Chapitre 2

Nous étions la veille du fameux départ en Angleterre. Je préparais donc mes bagages en prévision du séjour de deux mois que j'allais devoir passer chez mon grand-père. Je n'avais aucune hâte d'y être, j'allais sûrement passer l'été à m'ennuyer. Ma mère, au contraire, était plutôt enthousiaste.

« Ne fais pas une tête pareille Eurydice, s'exclama-t-elle en fermant sa valise. Je suis sûre que tu vas te plaire là-bas. »

Je ne répondis rien. Quelquefois, ma mère me désespérait avec son optimisme à toute épreuve. En même temps, je savais qu'il s'agissait pour elle d'une manière de se rassurer, de se dire qu'elle avait fait le bon choix. Elle devait s'occuper de mon éducation toute seule depuis la mort de mon père, survenue alors que je n'étais âgée que de trois ans. Ce n'était donc pas facile pour elle tous les jours et je l'avais toujours admirée pour son courage.

Le lendemain, nous prîmes le train pour l'Angleterre. Une fois là-bas, nous louâmes une voiture afin de rejoindre la maison de mon grand-père.

Cela faisait déjà plusieurs heures que nous roulions. Le chemin devenait de plus en plus accidenté au fur et à mesure que nous nous éloignions de la civilisation. Je ne pouvais m'empêcher d'admirer le paysage magnifique qui défilait sous mes yeux. Des collines recouvertes de bruyère s'étendaient à perte de vue. La lande anglaise, à la fois si sauvage et si poétique, me replongeait dans les romans des célèbres sœurs Brontë. Quelques fois, la voiture passait à côté d'un bâtiment en ruine. Je m'amusais alors à imaginer les personnes qui avaient pu l'habiter, toutes les histoires qui avaient pu s'y passer et, surtout, les raisons pour lesquelles ses habitants avaient décidé de partir. Ce fut la voix de ma mère qui me tira de ma rêverie contemplative :

« Regarde Eurydice, c'est le village où habite grand-père. »

En effet, nous approchions d'un hameau fait de petites maisons grises et robustes. En le traversant, j'eus le sentiment que ce village appartenait à une époque lointaine. L'atmosphère semblait tout droit sortie d'un roman.

Les quelques habitants qui étaient là nous regardaient passer avec surprise. Après tout, peu de personnes devaient se rendre dans un lieu aussi isolé. La voiture finit par s'arrêter au pied d'une grande demeure en retrait de la route. Les pierres sombres avec lesquelles elle était bâtie lui conférait une allure quelque peu sinistre.

Ma mère et moi descendîmes de la voiture et avançâmes sur le petit sentier qui menait à la maison. Le soleil était haut dans le ciel et je sentais la douce chaleur de ses rayons sur ma peau. Après avoir ouvert le portail qui gardait l'entrée du domaine, je pénétrai dans le jardin. L'herbe y était d'un vert tendre et des massifs de bruyère était disposés çà et là. En son centre se trouvait une fontaine. Il y avait également quelques arbres sous lesquels on avait mis des bancs. Ainsi, on pouvait profiter de leur ombre lors des après-midi d'été. Malgré ma réticence à venir ici, je devais bien admettre que cet endroit paisible avait un certain charme.

Je suivis ma mère dans le jardin jusqu'à ce que nous fussions à la porte de la maison. Celle-ci était d'une taille imposante et un heurtoir ouvragé l'ornait en son centre. Après que ma mère eut frappé à la porte, des pas retentirent dans la maison et un homme âgé à l'air affable vint nous ouvrir. Il nous salua avec enthousiasme et nous invita à entrer :

« Bonjour Madame, bonjour Mademoiselle, comment allez-vous ? J'espère que vous avez fait bon voyage.

- Oui, tout s'est très bien passé, merci, répondit ma mère. Eurydice, je te présente Nestor, le domestique de mon père. Nestor, je vous présente ma fille Eurydice.

- Je suis enchanté de faire votre connaissance, Mademoiselle Eurydice, s'exclama Nestor. Je suis sûr que vous allez vous plaire ici.

- C'est très gentil de votre part de m'accueillir pour les vacances, dis-je sans grande conviction.

- Mais c'est Monsieur Desfontaines qu'il faut remercier, pas moi. D'ailleurs, je vais aller le prévenir de votre venue. »

Tandis que Nestor s'éloignait, je lançai un regard circulaire dans la pièce où nous venions d'entrer. Il s'agissait d'un vaste hall d'entrée. Au milieu, il y avait un large escalier en bois recouvert d'un tapis d'une couleur rouge passée. À gauche et à droite, des portes débouchaient sur d'autres pièces du rez-de-chaussée. Un grand lustre suspendu au plafond permettait d'éclairer la pièce. Je me tournai vers ma mère qui me demanda :

« Alors, comment trouves-tu Nestor, Eurydice ?

- Il a l'air sympathique.

- Tu vois ! Il ne fallait pas avoir peur. Vous allez très bien vous entendre.

- Mmh...

- Tu es toujours aussi peu motivée à ce que je vois. Mais dans quelques jours, je suis sûre que tu auras retrouvé le sourire. »

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