17: Meliorism

— J'ignore quel est le problème Nurys. Vous avez tous les deux envie de changer le monde à votre façon. Pourquoi cela te dérange-t-il autant?

Nurys souleva sa tête qui reposait au milieu de plusieurs bouquins. Ses cheveux étaient attachés dans un chignon et ses lunettes de lectures (qu'elle portait très rarement) étaient de travers.

— J'appellerai très mal ce qu'il essaye de faire changer le monde, répondit-elle à l'attention de sa meilleure amie, tout en se saisissant de sa tasse de café et ingurgitant son contenu.

— Et pourquoi pas? En plus arrête de boire autant de café, tu es sans ignorer que ses effets sont très néfastes sur ta santé.

— Key' je t'ai déjà expliqué maintes fois, commença-t-elle, tout en posant la tasse. Il essaye de créer un monde superflu. Il veut volontairement vendre du rêve à des personnes qui ont juste besoin d'ouvrir leurs yeux à la réalité.

Keyana n'arrivait pas à croire que Nurys jugeait aussi facilement les motivations du jeune homme. Elle suspectait que sa meilleure amie le faisait juste pour justifier autre chose. Comme peut-être le fait qu'elle n'avait pas apprécié le rendez-vous. Ou pire qu'elle ne ressentait rien pour lui.

— Je trouve bien hypocrite de ta part, le fait que tu critiques ses motivations et rêves Nurys. De tout le monde, j'aurais aimé croire que tu étais mieux placée pour le comprendre.

Keyana était une fille unique, dont chacun de ses désirs était exécuté à la lettre par ses parents. La définition d'un rêve inaccessible n'existait pas dans son dictionnaire. Elle trouvait toujours un moyen d'avoir ce qu'elle voulait ou le demandait juste à ses parents. Le journalisme avait toujours été une passion pour elle et quand elle avait prit la décision de l'étudier, ses parents avaient sagement acceptés.

Elle savait par contre qu'avec sa meilleure amie, ça avait été le contraire. Celle-ci avait toujours été choyée mais dans un monde où elle se sentait étrangère. Pour une fille qui avait toujours rêvé d'être libre afin d'être capable d'expérimenter le monde, elle devait comprendre les aspirations de Kasen.

— Cela n'est définitivement pas la même chose!S'offusqua Nurys.

Elles savaient toutes les deux que Keyana avait touché un point sensible.

— Et comment cela ne l'est-il pas? Comme je l'ai déjà dit, vous essayez de changer le monde à votre façon. Alors en quoi ton idée ou ton aspiration est meilleure à la sienne?

— En tout.

— Aussi têtue que toi, je n'en ai jamais vu. Alors laisse moi poser les bonnes questions. Quel est le problème ma chère? Le rendez-vous t'as-t-il déçu? As-tu peur de ne pas être intéressée?

— De quoi parles-tu? S'enquit Nurys tandis qu'elle se levait précipitamment. Bien entendu que non. Je...

Se perdant dans ses propres explications, elle passa la main dans ses cheveux.

— Tu? S'enquit Keyana.

— Et zut! Je n'ai pas à m'expliquer, déclara-t-elle déclara en arpentant la pièce, mais avant que Keyana n'ait prononcé un seul mot, elle revint sur ses pas et reprit lourdement sa place sur son lit.

— Je te dois peut-être des explications, murmura-t-elle ensuite d'une petite voix.

— Voilà qui revient à la raison. Dis-moi tout.

— Je pense que j'ai juste peur d'être blessée à la fin. Il est littéralement parfait. Il est toujours aux petits soins et j'ai peur de me rendre compte après m'être top attachée, que j'avais tout faux depuis le début.

— Nous arrivons finalement au noeud du problème. Tu as peur de tomber amoureuse. Moi qui croyais que tu n'étais juste pas intéressée, déclara Keyena, tout en poussant un soupir de soulagement.

Nurys, par contre, lui lança un regard surprit avant de souffler bruyamment. Pas vraiment un comportement distingué, mais à ce niveau, elle n'y pensait guère.

— Je vais être honnête avec toi. Parce que tu es ma meilleure amie et aussi parce que je ne peux pas attendre que vous vous mettiez ensemble. Je sens que vous serez un très beau couple-

Le regard que lui lança Nurys suffit à la ramener au moment présent.

— Ok, je me perdais un peu. Donc comme je disais, je pense sincèrement que Kasen est anormalement intéressé par toi. Il ne jure que par ton nom et cela devait rester secret, mais il comprendra, déclara Keyana.

Nurys l'observa sortir son téléphone, tandis qu'elle fronçait des sourcils, confuse.

— Il était tellement stressé par votre rendez-vous qu'il m'a contacté. Il voulait savoir ce que tu aimes et détestes, ce qu'il fallait dire ou pas. Le pauvre avait tellement peur de commettre une boulette.

Cette confidence eut pour effet de piquer la curiosité de Nurys qui se rapprocha d'elle et voulu s'emparer du téléphone qu'elle lui montrait.

— C'est confidentiel, mais tu n'as pas à t'en faire, on ne parle que de toi.

— C'est bien la raison pour laquelle tu devrais me montrer. Mais comme tu ne le veux pas, dis-moi qu'as-t-il pensé de notre rendez-vous?

— Oh, et si je te le faisais écouter plutôt?

— Écouter?

— Il m'a envoyé un message audio peu après. C'était notre dernier message en même temps. On n'avait plus vraiment rien à se dire, expliqua-t-elle, tandis qu'elle gardait ses yeux rivés sur son téléphone portable.

Keyana tu ne croiras pas. Mon rendez-vous avec ta meilleure amie était super. Tu avais raison, tout s'est fait naturellement. Je n'avais pas besoin de prétendre, elle m'a accepté comme j'étais et c'était tellement facile pour nous de converser. Je suis tellement heureux de savoir que je ne me suis pas trompé sur elle. Elle est actuellement parfaite, humble et altruiste. Juste inspirante. Et non je ne dis pas ça pour que tu le lui redises. Après tout ça reste notre secret pas vrai? Elle ne peut en aucun cas savoir que je cherchais à avoir plus d'informations sur elle. Merci pour ton aide Key'.

Nurys ne put empêcher les battements de son cœur de se multiplier face à ce message audio. Il pensait qu'il était chanceux de l'avoir rencontré? C'était plutôt le contraire. Elle était décidément la chanceuse de l'histoire.

Il avait dit qu'elle était inspirante. C'était ce qu'il lui avait dit au restaurant. Elle n'y avait pas vraiment prêté attention, parce qu'elle pensait que ce n'était qu'un mot qu'il avait sorti pour agrémenter la conversation.

Ce Kasen était décidément plein de surprise et elle avait hâte d'en apprendre plus sur lui.

❃❃❃

Quand Nurys et Keyana pénétrèrent dans l'enceinte de la grande salle à manger, la pièce était d'ores et déjà bondée. S'il y avait des visages qu'elles connaissaient de près ou de loin, elles continuèrent à avancer sans vraiment y faire attention. Le plus vite, elles prendraient leurs repas, le plus tôt, elles pourraient retourner à leur salle commune.

Après avoir remplis leurs plateaux de mets appétissants, à savoir pour Nurys du caviar en entrée, du homard des côtes françaises et coques d'amandes en cocotte lutée, en plat principal, agrémenté par un dessert de miel de maquis sur des gaufrettes croustillantes au parfum de citron et d'eucalyptus; et pour sa meilleure amie, du foie gras en entrée, du tronçon de turbôt roti en plat principal et finalement un sorbet comme dessert, elles se mirent à chercher une place pour s'asseoir.

Chaque personne obtenait leur propre signature en prenant leur repas, c'est-à-dire quelque chose qui leurs plaisaient et dont ils ne pouvaient point se passer. Ils avaient bien entendu l'opportunité de changer ce choix chaque mois. Si pour certains c'était du yaourt, ou du chocolat, pour Keyana et Nurys, respectivement, c'était du fromage et des olives.

Elles avaient repéré une table un peu éloignée et s'y dirigeaient, quand Kasen apparut devant elles.

— Les filles, cela vous dérangerait-il de dîner en notre compagnie? Demanda-t-il, en pointant une table où Jacob et Lucien leurs faisaient un signe de main.

Comme par hasard, la table était au centre de la salle.

Elles se mirent à sourire, toutes gênées. Elles n'avaient aucune envie de se donner autant en spectacle. S'asseoir en plein centre voulait dire que tout ceux qui passeraient, obtiendraient une bonne vue d'elles, et les deux filles détestaient l'attention.

— Et je ne prendrai pas non, déclara-t-il, en se penchant vers Nurys, dont le cœur battait un peu trop vite pour son propre bien.

À part pendant les cours, où ils n'avaient pas vraiment eus le temps de se parler, elle n'avait pas revu Kasen depuis leur rendez-vous. Et elle se mettait à craindre sur l'emprise qu'il avait sur elle. Jamais auparavant, son cœur n'avait tant battu en présence d'un garçon.

Nurys se tourna vers sa meilleure amie qui haussa des épaules.

— C'est toi qu'il veut principalement à sa table. Tu choisis, lui glissa-t-elle.

À contre cœur, mais aussi un petit peu contente, elle accepta l'offre de Kasen. Ravi, il s'empressa de prendre son plateau, avant qu'elle ne l'en empêche.

Quelques secondes plus tard, ils prenaient tous place à la table rectangulaire. Avec Jacob et Lucien qui faisaient face aux deux filles et Kasen qui avait prit place à la gauche de Nurys, le dîner put enfin commencer.

— Alors dis-nous Nurys, le rendez-vous était-il à la hauteur de tes espérances? Kasen s'obstine à rester muet, sous prétexte que m'en parler gâcherait le romantisme, déclara Lucien, ce qui eut pour but d'amener Kasen à avaler son eau de travers.

Il se mit alors à tousser en dévisageant son ami d'un mauvais œil.

— Évidemment, répondit Nurys, tandis qu'elle se saisissait de son verre à elle. Si elle prétendait qu'elle était occupée à boire de l'eau, peut-être que Lucien ne s'attendrait pas à ce qu'elle continue dans ses explications.

— Tu vois Kasen. Elle a a-do-ré votre rendez-vous. C'est à ton tour de répondre, commença Lucien, un demi-sourire nettement présent à sa face, était-il à la hauteur de tes espérances?

— Je pense que tu devrais demander si c'est plutôt à la hauteur des scènes qu'il a griffonné dans son journal intime, ironisa Jacob.

Nurys constata qu'il avait rangé son téléphone qu'il avait jusque là utilisé. Elle ne put s'empêcher de penser qu'Adam devait être très chanceux d'avoir rencontré quelqu'un comme Jacob. En effet celui-ci, ne perdait jamais une seconde à converser avec son copain.

Elle fut tirée de ses pensées par les ricanements des deux garçons. Kasen, lui fixait son plat, incapable de continuer à manger.

— D'abord ce n'est qu'un calepin et pas un journal intime. Vous osez prétendre étudier le journalisme sans en avoir un. C'est très important, se justifia-t-il.

Elle aussi devait se sentir chanceuse d'avoir Kasen, elle pensa, en se décidant de voler à son secours.

— Il a raison, j'en ai un aussi. Déclara-t-elle, en fouillant son sac à dos, qu'elle prenait partout où elle allait. Elle en sortit un bloc notes dans lequel elle marquait certaines choses qui lui passait par la tête. Seulement, elle semblait avoir oublié qu'elle y avait marqué journal intime num.7 sur la couverture, après l'avoir confondu avec son vrai journal intime numéro 7.

Les rires reprirent de plus belles et c'est confuse qu'elle inspecta le calepin, constatant enfin sa bourde.

— Tu n'aides pas Nurys, déclara Kasen d'une voix basse, tandis qu'elle se dépêchait de ranger le bloc notes à la va vite.

— Ce n'est pas ce que vous croyez. Ce n'est pas mon vrai journal intime!

À ce niveau, même Keyana riait silencieusement.

Heureusement pour les deux jeunes, ils se remirent très vite à manger, le silence regagnant alors la table.

— C'est moi ou Calum et Alyssa assistent très peu aux repas ces temps-ci, s'enquit Lucien après un certain temps.

Il venait de finir son entrée et s'était décidé à prendre une pause, avant de se concentrer sur son plat principal.

— Tu as raison, mais c'est ce que j'imaginerais d'un couple qui vient à peine de se mettre ensemble, déclara Jacob qui avait ses yeux rivés sur son téléphone.

Il avait pour sa part terminer son entrée depuis quelques minutes.

Le sourire de Kasen s'élargit tandis qu'il lança un regard furtif à Nurys qui se servait une olive:

— J'imagine bien aussi.

Lucien, ne se dérobant pas de son attitude de joueur, se mit à fixer Keyana, qui lui lança un regard confus.

— Tu sais Key', Jay est en couple, ainsi que Cal' et Aly. Kay' et Nur' sont presqu'en couple. J'imagine bien qu'il ne reste que toi et moi ma belle.

Tandis que Keyana l'observait choquée, Nurys se pencha vers Kasen.

— Je rêve où il vient de tous nous donner des surnoms?

— Typique Lulu, déclara Kasen. Ils se sourirent ensuite, d'une part parce que le surnom que Kasen avait utilisé était à mourir de rire et de l'autre à cause de leur proximité naissante.

Nurys se redressait, quand la voix de son amie retentit à ses oreilles.

— Avec tout le respect que je te dois mon cher Lucien, ce que tu insinues entre nous deux n'arrivera jamais.

Elle ne put s'empêcher de rigoler avec tout le reste, pendant que le visage de Lucien virait au rouge.

Nurys continuait à rigoler quand Kasen se mit à la fixer intensément.

— Un problème? S'enquit-elle en fronçant ses sourcils.

— T'as un truc dans tes cheveux, laisse moi te l'enlever, déclara-t-il, en se penchant à son niveau.

Elle s'immobilisa aussitôt, attendant qu'il finisse ce qu'il faisait. C'est alors qu'elle vit Piper qui se dirigeait vers eux en lui lançant un regard mauvais.

— Est-ce normal que Kasen se rapproche à peine de toi et que tu donnes l'impression d'avoir vu un fantôme? S'enquit Lucien.

— Qu-quoi? Demanda-t-elle, incapable de fixer autre chose que la jeune blonde.

— Tu es livide, Simmons. L'informa Lucien.

Elle fronça ses sourcils et mit de l'espace entre elle et Kasen.

— Ce n'est pas du tout la raison, tenta-t-elle de se justifier.

— Quel est donc la raison?

— Elle est juste surprise de me voir. Après tout ce n'est pas tous les jours qu'on voit une déesse, la voix de Piper retentit autour de la table, ce qui amena tout le monde à se retourner pour l'observer.

Elle l'avait déclaré le plus sérieusement au monde tout en fixant Nurys. Elle prit ensuite place devant Kasen et posa son plateau avant de se tourner vers les autres en souriant. Elle avait un de ses sourires qui pouvaient réchauffer même les cœurs les plus durs. Elle ne souriait pas juste avec sa bouche mais aussi avec ses yeux. Et l'on pouvait voir ses fossettes se dessiner.

— Je plaisante, ne me prenez pas au sérieux, déclara-t-elle d'une voix dépourvue d'humeur. Elle se leva ensuite avant de se pencher au niveau de Kasen, Kay' tu as une petite tâche sur la joue.

Cette affirmation suffit à créer différentes réactions au sein de la table. En effet, il n'y avait actuellement rien sur la joue du châtain.

Ils l'observèrent tous - Nurys mieux que tout le monde, vu sa proximité à Kasen- utiliser son pouce et toucher lascivement le coin de la bouche de Kasen.

— Voilà c'est fait. Maintenant vous parliez de quoi? J'ai hâte de manger.

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