CHAPITRE 8
Cette fois, le contrôle ne fait pas partie de mes priorités. Mes nerfs lâchent, et les larmes coulent abondamment. Si j'avais été debout, mon corps m'aurait sans aucun doute abandonnée. Mais déjà au sol, je ne peux que toucher la terre ou me pincer pour être sûre que je suis bien dans la réalité.
Un couinement de détresse, de douleur et de colère surgit de mes lèvres sans prévenir. Dennis ne tente pas une seule approche. Tant mieux. S'il avait essayé quoi que ce soit, il aurait sans doute regretté son geste. Si d'apparence, je semble triste et dévastée, à l'intérieur de moi, il en est tout autre.
Une colère monstrueuse prend place dans mon cœur, dans mes veines. La tombe est vide. Mon père est en vie. Son enterrement était une vaste blague. Et pendant ce temps, nous, sa famille, ceux qui l'aimaient, avait pleuré sa mort, montré son chagrin au grand jour. Il avait bien dû se marrer, dans sa planque.
Pourquoi un tel mensonge ? Pourquoi ne pas m'avoir mise dans la confidence ? Il était au courant que je savais garder les secrets. Et je suis sa fille, non ? Il était légitime que je sois mise au parfum. Et comment Thomas va le prendre ? Il a très mal vécu sa pseudo-mort, encore plus que moi. Il lui a fallu des jours, des semaines pour accepter qu'il ne reverrait plus son père.
Et maman. Merde, alors. Bien qu'ils aient divorcé, il était évident qu'ils s'aimaient encore profondément. D'ailleurs, cette séparation me fait me poser énormément de questions. Comment un couple qui s'aime aussi fort peut prendre cette décision qui fait souffrir l'un autant que l'autre ? À cette époque, j'étais encore trop jeune pour tout comprendre. À dix ans, on ne se rend pas vraiment compte de tout, mais leur tristesse, elle, était plus que visible.
Je me prends la tête entre les mains. Bordel, comment je vais annoncer ça ?
Mon portable me sort de mes pensées en vibrant contre ma cuisse. Sûrement un message de Maïa, me demandant comme se passe mon rendez-vous.
Désastreux. Complètement désastreux.
— Alexi...
Je le coupe en levant la main devant mon visage. Non, qu'il se taise, je ne suis pas encore prête à l'écouter parler ou m'expliquer tout ça.
Bien sûr, il ne fait aucun cas de ma demande silencieuse.
— Alexi, vraiment...
— Taisez-vous, s'il vous plaît.
— Non. Nous devons...
— La ferme ! hurlé-je, faisant, du même coup, s'envoler une batterie d'oiseaux de l'arbre voisin.
J'ai au moins la fierté de le voir sursauter.
— Vous croyez que c'est facile de découvrir que votre père vous a menti, qu'il n'est pas mort, qu'on a organisé un faux enterrement ? Que tout ce qu'on vous a dit durant des mois n'était que mensonges ? Que votre vie est bâtie sur... quoi, au juste ? Rien de vrai ? Un mensonge ?
Pendant mon discours, je me suis levée pour lui faire face, afin d'être à la même hauteur que lui – bien qu'il me dépasse d'une tête. Hors de question qu'il sente la tristesse en moi, cette faiblesse qui pourrait me faire plier dans n'importe quelle situation.
Soudain, mon cerveau se met en branle, et des tonnes de questions affluent. Et si... Et si tout cela n'est qu'une mise en scène, un test pour voir comment je vais réagir ? Et si, finalement, Dennis est le grand méchant, celui qui tient les ficelles de cette machination ? Après tout, aucune preuve n'étaye le contraire.
Lors de notre rencontre, il lui a juste fallu allumer son talkie-walkie pour que les démons s'évaporent. Qui me dit que ce n'était pas pour mieux m'endormir ? Certes, il a aussi dit que cette tombe n'a pas été touchée avant ma venue, mais après tout, il semble avoir quelques pouvoirs assez particuliers...
Comme si une décharge électrique m'eut parcourue de la tête aux pieds, je fais un bond en arrière, les yeux révulsés. En face de moi, Dennis semble circonspect. La tête penchée sur le côté, il ouvre et ferme la bouche, comme si les mots qu'il veut sortir restaient bloqués.
— Ne me dites pas que vous doutez encore de moi ?
Je continue de reculer tout en faisant attention à ses moindres gestes.
— Et qu'est-ce qui me prouve que je peux avoir confiance en vous ? Qui me dit que tout cela n'est pas un traquenard ? fais-je en écartant les bras, comme si j'englobais la situation toute entière.
Levant les yeux au ciel, il soupire et se pince l'arête du nez.
— J'ai l'impression de parler à une gosse de six ans, à qui il faut répéter dix fois la même chose.
Son ton, voilé par l'agacement, me fiche un peu la trouille. Néanmoins, qu'il me traite ainsi ne me plait absolument pas.
— Qui êtes-vous au juste pour me juger ? Vous m'annoncer des choses à peine inimaginables, vous me montrez une tombe vide et quoi, en échange je devrai vous tomber dans les bras, pleurer tout mon soûl et vous remercier de m'avoir ouvert les yeux ?
— Quelle comédie, marmonne-t-il.
— Pardon ?
Il secoue simplement la tête.
— Que diriez-vous de sortir de cet endroit lugubre et d'aller s'asseoir autour d'un bon café.
Un rire nerveux m'échappe.
— Vraiment ? Vous êtes sérieux ? Vous ne répondez pas à mes questions et en plus de cela, il faudrait que je vous suive ? Vous avez vraiment cru que j'étais crédule ?
— Vous êtes bien venue au rendez-vous, non ?
— Sous la menace ! hurlé-je. Si je n'étais pas venue, si dans cette remise, j'avais refusé de vous écouter, mon frère et ma mère auraient été en danger. Des centaines d'humains auraient été en danger !
Ses poings se serrent et sa mâchoire se crispe. J'en ai rien à foutre de le mettre à bout, j'ai le droit de me défendre et d'être en colère. J'ai le droit de lui montrer que je ne suis pas d'accord avec sa façon de faire, avec ses procédés.
— Un café nous fera le plus grand bien, je vous l'assure.
— Bordel... Je m'en fous de votre café ! Je veux juste rentrer chez moi et accuser le choc.
— Non.
— Quoi, non ? Finis, vos ordres. Je suis venue à votre rendez-vous, vous m'avez montré ce que vous vouliez, à présent, nos chemins se séparent.
Pendant que je parle, mes pieds se sont automatiquement mis en marche et se dirigent vers la grille d'entrée. Encore un quart d'heure et je serai sortie de cet endroit de malheur.
Une poigne forte m'attrape alors le poignet, et un cri de surprise et de douleur m'échappe. Dennis me retourne violemment contre lui. Ses yeux lancent des éclairs.
— Vous n'irez nulle part tant que je ne serai pas sûr que vous êtes en sécurité. Hors de question que je vous laisse seule.
— En sécurité ? De quoi vous parlez ? C'est avec vous que je suis en danger, avec toutes vos conneries. Ma vie se passait bien avant que vous en débarquiez.
Il ricane.
OK, peut-être pas si bien que ça, mais elle n'était pas autant chamboulée que maintenant.
— Ici, là et là-bas, explique-t-il en pointant alternativement le nord, l'est et l'ouest, des snipers sont en position, prêts à faire feu à la moindre demande.
La bouche grande ouverte et les yeux écarquillés, une goutte de sueur coule sur ma colonne vertébrale.
— Quoi ? Mais n'importe quoi ! Et comment vous pouvez le savoir ?
Un tic nerveux soulève sa pommette droite.
— Si je vous promets de vous dire une partie de la vérité, est-ce que vous seriez prête à me suivre, là, maintenant ?
Je pèse le pour et le contre, tout en regardant discrètement autour de moi. J'ai beau plisser les yeux, je ne vois aucun signe qui montre que des gens armés attendent aux endroits cités précédemment. Je n'ai pas non plus une vue aiguisée, mais il y a toujours un signe qui trompe : un éclair fugace ; un froissement de tissu.
— Ne cherchez pas de preuve, ces gars sont doués. Ils ont été entraînés pour passer inaperçus dans toutes situations.
La voix de Dennis me rappelle où je suis. Bien qu'il m'ait prouvé l'histoire de mon père, je ne lui fais toujours pas confiance. Néanmoins, l'intonation de sa voix est stable et assurée. Pas un seul doute, un seul tremblement. Peut-être que pour ça, je peux lui faire entièrement confiance...
Levant les yeux vers lui, je soupire et acquiesce d'un rapide geste.
— OK. Suivez-moi, alors, et pas de bêtises, sinon, vous serez morte sans vous en apercevoir.
Je grimace alors qu'il me tourne le dos et finis par suivre ses pas.
La nuit n'est pas encore finie. Je suis déjà épuisée moralement. Je crains le pire pour la suite.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top