- Mais qui es-tu en réalité ?

Il est comme moi. Brisé.

Le silence, déjà là, semble s'éterniser. Il a l'air surpris et fuis mon regard. Mais c'est vrai quoi, un coup il se moque de moi avec sa bande et un autre, il me traîne ici, pour éviter le regard des autres et m'offrir un thé. Je porte la tasse à mes lèvres, le thé est tiède, limite froid.

- Quelqu'un avec qui personne ne voudrait traîner, finit-il par répondre.

- Quand mon père est partit, ça m'a rappelé mes "démons du passé" comme tu dis. Voilà ce qui s'est passé.

Il hoche la tête, une fois, et porte la tasse à ses lèvres une nouvelle fois.

- J'ai perdu quelqu'un à qui je tenais énormément il y a quatre ans.

J'ignore pourquoi je lui raconte ça. Je ne l'ai jamais dit à qui que ce soit auparavant.

- C'est pour ça... Que tu es... Muet ?

J'acquiesce. 

- Je n'ai jamais pu supporter sa mort.

- Tu t'en veux.

Ce n'est pas une question.

- Il y a une fête pas loin d'ici avec de l'alcool.

Je suis étonné par sa question muette. Il songe vraiment à me faire venir avec lui ?

- Très peu pour moi.

- Je m'en doutais. Tu n'es pas du genre "alcool".

- Non, disons que je préfère affronter mes démons plutôt que de les fuir.

Il ne bronche pas. Ce n'était pas une critique, un fait, même si je doute qu'il le prenne bien.

- Bon bah... Je vais rentrer. Merci.

Je me lève, mal à l'aise.

- Ok.

Mais je n'en n'ai pas le courage d'y aller seul. J'ai peur qu'une fois seul, ça me retombe dessus une nouvelle fois.

- Tu comptes rester planter là jusqu'à que le café ferme ? réplique le gars.

- Est-ce que... Est-ce que ça t'ennuierait de me raccompagner ? 

Il hausse un sourcil. Il va se moquer de moi et refuser, et j'ouvre la bouche pour dire que je peux repartir seul finalement mais il répond une nouvelle fois :

- Ok.

Il laisse un billet sur la table et nous sortons. Nous restons silencieux jusqu'au moment où on arrive devant mon dortoir.

- Et maintenant ? j'interroge.

- Quoi ?

Bizarrement, il a l'air agacé.

- Qu'est-ce qui va se passer ? Je vais rester seul et tu vas retrouver ta bande, comme avant ?

Il hausse les épaules.

- Sans doute.

Je me rends compte qu'on est assez proche l'un de l'autre. Je rougis et recule un peu. Je sens mon coeur s'accélérer.

- Ok.

Nous restons silencieux. 

- Tu as un bout de papier et un stylo ? me demande t-il soudain.

- Sans doute dans le dortoir, je réponds, un peu surpris. Je vais en chercher.

Lorsque je reviens, il n'a pas bougé.

Il griffonne quelque chose sur le bout de papier. Quand il me le rend, je me rends compte qu'il a inscrit son numéro.

- Si t'as besoin, me dit-il.

- J'en doute, mais merci.

Je fourre le papier dans ma poche.

- Bon bah... je répète.

Je pose ma main sur son bras et il tressaille.

- Merci pour tout, Peter.

Je suis sincère. Il se dégage, visiblement gêné par mon toucher.

- Hmmmm, il marmonne. A plus.

Je le regarde quitter le couloir avant de rentrer pour prendre une douche.