5. Adoption
Reykjavík avança lentement en désactivant le cran de sûreté de son fusil. Elle chargea son arme et se cacha contre un pan de mur, aussi près que possible du trou béant dans le plafond. Moins de cinq secondes plus tard, elle entendit des bruits et des voix, et elle sut qu'ils arrivaient. L'un des soldats posa les pieds au sol à seulement un mètre cinquante d'elle et l'aperçut. Bien entraîné, l'homme ne perdit pas de temps et commença à lever son arme vers elle.
« Non, ne tire... », commença-t-elle quand elle croisa son regard.
Voyant bien qu'il ne comptait pas l'écouter, Reykjavík fit un pas en avant et donna un puissant coup de crosse dans sa main gauche. Il étouffa un grognement de douleur mais ne lâcha pas tout à fait son arme, contraignant la blonde aux yeux gris à donner rapidement un autre coup dans sa deuxième main. L'arme tomba enfin, mais les autres militaires avaient largement eu le temps de la repérer à leur tour et de commencer à la viser. Reykjavík recula vivement pour se trouver dans un angle mort, plus loin derrière le pan de mur qu'elle avait choisi pour se cacher, mais, alors qu'elle pensait que le premier soldat allait abandonner – après tout, son adversaire était armée d'un fusil d'assaut, lui ne l'était plus pour le moment –, il bondit vers elle en sortant un couteau d'un étui latéral. Reykjavík esquiva habilement les deux premiers coups, puis elle frappa son assaillant dans la gorge, d'un grand coup de poing cette fois. Le soldat lâcha son couteau sur le coup et bascula en arrière, heurtant une poutre avant d'atteindre le sol. Reykjavík, la respiration rendue un peu rapide par le stress, le visa au cas où il serait encore en état de l'attaquer, mais un mouvement sur sa gauche la contraignit à changer de cible ; une femme était apparue, elle avait contourné le mur et pointait son arme sur Reykjavík. La femme en combinaison rouge lui rendit la politesse, mais comme il fallait s'y attendre, le reste du commando l'encercla rapidement. Reykjavík jeta un bref coup d'œil tout autour d'elle, un simple réflexe au cas où il y ait une issue, mais elle le savait, la seule issue possible était celle qui avait été planifiée, et il ne fallait donc pas commettre la moindre erreur.
Alors, Reykjavík commença par écarter lentement son index droit de la détente pour montrer qu'elle était raisonnable et qu'elle allait se rendre.
« Pose ton arme par terre, très lentement, et recule d'un pas, lui ordonna un militaire sur sa droite.
— OK OK, je pose mon arme, mais je suis pas une braqueuse, je suis des forces spéciales, répondit Reykjavík en s'accroupissant doucement pour déposer son fusil au sol.
— Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? » lâcha froidement un autre homme.
Reykjavík tourna la tête vers sa gauche pour apercevoir le visage du militaire qui avait parlé, et elle reconnut Gandía. Il était bien amoché, pourtant son expression donnait envie de l'abîmer plus encore. Toujours lentement, Reykjavík se redressa et leva ses mains à hauteur d'épaules avant de répondre tout en reculant d'un pas comme on le lui avait enjoint.
« Izira Ortega, j'ai été blessée pendant l'intervention, les autres ont dû se prendre une sacrée raclée, parce qu'ils m'ont laissée sur place.
— La nana des forces spéciales elle est restée sur place parce qu'elle est morte, lui tint tête Gandía.
— Eh bah non. J'étais juste inconsciente. Sans déconner c'est super comme accueil, j'aurais mieux fait de rester m'emmerder avec les autres otages, ajouta sèchement Reykjavik en se souvenant du conseil du Professeur intitulé « un coupable ne s'énerve pas ».
— Plus haut que ça les mains », les interrompit le premier homme à avoir parlé.
Reykjavík leva donc les mains à hauteur de son visage, et il y eut un court silence pendant lequel le vraisemblable meneur du commando sembla réfléchir. Finalement, il contacta l'extérieur, sans détourner son arme de l'intruse qui prétendait ne pas en être une.
« Colonel, trouvez-moi le signalement de l'agent des forces spéciales qui a été laissée sur place. Bien sûr que non, prenez votre temps, je vous le demande juste pour que vous me fassiez un peu la lecture parce que je m'ennuie. Putain grouillez-vous sérieux. »
Un ricanement s'éleva derrière Reykjavík, qui pivota la tête pour voir un homme aux yeux cerclés de peintures de guerre. Il n'était pas particulièrement grand, mais sa folie, elle, semblait immense lorsqu'on entendait son rire.
« Tamayo, c'est bon, vous avez trouvé ? s'impatienta le chef du petit groupe d'élite. Bien, dites-moi si la description que je vais vous faire correspond. Entre trente et quarante ans, environ un mètre soixante-cinq, corpulence normale, cheveux blonds, yeux... gris. Oui, c'est tout ce que j'ai comme infos, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus ? Qu'elle a blessé un de mes hommes, qu'elle est plutôt agréable à regarder, qu'elle a du sang plein le cou, qu'elle porte une de ces foutues combi rouges et qu'elle a des armes ? Dites-moi juste si ça correspond et arrêtez avec vos questions débiles. OK, je vois. Évidemment qu'elle est vivante, ça serait pas urgent sinon.
— On perd du temps, remarqua l'unique femme du commando.
— Exact, soupira son chef. Ortega, le colonel Tamayo veut savoir comment tu peux tenir debout alors que tu as pris une balle en plein dans la trachée.
— Je n'ai pris qu'un fragment à vitesse réduite, expliqua Reykjavík. C'était une balle à tête creuse, elle a éclaté contre mon gilet pare-balles, y a qu'un morceau qui m'a atteinte, il a à peine dépassé l'épiderme, sans la grenade qui a sauté un peu trop près j'aurais pu repartir avec mon unité, mais je me suis cogné la tête.
— Ah c'est ça l'hématome ? commença Gandía avec un air moqueur en regardant le bleu qui s'étendait entre la pommette et la tempe gauche de Reykjavík. Ils doivent pas être si efficaces que ça les casques des forces spéciales. Ça te fait une sale gueule en plus.
— T'as vu la tienne ? se défendit-elle. C'est plus un visage, c'est une boîte d'agrafes.
— Négatif, je suis juste blindé, je suis fort comme du titane, affirma pourtant le chef de la sécurité de la banque d'Espagne avec un sourire condescendant.
— Titane, t'es sûr ? J'aurais dit tétanos moi. »
Un mouvement attira l'attention des deux belligérants, qui tournèrent la tête vers le leader de l'expédition. Agacé, il leur avait fait signe de se taire pour pouvoir reprendre son échange avec la police.
« Tamayo ? C'était juste un fragment de balle à tête creuse qui a éclaté sur son gilet, blessure superficielle. Suite au prochain épisode, j'ai une mission à remplir moi, terminé. »
Le silence s'installa de nouveau, et Reykjavík attendit, anxieuse. Elle ignorait comment allait Helsinki, elle ne savait pas non plus où étaient les autres, mais elle espérait que le temps qu'elle était en train de faire perdre au commando allait leur permettre de mieux s'organiser.
Finalement, lentement, le meneur du groupe de militaires baissa son arme. Mais il ne donna pas l'ordre aux autres de l'imiter, il se contenta de faire un pas dans la direction de Reykjavík et de ramasser l'arme que la prétendue membre des forces spéciales avait posée par terre. Il se redressa, et il y eut encore un instant de flottement pendant lequel l'homme fixa Reykjavík droit dans les yeux. La braqueuse commença à se questionner sérieusement : est-ce que les êtres humains dotés de détecteurs de mensonges naturels existaient réellement ? Et si oui, est-ce que le responsable du commando faisait partie de cette catégorie à part ?
Mais le militaire tendit finalement à Reykjavík le fusil qu'elle avait été contrainte d'abandonner. Non, ça n'existe pas les détecteurs de mensonges naturels. Ou en tout cas, lui n'en a pas.
Reykjavík referma les doigts autour de son arme, infiniment soulagée, et tous les fusils qui la menaçaient s'inclinèrent lentement vers le sol, libérant la femme au centre du cercle de leur menace meurtrière.
« On n'a pas le temps pour une extraction, déclara le plus gradé des militaires. De toute façon on va pas cracher sur une recrue supplémentaire, alors tu vas rester avec nous. Je suis le commandant Sagasta. Celui avec qui tu t'es déjà engueulée c'est le capitaine Gandía, et là c'est Hernando, Ramiro, Arteche, Tosco, Canalejas. Et celui que tu as amoché, c'est Torrecilla. Ça va mieux, Torrecilla ?
— Oui, commandant, j'arrive de nouveau à respirer et à parler, mais je vais avoir perdu en précision de tir... », répondit d'une voix éraillée l'homme assis contre une colonne.
Quelques militaires regardèrent Reykjavík de travers, et elle eut l'impression que si elle faisait un mouvement un peu trop brusque elle risquait toujours de se prendre une balle.
« Désolée, lâcha-t-elle à regret. Mais c'est déjà dur de ne pas tuer quelqu'un qui essaie de vous couper en morceaux, alors réussir en plus à ne pas l'amocher... »
L'homme blessé se releva, aidé par le cinglé qui riait pour pas grand-chose, et il récupéra ses armes, mais un son en provenance de l'autre bout de la salle de réception attira l'attention de tout le groupe avant que le blessé ait eu le temps de ramasser son couteau.
Une quinte de toux. Helsinki.
« Attention, à neuf heures ! » lança Sagasta alors que tout le monde visait la zone d'où provenait le bruit.
Et Helsinki, comprenant qu'il était repéré, ouvrit le feu.
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