un œil au beurre noir.
L'humeur gaie de la jeune fille disparu très vite. Ce n'était aucunement ce qui s'était passé. L'œil au beurre noir de Piper avait été un accident. La basanée tentait de se libérer de l'emprise de Constance quand cela était arrivé.
Kasen remarqua très vite le changement d'humeur de sa partenaire et un coup d'œil dans la direction des deux jeunes perturbateurs suffit pour qu'ils reprennent leur composition et quittent la grande salle.
« Nurys regarde moi. » Il murmura en attrapant la main que la jeune fille avait laissé reposé sur la table.
Quand elle leva les yeux dans sa direction, il put voir que ses yeux brillaient un peu plus que d'habitude.
« Tu veux qu'on aille quelque part d'autre? » Il demanda. Il avait peut-être faim mais le bien être de la jeune fille passait en premier.
Elle secoua vigoureusement la tête en signe de négation. Elle n'allait pas les laisser gâcher sa journée. Un couple derrière le châtain commença à simuler une fois encore la dispute et Nurys se surprise à les observer.
De son côté, Kasen savait que s'il ne faisait rien, cela ne serait qu'une question de temps avant qu'elle ne fonde en larmes.
« Regarde-moi Nurys. Juste moi et personne d'autre. À l'instant tout ce qui compte c'est nous et rien d'autre. »
« Tu n'as rien fait de mal. » Il continua dans la même optique, mais il savait tous deux que c'était un mensonge.
Une discussion au téléphone avec sa mère avait réussi à le confirmer: Ton père sera présent pendant les congés de Noël. Nous allons avoir une très longue discussion sur ton comportement si décevant.
Il voulait qu'elle le regarde afin d'oublier les actions autour d'eux, les moqueries et compliments (parce qu'il y en avait aussi). C'est donc ce qu'elle fit. Elle se mise à l'observer tartiner sa baguette, ainsi que la façon dont sa main bougeait et ses muscles se contractaient. Elle se mise à observer comment sa mâchoire se serrait et se desserrait; comment il était si calme et serein mais tout aussi concentré sur son repas. Elle se surprise à observer comment son col roulé épousait si bien son corps et lui allait si bien. Son regard remonta ensuite sur son visage et plus précisément sur ses yeux ( elle avait toujours l'impression qu'il essayait de lire en elle quand il l'observait et adorait de la même façon qu'elle détestait ce sentiment), son nez qu'elle trouvait toujours légèrement cabossé avant de se concentrer à nouveau sur ses lèvres. En se rappelant comment elle avait passé la main sur sa mâchoire des heures plus tôt, elle ne put s'empêcher de penser à comment seraient ses lèvres à lui sur les siennes.
L'acte le plus audacieux qu'ils n'aient échangés était un bisou à la joue et cela en disait beaucoup quand à l'avancée de leur relation. Mais à l'instant elle en voulait beaucoup plus.
« ... Nurys? »
« Hm? » Elle murmura en revenant au moment présent.
« Je te demandais si tu ne mangeais pas. »
« Oh! » Elle s'écria en réajustant sa posture. « Oui, oui bien entendu. »
« Tu semblais perdue dans tes pensées. » Il déclara après lui avoir lancé un regard perplexe.
« Non pas du tout. Je m'excuse. »
Un sourire coquin naquit sur le visage du jeune homme avant qu'il ne se saisisse d'une des viennoiseries de la jeune fille.
« Hé! Pas touche.» Elle s'exclama en essayant de reprendre l'éclair au chocolat dont il s'était accaparé, mais il fut plus rapide et l'engouffra dans sa bouche.
« Tu adores le chocolat à ce que je vois. » Il déclara après qu'il ait fini ce qu'il avait prit. Il désignait la gaufre au chocolat, le mini beignet au chocolat et la petite part de gâteau au chocolat présents dans l'assiette de la jeune fille.
Pour toute réponse, elle lui tira la langue avant d'éloigner son plateau.
« Ne touche pas à mes bébés. »
« Tu es étrange Nurys Simmons, mais ça te rend encore plus mignonne. »
❃❃❃
« ...Les voitures volantes. Ton tour. »
« Quoi? C'est très improbable, à l'instar d'une future disparition d'internet. »
Peu après leur repas copieux, les deux tourtereaux avaient prit refuge dans la chambre de Kasen. Et après que Nurys se soit émerveillé devant sa collection de livres (ce n'est même pas la moitié avait-il dit), que les deux s'étaient testés sur qui avait la plus grande connaissance en matière de livre, ils avaient décidé de se poser quelques questions.
« J'aurais aimé que Keyana t'entende dire la seconde partie. On en avait parlé la première fois durant notre première rencontre en groupe. »
« Je me souviens. Mais ne crois pas que j'ai oublié le fait que tu penses que les hommes soient capable de créer des voitures volantes. »
« Ils arrivent déjà à faire voler les avions, non? En plus grâce à l'intelligence artificielle les voitures qui se conduisent toutes seules existent. » Nurys déclara, tout en étant peu sûre de ses paroles. L'intelligence artificielle la fascinait de la même façon qu'elle l'effrayait et voire des voitures voler était un de ses plus grands rêves.
« Ok tu as un bon point mais pour faire voler les voitures, ce n'est pas de l'intelligence artificielle dont ils auront besoin mais d'un tout autre mécanisme.»
« Aux dernières nouvelles tu étudies le journalisme et pas l'ingénierie. Qu'en sais-tu donc? » Nurys déclara, toute grognonne.
Kasen ne put s'empêcher de réaliser qu'elle était encore plus têtue qu'il ne l'avait imaginé.
« Je connais une personne qui étudie l'ingénierie. Je pourrais la contacter pour en être sûre mais tu ne vas pas aimer qui s'est. »
« Du moment qu'elle réussisse à prouver que j'ai raison et que tu as tort, je suis partante. »
« C'est Constance. Constance Cho. »
« J'ai changé d'avis. Prochaine question. »
Kasen réprima un sourire. Il s'y était attendu. Seulement un coussin atterrit à sa face et il vit Nurys qui souriait, visiblement fière d'elle.
« Je pouvais te voir sourire. » Elle déclara en se levant du canapé où elle était avant de prendre place à ses côtés.
« C'est quoi ta relation avec Constance déjà? »
« Hautement amicale, même si je ne te cache pas qu'elle m'a maintes fois avoué être intéressée en moi. »
Nurys resta silencieuse quelques temps. Il était évident qu'elle était plongée dans ses pensées.
« Comment arrives-tu à le faire? » Elle demanda après quelques minutes.
« Tu devrais essayer d'être plus explicite. »
« Pourquoi pas toutes ses autres filles? Pourquoi moi? »
Kasen se mit à sourire. Il n'y avait aucun moyen qu'elle soit sérieuse, mais seulement quand elle continua à le fixer sans sciller, il se rendit compte qu'elle voulait réellement savoir.
« Parce que tu es unique Nurys. Tu es différente de ses autres filles. Tu as toujours été honnête quant à tes sentiments et tu ne prétends pas. Quand quelque chose te dérange ou ne tourne pas rond, tu le fais savoir. » Il passa délicatement une de ses mèches derrière son oreille.
La basanée frémit légèrement suite au contact. Ou peut-être, était ce les paroles du jeune homme qui avaient tant d'effet sur elle.
« Ces autres filles sont toutes fausses. Et la plupart ne m'aime pas pour moi mais mon statut social. Toi tu t'en contrefiches, Nurys Simmons. Tu es réelle et belle, une vraie déesse. »
Pendant tout cet échange il ne détourna pas son regard une seule fois. La jeune fille pour sa part était comme paralysée. Elle n'arrivait pas à dire un mot, et encore moins bouger.
Une fois qu'elle réussit à dominer ce sentiment d'inconfort et de gêne, elle prit parole.
« Quand j'essaye de visualiser le futur, je te vois avec tes enfants. » Il sourit suite à cette phrase. « Je vois deux mignons enfants, un garçon et une fille, blonds ou peut-être châtains comme toi Kasen. Le garçon est ton portrait tout craché et la petite fille à tes yeux et de longs cheveux. Il n'y a pas de place pour moi dans- »
Il plaça son index sur ses lèvres et ferma l'espace entre eux. Puis il se baissa de façon à ce que ses lèvres à lui soient proches de son oreille droite à elle.
« Dommage, ma belle parce que quand je ferme mes yeux, je me vois certes avec des enfants. Mais la fille a tout de toi. Tes yeux, ta bouche, ton nez, tout ce que j'aime de toi. Et elle a les cheveux frisés comme toi. Elle te ressemble Nurys parce qu'elle est ta miniature. »
Il mit ensuite de la distance entre eux, tout en souriant.
« Maintenant dis-moi aimerais-tu continuer notre jeu où voudrais-tu que je lise la lettre d'amour que tu m'as écrite à haute voix. »
« D'abord ce n'est pas une lettre d'amour mais plutôt une lettre de réconciliation, ensuite tu n'oserais pas. » Elle déclara en le défiant du regard.
Il se saisit d'un papier qui reposait de sa table de chevet avant de se lever en raclant sa gorge.
« Voyons voir. » Puis en imitant déplorablement la voix de la Nurys, il se mit à lire la lettre.
« Kasen, comment deux personnes apprennent-elles à se connaître? À chaque fois que- »
« Tu ne peux pas faire ça. Tu gâches toute la magie. » Elle s'indigna tout en se couvrant les oreilles.
« Je vais me gêner. » À peine avait-il recommencé à lire la lettre qu'elle se levait et se lançait à sa poursuite.
Ils étaient heureux et c'est tout ce qui comptait.
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