8 | 'DE LA HAINE ?'

Quand j'ai finalement repris conscience, je n'ai pas réussi à ouvrir mes paupières. Rien que ça me paraissait un effort insurmontable. J'avais l'impression d'être passé sous un bus. Rien que respirer me brûlait les poumons, et c'est avec surprise que j'ai remarqué que le faible sifflement que j'entendais, c'était ma respiration. Plus spécialement, malgré la souffrance dans toutes mes articulations et surtout au niveau de mon ventre, mon genou me faisait souffrir le martyre, sans que je ne le sache pourquoi.

J'ai fini par ouvrir les yeux, ne pouvant pas continuer d'échapper à la dure réalité, et j'ai d'abord vu flou. J'ai cligné des yeux, apercevant devant moi un garçon assis, occupé à refaire sa queue de cheval. J'ai essayé de me redresser sur mes coudes, vainement. Je suis retombé par terre immédiatement, mes bras tremblant de tous leurs membres.

Ma vision se fit plus nette et j'ai alors pu distinguer Lucas, assis en tailleurs, tournant le regard vers moi. Il venait de refaire sa queue de cheval, signe que je venais de louper l'occasion de le voir avec les cheveux au naturel. J'ai froncé les sourcils devant ses blessures, bien plus nettes que celles que je lui avais fait vendredi. Il saignait beaucoup au niveau de l'arcade sourcilière, et l'hémoglobine avait commencé à sécher sous son nez et sur son menton. Son t-shirt en était aussi couvert. Sa pommette était ornée d'un énorme hématome qui n'était pas là avant, et son œil droit était à moitié recouvert d'une bosse.

Lucas ? ai-je fini par bredouiller, plus que confus et l'esprit encore totalement embrumé, Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Il enfila sa veste en jean d'un seul mouvement, soupirant en silence.

Je me suis posé devant le lycée, j'avais pas envie de rentrer immédiatement, des collègues de mon père squattent la maison.

Je n'ai même pas eu la force de le couper pour lui dire d'abréger, et me suis simplement laissé porter par le son grave de sa voix.

J'ai vu Titouan et d'autres mecs baraqués passer, mais toi, tu n'es jamais arrivé. Je m'en fichais un peu, pour être honnête, jusqu'à ce que je les entende rire comme des abrutis, continua-t-il en attrapant des mouchoirs dans son sac et du scotch, Je suis allé voir et t'étais inconscient sur le sol. Ils t'avaient déboîté le genou, et ils te donnaient des coups de pieds à répétition.

Il se scotcha ses mouchoirs sur sa blessure pour essayer d'arrêter l'hémorragie et vérifia que ça tenait bien. Rapidement, le mouchoir prit une teinte rouge pourpre. Moi, je suis resté silencieux. Je comprenais mieux pourquoi mon genou me faisait si mal.

Disons juste que j'ai cassé des nez et que Titouan ne risque plus de revenir au lycée. Je t'ai replacé ton genou aussi, tant que t'étais inconscient c'était mieux, mais tu devrais aller à l'hôpital.

Je pense qu'il n'y est pas allé à fond quand on s'est battu vendredi. Il a vraiment dû retenir ses coups, si aujourd'hui, il avait démonté trois mecs bourrus et Titouan sans plus de problème que ça. Je pense qu'il valait mieux l'avoir comme ami que comme ennemi. Malheureusement pour moi, ce n'était pas vraiment le cas, mais étrangement, il continuait de prendre soin de moi – rire sarcastique – ou du moins, n'allait pas me mettre réellement en danger. Ce qu'il ressentait réellement pour moi me perdait de plus en plus. S'il me détestait vraiment, il ne réagirait pas comme ça. Pourtant il n'avait vraiment pas l'air de m'apprécier non plus.

Il se leva et me balança son sac au visage, me coupant brusquement dans mes réflexions.

Porte ça, m'ordonna-t-il.

Tu crois sérieusement que je suis en état de jouer aux esclaves.

— Porte je te dis, espèce de con, cracha-t-il, Je te ramène chez toi, tu ne peux pas marcher et à mon avis tu ne vas pas ramper jusqu'à atteindre ta baraque !

Sans vraiment comprendre où il voulait en venir, j'ai enfilé les bretelles de son sac, et il s'est penché pour que je grimpe sur son dos. Assez sceptique au début, j'ai fini par y arriver, et je me suis laissé trimballer.

Mes bras pendaient autour de ses épaules, et il me tenait fermement les jambes pour ne pas que je tombe en arrière. J'ai posé ma tête contre son épaule et ai refermé les yeux. Contrairement à ce que lui pensait de moi, je trouvais que ses cheveux sentaient bon.

Pourquoi tu m'as aidé ? ai-je fini par marmonner contre son oreille.

Parceque j'ai un minimum de principes, si je vois quelqu'un en train de crever, je les aide.

— Mais déjà la dernière fois tu es resté ... Si tu me détestais vraiment, tu m'aurais laissé par terre. Et là, tu ne m'aurais pas aidé.

— Ne raconte pas n'importe quoi, siffla-t-il, visiblement agacé, N'importe qui aiderait à ma place ! Je ne suis pas un monstre !

— Vraiment ?

— Ta gueule !

Je n'ai tout de même pas pu m'empêcher de penser qu'au fond, il tenait à moi malgré tout.

Tout le monde ne ferait pas ça, ai-je bredouillé, les larmes aux yeux, ma voix tremblant un peu à un certain souvenir.

J'ai senti qu'il m'observait du coin de l'œil, concerné. Les larmes ont finalement fini par rouler le long de mes joues pour s'écraser sur sa veste.

T'es lourd, tu sais ça ? Physiquement et psychologiquement, se contenta-t-il de cingler.

Je l'ai ignoré, ne me sentant pas d'attaque à lui répliquer.

Merci Lucas, ai-je fini par alors murmurer en silence.

Il n'a rien répondu, et je ne sais pas si c'était seulement une hallucination, mais j'ai juré voir ses joues rosir un peu. Il ne me répondit pas et continua de marcher en silence. Mes yeux se sont fermés tous seuls, et j'ai eu énormément de mal à essayer de les garder ouverts.

Ça te dérange si je dors un peu ? ai-je hésité.

Du moment que tu ne me crèves pas dans les bras comme dans les films et les séries dramatiques, je t'en prie, repose-toi.

Ça m'arracha un timide sourire, et j'ai fermé pleinement les yeux avant de sombrer dans les bras de Morphée, me sentant étrangement apaisé et en sécurité à côté de Lucas. L'avoir à proximité me mettait en confiance. J'avais l'impression que j'étais plus fort que tout. Je me suis endormi sur cette pensée. La pensée que peut être qu'au fond, je ne le détestais pas autant que je le laissais paraître, et probablement que lui non plus d'ailleurs.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top