Chapitre 5 : Asta

— Je veux un animal.

Ma phrase résonne dans le hall d'entrée de notre maison à Dakar.

— Mais mademoiselle Sylla, votre avion décollera dans deux heures, on ne peut pas aller dans une animalerie...

Je jette un regard noir au chauffeur.

— Débrouillez-vous. Si vous continuez à argumenter en vain, c'est sûr qu'on aura pas le temps. Et je vous rappelle que c'est votre travail de me conduire à l'aéroport à l'heure. Si vous êtes le meilleur dans votre métier, comment ce fait-il qu'il y ait un risque que j'arrive en retard ?

Il baisse les yeux et fixe ses pieds.

— Bon, je veux un chat, débrouillez vous pour m'emmener à un endroit où ils en vendent.

— Bien mademoiselle.

J'ai un rictus.

— Dans ce cas, qu'est ce que vous faites planté là comme des imbéciles ? On y va ou pas ?

Ils sursautent de manière synchronisée et s'empressent de me laisser sortir. Je monte dans la voiture et attends qu'ils chargent les valise en observant le quartier.

C'est ici que j'ai grandi et je vais devoir tout quitter parce que des idiots ont décidé de me laisser sur Terre alors qu'eux partent dans l'espace.

Mes parents sont des milliardaires, patrons d'une marque de voiture de luxe dont je ne me rappelle jamais le nom, ils sont assez importants pour faire en sorte qu'on prenne une autre personne, mais tous ce qui les intéressait, c'est la pub qu'ils ont gratuitement en laissant leur fille sur la planète.

Depuis toute petite, je les vois très rarement, ils sont toujours en déplacement et ne voulaient pas que je les accompagne.

À mon anniversaire, je me retrouve seule dans nos manoir, en attendant qu'ils daignent se montrer, même si c'était cinq minutes.

Le démarrage de la voiture me ramène brusquement à la réalité.

Je reprends mon air maussade et fixe un point imaginaire devant moi.

— On arrive bientôt ?

— Oui, c'est là.

Il se gare sur le parking d'un refuge pour animaux.

— Quoi ? Mais je ne veux pas d'un animal dont personne ne veut !

— Mademoiselle, ce n'est pas comme ça que je les vois, je trouve plutôt qu'ils ont été trahi par ceux qu'ils aimaient et qu'ils ont besoin d'aide pour replacer leur confiance dans les humains.

Je réfléchis pendant quelques secondes puis descends de la voiture.

— Vous attendez la saison des pluies pour sortir ? Dépêchez-vous, le temps que vous mettez, je ne le récupère pas.

Je vois la gouvernante sourire puis, je tourne les talons et rentre dans le bâtiment.

— Bonjour jeune fille, que puis-je faire pour toi ? me demande un vieil homme.

— Je viens pour adopter un chat.

— Bien sûr, mais est ce que tes parents sont là ?

— Non.

— Je crains que ça ne soit pas possible, il faut qu'ils soient présent pour signer les papiers, tu ne peux pas le faire seule.

Je plisse les yeux et le regarde de haut.

— Vous.

— Pardon ? fait-il sans comprendre.

— On ne se connaît pas, vous devez me vouvoyer et pas me parler aussi familièrement que ce que vous venez de faire.

Il écarquille les yeux.

— Et je veux un chat, mes parents seraient furieux si vous n'acceptiez pas.

— Et qui sont-t-ils ?

— Aïda et Saliou Sylla.

Son visage se décompose.

— Les créateurs des voiture Guépard ?

— Oui, pourquoi ?

— Je... je ne savais pas... veuillez m'excuser...

— Je ne suis pas venue pour ça mais pour avoir un animal et j'ai un avion à prendre, vous allez vous dépêcher, oui ou non ?

— Ah oui... Je vais vous montrer les chats qu'on a.

Il me conduit dans une pièce où se trouvent des centaines de cages.

Quand je passe à côté d'aux, les félins se mettent à miauler et à attirer notre attention  sauf quelques uns qui se cache au fond de leur abris.

— Vous ne les laissez pas tout le temps comme ça j'espère ?

— Non, on les lâche quelques heures par jours dans une pièce faite exprès pour ça.

Mon cœur se serre quand je vois ces pauvres petites bêtes rejetées par le monde.

— C'est un refuge uniquement pour chat ?

— Oui, vous avez choisi ?

— Je les prends tous.

Pendant quelques secondes, il me fixe, la bouche entrouverte.

— Euh... vous allez bien ?

— Oui, oui, ne vous inquiétez pas.

— Montrez moi cette salle où ils se défoulent.

— Très bien.

Quand j'arrive dedans, je n'en crois pas mes yeux.

C'est sorte de gigantesque arène de sable avec quelques tronc d'arbres morts.

Je repère une sortie qui donne sur la ville.

— On peut programmer l'ouverture ?

— Oui, pourquoi ?

— Alors, je veux qu'à 18h30, la porte s'ouvre et en attendant, faites sortir ces pauvre petits animaux de leur cage.

Il obéit à contrecœur et bientôt, une marrée de chat envahit le lieu.

Je retourne à l'endroit où se trouve les prisons pour minous afin de vérifier qu'ils sont tous sorti.

Je remarque qu'un chat angora turc aux yeux vairons est toujours blotti dans sa cage comme si c'était son seul abri.

— Pourquoi un chat d'un aussi haut pedigree est-il  dans un endroit aussi miteux ?

— Ses anciens propriétaire pensaient qu'on l'avait marabouté et que ses yeux de deux couleurs différente étaient le signe qu'il portait malheur.

J'ouvre le grillage qui le sépare du reste du monde.

— Sort, tu es libre.

L'animal ne bouge pas d'un poil.

— De quoi a-t-elle peur ?

— C'est un mâle. Mais, vous savez... chez les animaux, c'est la loi du plus fort qui règne...

— Lui, je le prends avec moi. Mes parents feront le versement sur votre compte en banque, au revoir.

Je cours chercher une cage de transport que j'avais repéré dans un coin et la met à l'intérieur.

— Ne t'en fais pas mon grand, je vais t'emmener à un endroit où tu seras bien. C'est la campagne et personne en pourra t'embêter.

Je sors de la bâtisse et retourne à ma voiture.

— Alors mademoiselle, vous avez trouvé ce que vous cherchez ?

— Oui, j'ai acheté tout les chat et j'ai demandé à ce qu'ils soient relâchés dans la fin d'après midi.

La gouvernante me fixe sans oser me dire ce qu'elle pense.

— Je pense que si nous roulons vite, nous pourrons arriver à l'heure.

— Très bien, faites le nécessaire.

Je me fait un petit récapitulatif de la situation.

Alors, dans quelques heures j'arriverai en France au moment où l'Europe sera évacuée, on me conduira chez un garçon dénommé Gab qui vit chez ses grand-parents et je l'aiderai à s'occuper des poneys du centre équestre de ses grand-parents.

— Mademoiselle, vous pouvez sortir, nous sommes arrivé.

Je m'exécute en silence et suit les domestiques vers un des nombreux jets privés de mes parents.

Une fois à l'intérieur, je les vois.

— Asta ! Ma fille chérie ! Tu m'as manqué ! me dit mon père avec un grand sourire quand il m'aperçoit.

— Dans ce cas, pourquoi n'êtes vous pas venu me voir depuis 3 mois ?

— Voyons ma petite gazelle, fait ma mère, tu sais très bien que papa et maman sont très occupés.

— Pas la peine de me parler comme si j'avais 5 ans, j'en ai 14. Vous avez entendu ? 14 !

— Mais bien sûr qu'on le sait ma petite princesse, on ne va pas oublier ton âge quand même !

Je me tourne vers mon père avec un rictus moqueur.

— Pourtant, vous avez bien oublié mon anniversaire la dernière fois.

Ils se taisent tout les deux et échangent un regard gêné.

— Pardon, ça nous était complétement sorti de la tête.

Je soupire en m'installant sur un siège luxueux.

— C'est bon, c'est pas grave, ça arrive à tout le monde je suppose.

Le silence se fait pesant jusqu'à ce que ma mère brise la glace.

— Alors, voudrais-tu que l'on fasse venir d'autre ados en Bretagne pour que tu ne te retrouves pas seule avec ce paysan français ?

— Maman, paysan c'est quand on fait pousser des fruits et des légumes.

— C'est exactement la même chose qu'élever des chevaux, c'est un niveau social très bas.

— Je te rappelle qu'en France, c'est une activité de nobles au départ et que j'ai pris des cours d'équitation. Tu es en train de m'expliquer que je ne suis pas monté à cheval mais que j'ai contrôlé la croissance de pieds de salades ?

Elle ouvre la bouche comme pour répondre mais aucun son n'en sort.

— Et sinon, tu sais qu'en Guyane, ils n'ont même pas vérifié l'âge de la personne qui a été tirée au sort ? Elle s'est présenté pour avoir la solde qui permettra à sa famille de se nourrir mais elle n'a que 12 ans !

L'annonce de mon père me fait réagir.

— Alors qu'est ce que vous attendez pour la faire venir ! Elle ne pourra pas se débrouiller toute seule la pauvre !

Dès que j'ai prononcé ces mots, me parents se tournent vers le majordome qui passait à proximité.

— Vous l'avez entendu ? Prévenez le pilote de notre avion de chasse qui est au Mexique, il faut qu'il nous rejoigne avec la fille à l'aéroport le plus proche de Tréduder.

Pour ne pas m'ennuyer pendant le trajet, je ferme les yeux et sombre rapidement dans le sommeil.


     Merci d'attacher vos ceintures pour l'atterrissage.

L'annonce me fait émerger.

Je regarde par le hublot, il y a des pistes grises partout encerclées par des champs.

L'aéroport de St Brieuc.

À peine l'avion s'est-il arrêté que je me lève de mon siège et sort par la rampe de débarquement qui vient d'être mise.

— Enfin le sol ! J'en peut plus de l'avion !

Mes parents me suivent de manière plus calme.

— Calme toi Asta, il y a des gens. Il ne faudrait pas qu'ils croient que nous sommes des sauvages en Afrique, déjà que la colonisation a donné ces préjugés, il ne faut pas en rajouter...

Je lève les yeux au ciel mais j'obtempère.

— Bon, tu vas devoir prendre la voiture, c'est Joseph qui va te conduire, m'annonce mon paternel en désignant le chauffeur, vous devriez arriver dans une heure.

Je montre que j'ai compris puis vais le serrer dans mes bras.

— Vous allez me manquer...

— Toi aussi fillette.

Ma mère se joint à notre câlin de groupe.

— N'oublies pas tes bonnes manières, rappelle toi que tu seras l'invité, fait-elle.

— Et fait attention avec ce garçon, renchérit son mari.

Je souris.

— Oui, j'espère qu'on se reverra bientôt...

Pour éviter les adieu larmoyant, je me détourne.

— Attends ! Asta, j'ai failli oublié de te donner ça !

Je regarde avec curiosité ce qu'elle me tend.

— C'est un talkie-phone, garde le précieusement, c'est le seul moyen de contact qu'on aura...

Je hoche de la tête, le met dans la poche de mon blouson et grimpe dans la voiture.


         — Nous sommes arrivés !

J'ouvre péniblement les yeux, je ne m'étais même pas rendu compte que je dormais.

Une ferme ancienne traditionnelle de la région entourée de prés.

— C'est... magnifique même si c'est pas aussi beau que la région de Dakar.

— Je vous aide à sortir vos affaires et après je m'en vais. J'ai été heureux de vous connaître.

— Moi aussi, désolée de vous avoir compliqué l'existence Joseph, je n'ai pas été facile à vivre.

Il m'observe d'un regard amusé puis sort les valises du coffres avant de les traîner devant la porte d'entrée.

— Tenez, fait-il en me tendant la cage de mon chat, comment allez vous l'appeler ?

— Je n'en sais rien, je lui donnerai un nom si il veut bien rester avec moi mais je lui laisserai la possibilité de partir et d'être libre.

— Vous avez un grand cœur, ravi de vous avoir connu.

Il retourne dans la voiture et démarre en me faisant un signe de la main. Je remarque un visage qui me fixe depuis une fenêtre puis qui disparait.

— Où est-il passé ?

Comme pour me répondre, la porte s'ouvre.

— Qui es-tu ?

— Je m'appelle Asta Sylla, fille des créateurs de la marque de voiture Guépard et choisie en Afrique pour rester sur Terre. Mes parents ont déclaré que je ne devrai pas rester seule et du coup, j'ai décidé de venir ici.

Il me fixe, les yeux écarquillés.

— Ah oui, et j'oubliais, il y aura la Guyanaise qui arrivera bientôt

— Bon, rentre, tu dois avoir froid si tu viens d'un pays au climat tropical... Tu m'expliqueras toute cette histoire dans le salon.


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