La première à réagir à cette phrase fut Keyana qui s'esclaffa de rire. Elle fut aussitôt suivit par Nurys qui n'arrivait pas à croire que son amie ait pu suggérer une idée aussi rocambolesque.

— Bien entendu, vous êtes libre d'accepter cette invitation si bon vous semble.

Nurys et Keyana s'échangèrent un regard avant de rire de plus belle.

Entre deux hoquets, Nurys prit la parole.

— Te rends-tu compte que le dortoir des garçons est formellement interdit au sexe opposé?

— Vous rendez-vous compte que vous êtes les seules à avoir véritablement prit en compte cette interdiction?

Elles n'avaient jamais eu besoin d'enfreindre cette règle, vu qu'avant de connaître Alyssa, elles n'avaient pas d'amis. Et encore moins des amis qu'elles avaient besoin d'aller visiter dans leur dortoir.

— Sérieusement? À quoi bon? demanda Keyana.

— L'amour est connu pour désarçonner même les plus bonnes manières au monde, répondit Alyssa tandis qu'elle haussait ses épaules.

— Donc quel est ton plan? Enchaîna Nurys.

— Très simple. Les garçons à savoir Calum, Lucien, Kasen et Jacob organisent souvent des petites retrouvailles après chaque repas. Il est censé accommodé une vingtaine de personnes mais il y en a toujours plusieurs.

— Et à quelle heure cela finit?

— Ça dépend. Vous vous doutez bien que certaines filles préfèrent continuer la nuit avec leurs promis. Mais la plupart du temps cela ne dure que deux heures au maximum.

Elles hochèrent toutes les deux de la tête. De toute façon, elles n'avaient rien à perdre.

❃❃❃

— Nurys! S'exclama Jacob, la minute où elles pénétrèrent dans l'enceinte de la salle commune des garçons.

Elle avait pu constater que leur relation avait évolué après ce jour au balcon. Il lui lançait quelques fois des sourires et la saluait à chaque fois qu'ils se voyaient. En un mot, il lui avait permit de pénétrer dans son cocon et pour ça, elle lui était reconnaissante.

— Jacob, répondit-elle en souriant.

Bien entendu, cela n'avait pas voulu dire qu'ils se feraient des câlins ou autre chose dans le genre. Jacob était peut-être un homosexuel mais il restait malgré tout réservé.

— Je ne m'attendais pas à te voir ici un de ces jours, lui confia-t-il, avant de se tourner vers les deux autres filles.

— Keyana, Alyssa, bienvenue.

Une fois qu'il les eut fait entrer, Keyana et Nurys purent découvrir pour la première fois la salle commune des garçons dans toute son entièreté.

Elle était aussi vaste que celle des filles. Et si la salle commune des filles était blanche avec des tons roses, celle des garçons étaient entièrement bleue et noire. Beaucoup d'autres choses se démarquaient comme l'emplacement des tables, chaises, la cheminée et même le coin de jeux ou d'études.

— Où sont les autres? s'enquit Alyssa, presqu'aussitôt.

— Au coin habituel. À l'exception de Kasen qui prend à présent de l'air à l'extérieur, déclara-t-il, lançant un regard appuyé à sa toute nouvelle amie.

Nurys comprit bien entendu que c'était sa façon à lui de proposer qu'elle rejoigne le châtain.

— Pourquoi n'est-il pas ici plutôt? S'enquit-elle.

En posant la question, elle remarqua le regard qu'échangèrent son interlocuteur et Alyssa.

— Je suis sûre d'avoir vu ce regard entre vous. Y aurait-il quelque chose que je devrais savoir? Fut-elle rapide à demander.

— Rien, à part le fait que nous sommes confiants que tu ne nous croirais pas si nous te donnions la raison.

— Essayez voir.

Keyana s'étouffa dans un rire, ce qui dirigea toute l'attention vers elle.

— Je pense qu'ils essayent de te dire que Kasen ne trouve plus aucune raison à faire la fête puisque, si je ne me trompe, la raison principale était d'être proche des filles.

Les deux hochèrent vigoureusement de la tête.

— Je pense que tu devrais aller le voir, réitéra Jacob.

— Pas envie, fut la réponse de Nurys avant qu'elle ne disparaisse, se frayant un chemin entre les élèves présents.

— Elle n'apprendra donc jamais! Déclara Alyssa en croisant ses bras.

— Je pense qu'elle restera aussi têtue.

❃❃❃

— Ils ignorent tous que je suis ici et je préfère que ça reste comme ça.

— Je ne savais pas que cela te dérangeait tant d'être vue en ma compagnie.

— Cela n'a rien avoir à faire avec toi.

— Vraiment Nurys? En es-tu sûre? S'enquit Kasen en se retournant.

Il avait été accoudé au balcon des secondes plus tôt, profitant du spectacle qui lui était offert.

Il n'y avait véritablement rien à voir. Mais il préférait cette vue à celle de leur salle commune.

De là où il était, il bénéficiait d'une vue sur leur terrain de basket-ball, un de ses sports préférés et le lac des cygnes baptisé Furion, par la directrice elle-même. Ceux-ci y dormaient présentement et leurs plumes blanches semblaient briller au clair de la lune. C'était pour Kasen, un très beau spectacle.

Nurys prit quelques pas dans sa direction et fut aussitôt frappée par la fraîcheur de la nuit. Elle croisa presqu'aussitôt ses bras.

— Tu sais très bien que je n'ai aucun problème avec toi.

— J'aimerais te croire, déclara-t-il, en faisant volte-face. Elle le rejoignit au niveau du balcon.

Elle ne répondit pas, trop occupée à observer cette vue en sa compagnie.

— C'est beau.

— Aussi belle est elle, cette vue n'arrive pas à tes chevilles. Pourrais-je te poser une question, Nurys Simmons?

Nurys sourit en acquiesçant de la tête.

— Qu'est-ce qui t'as amené à t'intéresser à Christopher?

Elle poussa un soupir et perdit également son sourire en pensant à combien le sujet de Christopher revenait un peu trop ces derniers temps. Il était censé avoir été enterré depuis très longtemps. Mais il revenait dans toutes ses conversations, lui rappelant ce qu'elle n'avait jamais pu obtenir.

Il était toujours là, trouvant un moyen de lui rappeler la réalité et de lui rappeler que les races ne se mélangeaient pas.

— Kasen, je n'ai aucune envie d'aborder ce sujet de nouveau... Encore moins avec toi.

— J'essaye de prouver un point.

Vaincue, elle baissa la tête.

— Tout de lui, je dirai. Sa façon d'être, de se comporter. L'éclat dans ses yeux quand il souriait...  Commença-t-elle, mais elle ne put se résoudre à terminer sa phrase.

Elle se mordait à présent la lèvre inférieure en se forçant à ne pas pleurer. Elle ne se rendait compte que quand elle parlait de lui, du comment Christopher avait brisé un truc en elle.

Son cœur sûrement.

Elle n'avait jamais autant aimé personne avant et même après lui.

Elle l'avait tellement aimé.

Peut-être qu'elle était juste faible ou qu'elle se mentait à elle même?

Comment pouvait-elle aimer quelqu'un avec qui elle n'avait jamais entretenu une vraie relation?

Kasen tendit sa main vers son visage avec caution et quand il se rendit compte qu'elle ne s'en défaisait pas, il attrapa son menton délicatement en la forçant à le regarder.

— C'est le point que j'essaye de prouver. Ce n'était pas à cause de sa couleur de peau et je suis prêt à parier que cela ne considérait nullement un point fort. Non tu es tombée amoureuse de quelque chose à l'intérieur. Quelque chose que tu as vu. Il se tut et l'observa.

Leurs yeux ne se quittant plus, Nurys se rendit compte qu'en effet, elle était si concentrée sur le fait que Kasen était de cette race qui l'avait jadis trahi, qu'elle ne l'avait jamais regardé en tant que ce qu'il était, c'est-à-dire Kasen, le Kasen qui était intéressé en elle.

Ce Kasen qu'elle avait trouvé éperdument beau la première fois qu'elle l'avait vu à la bibliothèque.

Ce Kasen qui n'avait eu aucune difficulté à s'infiltrer dans son monde et tout chambouler.

— Je ne suis pas entrain de dire que je suis amoureux, mais tu m'intéresses un peu trop pour que cela soit normal, expliqua-t-il, en sortant un petit calepin de la poche arrière de son pantalon.

— J'écris parfois des scènes dans lesquelles j'imagine notre relation et nos réactions dans certaines situations, déclara-t-il, en passant son autre main dans ses cheveux.

Une fois encore, elle ne put s'empêcher de remarquer qu'il devait être stressé ou peut-être même embarrassé.

À présent, il arrivait à peine à la regarder dans les yeux, ce qu'elle trouvait mignon.

Elle rapprocha sa main méticuleusement et attrapait celle qu'il s'efforçait à passer dans ses cheveux encore et encore.

Le contact propulsa en Nurys des émotions qu'elle ne pensait jamais ressentir. Elle lâcha rapidement sa main et se concentra sur la vue qui s'offrait à eux.

— Comme notre rendez-vous ensemble? s'enquit-elle.

— Il doit avoir au moins cinq différentes fins en relation à ce rendez-vous. Elle pouvait percevoir dans sa voix un nouvel entrain. Comme si penser à ce rendez-vous qui n'allait sûrement jamais avoir lieu, le rendait heureux.

Elle tourna la tête dans sa direction et quand leurs yeux se croisèrent, il se sourirent.

— Penses-tu que cela soit mauvais que je sois autant obsédé par toi? Demanda—t-il.

— Je n'appellerai pas ça de l'obsession.

— Ah bon? Tu ne trouves pas ça un peu-

— Extra oui, mais je trouve ça plus mignon, l'interrompit-elle, en ébouriffant ses cheveux.

Il se décala, mais loin d'être énervé, il affichait un grand sourire.

Le téléphone de Nurys sonna et ils purent constater que c'était Keyana.

— Je dois la rejoindre avant qu'elle ne se fasse trop de soucis.

— Merci d'être venu ce soir. Ma soirée était un peu trop morose.

Nurys lui montra sa langue tel un enfant avant de se diriger vers la porte par laquelle elle était arrivée.

— J'ai constaté. Et Kasen, que dirais-tu qu'on se fasse ce rendez-vous un de ces jours? S'enquit-elle et avant qu'il n'ait répondu, elle avait disparu.