Chapitre 7 - Lo d'Hexe

Les champs de sigènes argentés montaient si haut qu'il était impossible de vraiment savoir s'iels s'approchaient de leur destination. Dans les rares éclaircies trouées par des villages ou des campements, l'immense falaise de Pierremêle se dessinait à l'est, mur infranchissable qui enfermait les plaines de la Botte loin du royaume d'Aradhis. Les falaises s'arrêtaient net, un peu plus au nord, là où la rivière creusait la terre. C'était là qu'iels continueraient leur route jusqu'au village de Sabot-sur-l'eau, le seul gué sûr pour rejoindre les forêts d'Hexe au nord.

Lo essuya la sueur qui perlait sur son front. La chaleur était particulièrement étouffante, aujourd'hui. Del parlait à peine, concentré sur chaque pas qu'il faisait, déterminé à marcher malgré la douleur qui irradiait de ses jambes et de son ventre. Lo aurait apprécié la distraction de ses questions incessantes, pourtant : ses pensées courraient constamment vers Elys, sur ce que ses actions pouvaient signifier. Mais aussi sur qui il avait été, bien avant que Lo ne le rencontre. Elys aussi avait prit la route vers la forêt du Nord, pour remplir une quête dont il ne soupçonnait alors pas lui-même l'importance. Avait-il ressenti les mêmes choses que Lo, à son départ ? Cette angoisse sourde, alors que les paysages changeaient doucement de silhouette et que la destination paraissait encore désespérément lointaine ?

Non. Elys avait su dès le départ pourquoi il faisait ce qu'il faisait : Lo n'en avait pas la moindre idée. Était-iel en route pour aider son ami ? Pour regagner son titre ? Pour former Del à devenir Chevalier ?

Ce dernier point était facile à dénier : hors de question que Lo prenne un apprenti. Iel ferait un trop piètre enseignant. Si Del tenait tant que ça à trouver quelqu'un pour le former, il pourrait demander à Lylia. Elle n'était plus Chevaleresse, mais elle savait transmettre, soutenir, emmener plus loin ses protégés. Elle pourrait le comprendre un peu mieux que Lo, étant une Maegis elle aussi. Si Lo essayait d'enseigner quoi que ce soit à Del, tout ce qu'iel ferait serait lui donner ses difficultés, ses écueils, ses échecs, sans lui montrer comment en faire des forces. Lo n'avait pas encore appris à le faire, pour iel-même.

Il y avait autre chose, aussi, qu'Elys n'avait jamais pu ressentir lorsqu'il était parti pour sa quête. 

Cette chose qui manquait à Lo plus que tout.

La forêt.

Plus Lo avançait, plus ses pas se faisaient rapides. Iel sentait l'appel de la forêt lea porter en avant. Sa forêt lui réclamait de revenir, de plus en plus fort à chaque fois que ses sabots se rapprochaient. Au fond, c'était peut-être ça, la vraie raison de sa quête. Peut-être que s'iel était parti·e pour les forêts du nord, c'était pour retourner dans les arbres. Pour sentir qu'iel appartenait à un endroit.

D'un autre côté...

Et si, en revenant là-bas, la connexion n'existait plus ? Et si la forêt ne lea reconnaissait plus ? Et si Lo ne reconnaissait plus la forêt ?

Un mouvement, à la périphérie de sa perception, brisa le flot morose de ses pensées.

— Une personne derrière nous, constata Lo. Qui nous rattrape.

— On marche si lentement que ça ? s'indigna Del.

En signe de protestation, le jeune Maegis accéléra le pas. Il ne réussit qu'à trébucher à demi sur ses pieds dans la manœuvre, rattrapé de justesse par Lo d'une main sur le bras.

— Non, iel court, répondit Lo. Du calme.

— On se cache ?

— Pas le temps.

Iels n'eurent qu'à attendre quelques instants pour entendre le pas de course pressé de deux sabots sur le sol sec, accompagné d'une respiration haletante. Lo se retourna vers une jeune hybride avec une robe en dentelle ivoire, une longue queue reptilienne, deux paires d'yeux rouges sur un visage gris sans nez et un petit chapeau de paille avec un ruban.

— Excusez-moi ! interpella-t-elle. Désolée de vous déranger !

Lo et Del s'arrêtèrent pour laisser l'hybride les rejoindre. A bout de souffle, elle ralentit, faisant signe vers le chemin qui continuait devant elleux.

— C'est bien la route pour Hexe ? Par là ?

— Oui, c'est la bonne, confirma Lo avec un léger sourire.

Le soulagement était flagrant dans les quatre yeux rouges. L'hybride réajusta son chapeau et reprit sa respiration en marchant à leur côté quelques instants.

— C'est que je me cachais parce qu'il y avait des gens armés qui attaquaient un convoi, et... et je me suis déjà trompée de route une fois, je veux juste rentrer chez moi, conclut-elle, la voix légèrement tremblante. Vous êtes absolument sûr·es ?

— En suivant la route principale puis la rivière, il ne reste plus que quatre jours à notre rythme, confirma Lo.

— Si tu viens avec nous, tu es sûre de pas te perdre, offrit Del. Lo connait bien la route !

Lo échangea un regard avec son compagnon de route, qui semblait avoir totalement oublié qu'iels étaient poursuivis et que les accompagner n'était pas particulièrement l'option la plus sûre pour l'enfant. Del se contenta de lui renvoyer un regard perplexe, puis d'hausser les épaules.

— Oh, je ne voudrais pas imposer, répondit la jeune fille. Même si ça me rassurerait quand même un peu...

Lo retint un soupir, puis acquiesça lentement. Après tout, iels avaient réussi à esquiver toutes les attaques, depuis la première. Et la petite hybride serait probablement plus en sécurité avec quelqu'un pour la protéger.

— Ce n'est pas un problème, affirma-t-iel.

Del et Ode - c'était son nom - entrèrent facilement dans une conversation légère. Iels apprirent ainsi que, du haut de ses onze ans, Ode avait été forcée de quitter son apprentissage auprès d'une maîtresse couturière, trop démunie pour la garder sous son aile, et retournait donc dans la seule maison qu'il lui restait, chez ses cousin·es à Hexe. Ode n'avait jamais fait le voyage seule et elle regrettait de ne pas avoir attendu de trouver une caravane de Marchants. Jusqu'ici, chaque heure passée sur la route l'avait terriblement angoissée.

Ensuite, Del commença à parler de pâtisseries, et une guerre sans merci naquit entre les deux jeunes gens. Del ne jurait que par les pépites, crémeuses à l'intérieur et croquantes à l'extérieur, alors qu'Ode était convaincue que rien de plus délicieux que les arabelles acidulées n'avaient jamais été inventé de mémoire de barde. Iels semblèrent au moins s'accorder qu'avoir les deux dans son assiette était une garantie de festin.

Iels marchèrent toute la journée à un rythme léger malgré la chaleur et l'angoisse d'Ode. L'enfant fut vite rassurée par l'enthousiasme débordant de Del. Aucun chasseur de prime ne se montra ce jour-là, ce qui n'était finalement pas si étonnant : plus iels s'éloignaient de la Botte, plus les rejoindre prendrait du temps depuis le poste de contrôle. Si on ajoutait à cela les échos de la défaite des premiers chasseurs envoyés et le fait qu'iels s'étaient cachés depuis, les rumeurs avaient sans doute fait augmenter les prix pour leur exécution. Même Asynda n'avait pas un budget illimité.

Ce soir-là, lorsque Lo s'endormit, iel était à peu près certain·e que ces ennuis-là étaient derrière iel. Ne restait plus que tout ceux qui les attendaient à Hexe - et au-delà.

***

À chaque pas, la forêt se rapprochait. Chaque sabot posé sur le sol était presque une torture. Lo voudrait être déjà là. Pouvoir toucher les troncs de ses doigts, sentir l'humus dans ses narines, lover son essence dans l'aura familière de celle de la forêt.

Iel avait su que la forêt lui manquait. Iel ne s'en était pas caché·e. Mais à présent qu'iel en était si proche, ce n'était plus un manque. C'était un besoin.

Sans elle, Lo étouffait.

Iel devait la rejoindre, et vite. C'était sa forêt, celle qui l'avait vu grandir, celle qui l'avait vu partir. C'était une part d'iel qu'iel avait laissé derrière et qu'iel n'aurait jamais dû.

Et pourtant, quelque chose n'allait pas. Iel le sentait. La forêt avait changé. Quelque chose s'était glissé entre ses racines.

Sans iel, elle aussi étouffait.

— Ça va pas ? demanda Del. Tu respires bizarrement.

Lo reprit une grande inspiration. Iel concentra son attention sur le visage poupin de Del et la bouille angélique d'Ode, qui lea regardaient tout·es les deux avec une inquiétude non masquée. Iel leur sourit, un sourire qu'iel voulait rassurant et qui trompa visiblement Ode. Del beaucoup moins, s'iel en croyait son regard suspicieux.

— Juste pressé·e d'arriver.

— Et de te débarrasser de nous, avoue ? moqua Del.

— Je n'attends que ça, mentit Lo.

Encore une fois, iel ne berna pas le jeune Maegis, qui lui adressa une moue faussement scandalisée avant de se lancer dans une série de questions sur la ville principale. Lo soupçonnait que dès qu'il poserait le pied au-delà de la sente des gardes, Del serait le pire des touristes que la forêt d'Hexe ait jamais connu. Il n'y en avait pas vraiment beaucoup, de toute façon - et sans doute moins encore ces derniers temps.

— C'est la seule grande ville dans laquelle je ne suis jamais allé, admit Del. Je suis allé à Aradhis, bien sûr, mais en passant par Pierremêle. Comme il y a des ascenseurs ça va plus vite que de faire tout le tour par la rivière, sur une carte c'est presque tout droit comme ça !

Le Maegis traça dans les airs une carte imaginaire, reliant la Botte, Pierremêle puis Aradhis d'un seul grand trait.

— C'est joli Pierremêle ? demanda Ode.

Del se lança dans une description enthousiaste de la cité à demi enterrée dans la falaise. Au fur et à mesure de son récit, le sourire de Lo se fit de plus en plus sincère. Del croisa son regard, et les étincelles dans les yeux de l'adolescent se firent encore plus radieuses. Lo ne se sentait pas particulièrement bien, mais la joie intrépide de Del l'aidait à espérer que ça irait mieux.

Au détour du chemin, leur environnement changea : au lieu de ne distinguer que des murs de sigènes à perte de vue, le sentier s'ouvrait brutalement, droit devant eux, à quelques dizaines de mètres. Iels accélèrent le pas pour pouvoir admirer le paysage, enfin dégagé. Les champs de sigènes s'arrêtaient net, là où le terrain devenait trop pentu pour maintenir les cultures. En bas de la descente, longue d'une vingtaine de mètres tout au plus, la rivière roulait dans son lit, plus agitée et plus haute que la normale. Aucune barque ne pouvait naviguer, dans ces conditions : les rares marins prendraient le risque de s'écraser sur les rochers ou de finir retournés par une vague trop brusque. Les états de la rivière étaient imprévisibles, indépendants du reste du monde : pourtant, la voir ainsi agitée mis Lo plus mal à l'aise qu'iel ne l'aurait cru.

Son regard fut cependant vite happé par la forêt. Elle était enfin là, sous ses yeux. Juste de l'autre côté de la rivière. Ses belles cimes multicolores et ses feuillages aux textures innombrables lea surprenaient encore, même s'iel les connaissait par coeur.

— Ouah, mais c'est trop beau ! s'exclama Del, comme en écho à ses pensées.

— C'est encore plus joli dedans, tu verras, assura Ode.

— Par contre, on traverse comment ?

Puisqu'aucune barque ne naviguait, iels ne pouvait espérer raccourcir leur trajet en s'invitant à bord. Lo ferma les yeux. Quelque chose lea titillait, dans un coin de son esprit, quelque chose qui n'avait pas sa place, quelque chose...

— Lo, on doit pouvoir aller par le gué, non ? l'interrompit Ode.

Iel rouvrit les yeux. Les deux enfants lea fixaient avec curiosité, Del les mains accrochées aux sangles de son sac et Ode basculant d'un sabot sur l'autre.

— Juste un instant, leur intima-t-iel avec un signe de main.

Lo se concentra de nouveau sur la sensation fugace qui avait accaparée son attention. 

Perturbé·e par l'interruption de la jeune fille, iel eut du mal à retrouver ce qu'iel cherchait. La seule certitude qu'iel eut, lorsqu'iel rouvrit de nouveau les yeux, était que sa connexion avec la forêt avait perdu en intensité, ce qui n'avait rien de rassurant. Lo aurait pu aisément croire que cela venait d'iel - mais iel savait, au fond, que c'était autre chose qui brouillait ainsi ses sens.
Avec un soupir vaincu, Lo rouvrit les yeux.

— J'ai cru sentir quelque chose, mais je ne sais pas quoi, expliqua-t-iel avant de répondre à la question d'Ode : Oui, on peut passer par le gué.

Remonter jusqu'à Sabot-sur-l'eau demanderait au moins une longue demi-journée de marche. De là, iels pourraient choisir entre s'arrêter dormir dans le village, ou continuer à voyager de nuit jusqu'à leur destination finale les quelques heures qu'il leur restait pour rejoindre Hexe. Lo soupçonnait qu'iels prendraient plus de temps que prévu, cependant : tous les deux mètres, Del s'arrêtait pour admirer les jeux de l'eau sur les rochers, s'approchant parfois un peu trop dangereusement du rebord. Si la rivière n'avait pas été aussi tumultueuse, Lo n'aurait probablement pas hésité longtemps avant de le pousser pour le laisser plonger dans l'eau tête la première. Iel n'était même pas certain que ça aurait suffit à calmer son enthousiasme un brin trop intrépide.

Iels s'arrêtèrent encore deux fois - pour manger ou pour reposer leurs jambes fatiguées - avant que le village de Sabot-sur-l'eau n'apparaisse au creux de la rivière. Par-dessus le tumulte de l'eau, Lo entendit le chaos des voix et le cliquetis du métal, inhabituels à cette période de l'année. Quelques minutes plus tard, iel pouvait distinguer nettement les silhouettes de nombreux soldats, tout autour du gué, qui surveillaient les allées et venues, arrêtant tous les individus qui leur paraissaient suspects. Des Maegis, principalement. La plupart devait faire demi-tour, direction Aradhis.

— Ce n'est pas bon signe, ça...

Del se mordit la lèvre. Lo partageait son inquiétude : iels seraient forcément arrêtés par les soldats, avec lui dans la bande. Mais iels n'avaient pas vraiment d'autres choix que de tenter le passage.

— Essayons, l'encouragea-t-iel.

— C'est des gens d'Hexe, ajouta Ode. Peut-être qu'iels cherchent quelqu'un ?

Comme iels s'y attendaient, les soldats - qui, Ode avait raison, n'étaient pas des gardes d'Aradhis mais bien des soldats indépendants d'Hexe - les arrêtèrent dès qu'iels posèrent les yeux sur Del. Lo et Ode encadrèrent le jeune Maegis, qui força un sourire pour cacher sa nervosité, et Lo aborda la faune en armure qui leur avait fait signe de ne plus avancer.

— Qu'y-a-t-il ? demanda-t-iel en langue faune, la variante d'Hexe.

— On surveille, répondit-elle simplement dans la même langue. Un ami à toi ?

— Oui, confirma Lo. Vous cherchez un Maegis en particulier ?

— Peu pas en dire plus, désolée. Bon, ça ira, vous pouvez y aller tous les trois. C'est qu'un gosse, précisa-t-elle pour le soldat qui l'accompagnait.

Son voisin approuva d'un signe de tête, et le trio traversa le gué sans encombre. Del continuait d'attirer les regards mais, sagement installé entre lea faune et la petite hybride, personne ne lui fit de remarques ni ne l'arrêta de nouveau. Le temps de traverser la foule, et il était déjà tard : iels auraient été mieux dans une auberge, mais impossible d'en trouver une avec ne serait-ce qu'un lit de libre. Tout était pris et les campements fleurissaient au bord de la rivière et en lisière de la forêt.

— C'est normal, ça ? murmura Del. Qu'il y ait autant de monde ?

Le garçon essayait tant bien que mal de masquer les douleurs qui alourdissaient ses pas, sans succès. Il avait cruellement besoin de dormir ailleurs que par terre, ne serait-ce qu'une nuit. Lo soupçonnait que s'il n'était pas ainsi maintenu si près de lea faune, Del aurait depuis longtemps trébuché sur une racine ou terminé au sol, bousculé accidentellement par la foule qui grossissait. Il y avait tellement de monde qu'ici, Lo peinait à ressentir l'appel de la forêt, étouffé par les essences magiques entremêlées des centaines de personnes rassemblées.

— Oui, répondit Ode avant que Lo n'ait le temps de dire non. Il n'y a plus de place dans les maisons, les gens dorment dehors.

La honte envahit Lo : depuis combien de temps était-iel parti d'Hexe, exactement, pour ne pas savoir répondre correctement à une question aussi évidente ? Ce n'était pas comme s'iel n'était pas au courant, en réalité.

Iel savait, qu'il y avait des camps. Qu'il y avait des problèmes. C'était juste qu'iel s'était dit...

La honte grandit. Iel s'était dit qu'il y avait des problèmes, mais que ce n'était pas les siens. Voilà ce qu'iel s'était dit, même s'iel n'avait pas prononcé ni pensé les mots.

Voilà ce qu'iel s'était dit. Pas son problème.

— Il reste quelques heures de marche avant Hexe, constata Lo. On pourrait dormir chez mon oncle. Ou dans les bois.

— Dès que je m'écroule, tu veux dire ? grimaça Del.

— Préviens-nous avant, d'accord ? demanda Ode.

Del accepta avec un sourire, puis la jeune fille glissa sa petite main dans celle du Maegis pour lui donner du courage. Iels se frayèrent un chemin dans la foule, de moins en moins dense à mesure qu'iels avançaient sous le couvert des bois. Lo retrouva des sensations familières, toujours masquées par l'abondance de personnes. Son essence cherchait la forêt sans qu'iel ne l'y pousse. Iel tâtonnait à chaque pas, tous les sens aux aguets, le coeur battant.

Quelque chose manquait. Iel ne comprenait pas quoi, mais son inconfort grandissait de secondes en secondes. Pourquoi Lo ne trouvait pas ce qui était juste sous ses yeux ?

Déraciné·e.

Une odeur de pourriture entra brusquement dans ses narines et envahit ses poumons. Iel étouffa, les yeux larmoyants. Trébucha, tomba à genou, les paumes dans la terre battue par des centaines de bottes et de sabots.

Déraciné·e.

L'odeur grossit, grossit, entra dans les moindres interstices, s'ancra en iel, germa, mourut, pourrit dans son coeur. Puis, brusquement, Lo inspira une grande goulée d'air frais, et l'odeur disparut aussi vite qu'elle était venue.

— Lo ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Le souffle court, iel croisa les yeux sans pupilles de Del, agenouillé par terre à ses côtés. Y lut de l'inquiétude. Derrière iel, Ode retenait ses cheveux comme si elle avait peur qu'iel ne se vomisse dessus. Honnêtement, iel était surpris de ne pas l'avoir fait.

— L'odeur... vous n'avez pas senti ?

Del échangea un regard avec Ode, secoua la tête, négatif. Tout autour d'elleux, les passants jetaient des coups d'oeil vers leur trio, surpris et curieux, sans s'arrêter pour autant. Lo prit une brève inspiration : l'odeur avait totalement disparu. Iel se remit doucement sur ses sabots, cherchant du regard ce qui en avait pu être à l'origine, n'identifia rien. Comme un murmure, une idée tournait dans sa tête sans répit.

Déraciné·e.

Déraciné·e.

— Lo, qu'est-ce qu'il se passe ? insista Del. T'as vraiment l'air malade...

— Je ne sais pas, admit-iel. C'est parti, maintenant.

Lo chassa quelques boucles de son front en sueur, se frotta les yeux d'un revers de paume. L'odeur était partie, mais la sensation que quelque chose pourrissait persistait dans son coeur. Les sabots lourds, Lo repartit en avant.


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