17. Sente sanguinolente

Reykjavík rouvrit les yeux en toussant afin d'évacuer la poussière qui était parvenue à entrer dans son système respiratoire, et elle redressa doucement la tête, un peu sonnée. Elle avait les idées à peu près clair juste avant d'atteindre le sol, mais à présent elle sentait qu'il lui fallait quelques secondes pour retrouver ses esprits. Alors, lorsqu'elle vit Sagasta se relever lentement à sa gauche et venir s'accroupir auprès d'elle, genou à terre, elle pensa tout d'abord qu'il la soupçonnait de quelque chose et qu'il voulait l'interroger. Se sentant en danger, elle se défendit directement en se redressant sur son coude gauche pour faire face au mieux au commandant :

« Je savais pas, je savais pas, j'aurais dû le pousser dans une autre direction..., dit-elle d'une voix un brin lézardée.

— Honnêtement, je pense que si tu avais su qu'il y aurait une explosion, tu l'aurais poussé pile sur la grenade », répondit pourtant le commandant dans un léger haussement de sourcils.

Alors qu'il achevait sa phrase, il avait commencé à passer rapidement les doigts sur la peau et les vêtements de Reykjavík, et cette dernière comprit qu'il n'était pas venu pour lui demander des explications, mais pour vérifier qu'elle n'était pas blessée. Mais pourquoi ne s'était-il pas contenté de le lui demander ? Sentant que sa tête tournait légèrement, Reykjavík reposa pourtant la tête au sol sans poser la question.

« Je pense pas que tout ce sang soit à toi, tu serais bien plus mal en point sinon, fit Sagasta alors qu'il était occupé à passer une main sur le bras gauche de Reykjavík pour s'assurer qu'une pression n'engendrait pas de réaction douloureuse.

— Hein ? »

Reykjavík, les idées un peu plus claires, se redressa sur son coude droit, et elle se rendit enfin compte qu'elle était couverte de sang des genoux jusqu'au menton. Elle avait bien perçu une odeur métallique au moment de rouvrir les yeux, mais elle ne pensait pas que la source de cette exhalaison se trouvait si proche, sur elle et pas simplement autour d'elle.

La blonde aux yeux gris porta par réflexe sa main droite jusqu'à son thorax, mais ses doigts restèrent en suspens à quelques centimètres de son gilet pare-balles poisseux de sang. Son attention avait été capturée par un cri de douleur étouffé, et ses yeux firent enfin la mise au point sur une masse sombre à environ trois mètres devant elle. Gandía était au sol, agité de spasmes douloureux, nappé de sang, Torrecilla et Arteche penchés sur lui pour le soigner de leur mieux.

Les deux iris pâles de Reykjavík glissèrent ensuite sur le sang sur le sol, sans doute charrié par le souffle de l'explosion, et elle dut retenir un haut-le-cœur lorsqu'elle découvrit que cette sente sanguinolente venait jusqu'à elle. C'était le sang de Gandía qui la recouvrait en partie.

« F... faut que j'aille vomir », balbutia Reykjavík en se redressant brutalement.

Mais son mouvement fut interrompu avant même qu'elle soit totalement assise : Sagasta avait agrippé le bord supérieur du gilet pare-balles de Reykjavík, et il la repoussa pour l'obliger à se rallonger.

« T'iras vomir plus tard, fit-il en reprenant son inspection.

— Mais c'est bon y a rien, si j'avais une blessure grave je l'aurais s... »

Elle ne termina pas sa phrase, coupée par une décharge de douleur qui la fit grimacer. Le militaire accroupi près d'elle posa les yeux un instant sur le visage de Reykjavík pour constater cette réaction, puis il versa un peu d'eau sur la zone dolente afin d'y voir plus clair. Une fois le plus gros du sang, des cendres et des poussières écarté, il vit assez précisément le petit fragment enfoncé dans la chair, et il prépara une compresse ainsi que de quoi désinfecter.

« T'as eu de la chance Ortega, c'est pas un éclat de grenade. Si ça en avait été un il aurait pris plus de vitesse qu'un débris, et tu serais probablement en train de te vider de ton sang. Ça pardonne rarement une jugulaire tranchée ou arrachée.

— L'éclat aurait peut-être été ralenti en ricochant sur mon gilet, hasarda Reykjavík en réponse.

— Ouais, vu tes antécédents ça serait pas si étonnant, confirma Sagasta avec un demi-sourire. Tourne la tête. »

Reykjavík pivota donc la tête vers la droite, et Sagasta maintint son visage tourné tout en retirant le débris de l'autre main. Dents serrées, respiration coupée et lèvres pincées, la blonde aux yeux gris resta silencieuse alors qu'elle sentait que chacun des nerfs de la partie gauche de son cou se réveillaient à mesure que le fragment non-identifié quittait sa chair.

« Désolé, mais j'ai du mal à voir la forme exacte du morceau, et faudrait pas que j'arrache quelque chose en tirant trop fort.

— Ah, c'est pas de la torture alors ? Je suis soulagée, je me disais justement que je méritais quand même pas ça..., grimaça Reykjavík.

— Chut, je voulais juste t'expliquer que c'était pas gratuit, ça n'appelait pas de réponse. Quand tu parles tu m'empêches de travailler, alors plus tu parles, plus tu auras mal. »

Enfin, Sagasta termina d'extraire le fragment. Comme il n'avait plus besoin que Reykjavík reste aussi immobile, il cessa de maintenir sa tête tournée vers la droite. Ses doigts laissèrent quelques traces de sang sur la joue gauche de la blessée lorsqu'il relâcha son visage, et il pressa la plaie avec sa main libre.

Bien que ce soit douloureux, Reykjavík tourna alors la tête vers la gauche afin de voir à quoi ressemblait ce fameux débris. Sagasta avait visiblement eu raison de l'extraire lentement, car le morceau de métal rougi par le sang qu'il tenait entre ses doigts avait presque la forme d'un crochet : le retirer d'un coup sec aurait risqué de sectionner d'autres vaisseaux sanguins et d'agrandir substantiellement la lésion.

Abandonnant le débris sur le sol, le commandant nettoya à nouveau la plaie, et après une désinfection douloureuse, il ouvrit un sachet contenant une compresse.

« Tiens ça », fit-il en pressant la gaze sur la blessure qui saignait encore.

Reykjavík maintint donc la compresse en place pendant que Sagasta enroulait une bande autour du cou de la fausse agent des forces spéciales.

« Pas trop serré ? » s'enquit le militaire pour s'assurer qu'il n'était pas en train de l'étrangler.

La femme en combinaison rouge voulut répondre en secouant la tête négativement, mais elle changea d'avis pour éviter une douleur inutile, et elle se contenta de lâcher un « Non » en gardant la tête bien immobile.

« Voilà, c'est bon », fit Sagasta une fois le bandage terminé.

Il commença à se redresser et tendit une main à Reykjavík pour qu'elle fasse de même. Elle accepta l'aide, et elle remercia le commandant dès qu'elle fut enfin sur ses jambes. Sagasta lui répondit par un signe de tête, puis il lui dit d'aller aider les autres à soigner Gandía, et il se dirigea vers Hernando, qui se tenait près de l'accès aux conduits de ventilation.

« Ils sont partis à gauche, expliqua le soldat à l'approche de son commandant. Mais je ne sais pas où ils ont pris à l'embranchement juste après, il faudrait sûrement aller voir pour regarder s'il y a des traces de sang...

— Ouais, ils vont devoir choisir entre la vitesse et la discrétion, surtout avec une blessée. Ça peut valoir la peine d'essayer de les suivre », confirma Sagasta en hochant la tête doucement, l'air légèrement ailleurs comme s'il était en train de réfléchir à voix haute.

Reykjavík ramassa son arme tombée par terre lors de l'explosion. Elle se pencha lentement pour ne pas risquer un nouvel étourdissement, et cette fois elle prit garde à ne pas marcher en plein milieu de la flaque de sang qui tachait le sol. Elle devait se reconcentrer, car la partie n'était pas terminée.


Note de l'auteure :

Je sais, c'est pas très glamour comme chapitre pour un réveillon, mais bon ! xD

Merci de me lire, et bonnes fêtes de fin d'année !

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