2. La Nouvelle Otage
Reykjavík retira le tour-de-cou qui masquait son visage jusqu'à son nez, puis elle adressa un grand sourire à ses deux amies et elle félicita Tokyo pour son timing.
« Ah, ça, répliqua la jeune femme aux cheveux courts, on n'avait plutôt pas intérêt à se planter, ou il te manquerait au mieux un bras ou une jambe. Je vois que la poche de sang a éclaté comme il faut, mais désolée, il va quand même falloir qu'on te fasse une petite coupure.
— Hmm-hmm, lâcha Reykjavík sans grand enthousiasme alors qu'elle se remettait sur ses jambes.
— On en a déjà parlé avec le professeur, argumenta alors Tokyo. Si un système anti-incendie se déclenche quelque part ou qu'une canalisation pète et rince tout le sang, il doit rester une blessure, ou tu vas griller ta couverture et te faire griller sur place. »
Tokyo posa ses mains sur ses hanches en inclinant la tête sur le côté, visiblement en attente d'une réponse.
« Oui oui, je sais bien, je suis juste pas ravie par principe à l'idée de provoquer une blessure intentionnellement », assura Reykjavík dans un haussement d'épaules.
Elle enleva son casque et retira le reste de son équipement, se débarrassant notamment de la petite poche plastique rougie par les restes de sang qui était dissimulée sous son gilet pare-balles. Stockholm lui apporta une des fameuses combinaisons rouges ainsi qu'un t-shirt noir, et Reykjavík enfila ses nouveaux vêtements en prenant garde à ne pas essuyer trop du sang recouvrant encore le haut de son torse et une partie de son cou.
« Tiens, voilà le brouilleur, fit Stockholm en lui tendant un appareil assez petit pour entrer dans la paume de la main et surmonté de deux antennes d'environ deux centimètres. C'est le plus petit qu'on a pu trouver, alors fais attention à la batterie. »
Reykjavík hocha doucement la tête en prenant le brouilleur dans ses mains tachées de sang encore humide, et elle observa quelques instants le petit dispositif avant de relever les yeux vers la femme aux cheveux blonds bouclés face à elle.
« Quelle portée il a finalement ?
— Cinq mètres seulement, sinon il y aurait trop de risques qu'il bloque aussi nos communications. Pense à l'éteindre quand l'un de nous est à moins de cinq mètres, et ne t'éloignes pas du groupe d'intervention, évidemment. Ah et, on en a déjà parlé, mais fais attention à...
— À ne pas me faire repérer comme une bleue quand je l'allume et que je l'éteins ? compléta Reykjavík en haussant les sourcils tout en inclinant la tête sur le côté.
— Te vexe pas, j'insinue pas que t'es une amateure, je dis juste que dans l'action tu peux paniquer et ne pas être assez discrète. Rappelle-toi bien que s'ils arrivent à communiquer avec l'extérieur de temps en temps c'est pas grave. Ce qui compte c'est de les embrouiller et de faire en sorte qu'ils ne sachent jamais à l'avance s'ils pourront compter sur une aide extérieure. »
La blonde ensanglantée hocha doucement la tête avec un sourire, puis elle reporta son attention sur le brouilleur.
« Reykjavík, réflexe ! »
L'intéressée releva vivement la tête et attrapa le rouleau de scotch que Tokyo lui lançait. La brune lui adressa un sourire au moment où Rio entrait de nouveau dans la salle, et Tokyo lâcha « Si t'avais pas réussi, c'est que t'étais pas prête à partir » avant de rejoindre le jeune homme dont elle était folle. Reykjavík se contenta de secouer la tête, et elle souleva son t-shirt noir pour placer le brouilleur contre son ventre et l'y scotcher.
« Tu veux toujours le mettre à gauche ? la questionna Stockholm qui était en train de récupérer un nouveau gilet pare-balles dans un coin.
— Affirmatif. Si pour une raison ou pour une autre je me prends du gros calibre, je préfère éviter de me retrouver avec des éclats de brouilleur dans le foie. »
Stockholm confirma d'un hochement de tête, et elle attendit que Reykjavík ait remis correctement son t-shirt et refermé sa combinaison pour lui donner le gilet pare-balles. La fausse policière l'enfila sous l'œil attentif de Stockholm et même de Tokyo et de Rio, qui s'étaient tous deux approchés.
« C'est bon ? On voit rien ? leur demanda Reykjavík en écartant les bras.
— Rien du tout, affirma Tokyo.
— Il est assez à gauche pour que tu puisses l'allumer et l'éteindre facilement ? s'enquit alors Rio.
— Oui, c'est bon, confirma la blonde aux yeux gris en vérifiant qu'elle pouvait atteindre l'interrupteur malgré les deux couches de vêtements.
— Super, intervint Stockholm. En plus on dirait vraiment que tu as juste le réflexe de t'accrocher à ton gilet, ça fait naturel, s'ils te voient faire en dehors des combats ils penseront jamais que t'es en train de la leur faire à l'envers. Et en cas de fouille ? »
Reykjavík palpa alors son gilet pare-balles, ses iris se promenant de gauche à droite pendant qu'elle se concentrait.
« Je sens rien, conclut-elle en secouant lentement la tête. Pas de différence de niveau.
— Donc pas besoin d'alléger le gilet côté gauche, c'est une bonne nouvelle.
— Plutôt oui », répondit Reykjavík avec un sourire.
◘
« Hé, Matías ! On t'amène une petite nouvelle ! »
La voix enjouée de Tokyo avait résonné dans la bibliothèque, où elle poussa Reykjavík pour qu'elle rejoigne les otages rassemblés là. Elle força la fausse nouvelle otage à s'asseoir et recommença à s'éloigner, posant une main sur l'épaule gauche de Matías en passant à côté de lui. « On lui a attaché les mains, mais surveille-la bien quand même », lâcha-t-elle avant de disparaître.
Autour de Reykjavík, les vrais otages échangeaient des œillades, attendant visiblement que Matías s'éloigne assez pour qu'ils puissent aborder en sécurité la nouvelle arrivante.
« Vous avez des nouvelles de l'extérieur ? s'enquit un homme dont la voix tremblait d'appréhension.
— Ne vous en faites pas, ils ne vont pas vous laisser tomber, et les braqueurs ne vous feront sûrement pas de mal si vous ne tentez rien de stupide. Essayez de rester calmes, ça ne fera que faciliter le travail de la police. »
Reykjavík ponctua sa courte tirade d'un sourire rassurant, et l'homme qui lui avait adressé la parole hocha faiblement la tête tout en prenant une lente inspiration pour recouvrer un peu de sérénité.
« Vous allez bien ? lui demanda une femme d'une quarantaine d'année assise à sa gauche, les traits crispés à la vue du sang qui maculait la peau de l'otage aux poignets liés.
— Oui oui, c'est impressionnant mais ça va, ça ne fait pas plus mal qu'une petite entaille au couteau. »
Et pour cause...
« Hé ! les interrompit Matías. Je vous ai dit tout à l'heure de faire comme à l'école ! Du silence ! Philosophez, faites ce que vous voulez, je m'en tape, mais dans votre tête, en silence ! »
Les discussions cessèrent alors, et Reykjavík lança un regard faussement contrarié à l'homme armé posté à une dizaine de mètres de là.
Elle n'avait plus qu'à attendre et à écouter ce qu'il se passait parmi ce groupe d'otages.
◘
Matías avait l'air très préoccupé tout à coup. Ses sourcils étaient un peu froncés, ses mains étaient crispées, et il semblait très concentré. Quelque chose se passait, et le chargé de la garde des otages venait peut-être de recevoir de nouvelles instructions.
Et effectivement, Matías marcha d'un pas énergique en direction de Reykjavík, qui redressa la tête avec un air curieux.
« Mes amis veulent te poser plus de questions sur les tiens, annonça alors Matías. Lève-toi.
— Pas la peine, t'as qu'à dire à tes amis que les miens les emmerdent.
— Debout j'ai dit ! »
Il saisit le bras gauche de Reykjavík et la releva d'un geste brusque avant de la tirer vers la sortie.
« Dis-toi que t'as de la chance, tu vas pouvoir te dégourdir les jambes. »
Lorsqu'ils eurent quitté la bibliothèque, Matías sortit un couteau pour libérer Reykjavík de ses liens, et il lui montra un sac noir posé sur un banc.
« Voilà tes armes. Dépêche-toi de t'équiper, des militaires vont bientôt arriver. », fit-il à voix basse pour que les otages de l'autre côté de la porte ne risquent pas de l'entendre.
Reykjavík prit une inspiration en hochant la tête, se préparant mentalement à l'idée d'enfin commencer vraiment ce pourquoi elle avait tant répété au monastère. Matías lui tendit de quoi communiquer avec le reste des braqueurs, et il repartit dans la bibliothèque surveiller les otages. Rapidement, Reykjavík mit en route l'oreillette et ouvrit le sac pour en extraire les armes dont elle allait avoir besoin.
« Ici Reykjavík, je suis bientôt opérationnelle.
— Parfait, répondit la voix de Palerme. Reykjavík, le professeur a eu un problème, mais on va s'en sortir.
— Un problème ? répéta Reykjavík en arrêtant soudain d'attacher le pistolet à sa jambe.
— Il faut faire avec, concentre-toi et applique le plan. »
La femme à la queue de cheval blonde reprit sa préparation, décidée à suivre ce conseil même si cela lui coûtait.
« On est tous en train de se mettre en position pour accueillir nos invités comme il se doit. Tokyo, Denver et Manille sont dans les conduits de ventilation, nous on est déjà prêts. Gandía a quitté la banque, mais ce gros enculé va revenir s'il en a l'occasion. Ne t'en fais pas, il n'y a aucune chance qu'il sache que tu es avec nous. Rejoins la zone de contact.
— Compris », répliqua Reykjavík en se mettant en route.
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