7 | 'L'UNIVERS CONTRE MOI'

Dès que j'ai passé les portes du lycée pour poser un pied dans le hall principal, je n'ai pu empêcher un sourire rayonnant.

Aujourd'hui je suis de bonne humeur et personne ne pourra m'enlever le sourire ! me suis-je exclamé.

Alexandre a grimacé à côté de moi.

Malgré le fait que tu sois privé de sortie pour un mois et que tu ressembles à une sorte de ramassis d'hématomes ?

— C'est qu'un détail, l'ai-je contredit en lui tapotant l'épaule amicalement.

Il me repoussa doucement. Il n'avait jamais été à l'aise avec les contacts humains, et n'avait jamais aimé ça. Je suis assez heureux de pouvoir dire que je suis le seul qui puisse lui prendre la main sans qu'il se cabre comme un animal sauvage.

Je me suis effectivement fait priver de sortie, sans grande surprise. Je ne savais pas mentir, et mes parents étaient des pacifistes. Savoir que leur fils censé être le plus gentil et amical s'était battu leur en avait foutu un coup.

J'avais un beau cocard sur l'œil gauche, mes lèvres étaient coupées et quand j'articulais trop, je sentais les coupures menacer de se rouvrir. Mon nez était recouvert d'un hématome aux couleurs de l'arc-en-ciel et j'avais une magnifique coupure sur la pommette droite. Une énorme bosse ornait aussi mon front. J'attirais l'œil, blessé comme ça, et j'en avais bien conscience.

Loïc, d'une autre classe de première, arriva vers nous.

Camille ! s'étrangla-t-il, Tu t'es battu avec Lucas ?

— Comment tu sais ? m'étonné-je.

Je l'ai vu devant le lycée, il était dans le même état que toi, grimaça-t-il simplement.

J'ai soufflé un « oh » alors que de son côté, Alex sortait son téléphone en silence, pas à l'aise autour d'un garçon qu'il ne connaissait que de vue.

Mais t'as l'air vachement heureux, finit par faire remarquer Loïc, Ça va entre vous ?

— Hein ?

— Ben, si vous vous êtes battus, c'est que vous vous êtes disputés. Et pour que tu sois de bonne humeur comme ça, c'est que ça a pas dû durer votre bagarre. Vous l'avez fait après, c'est ça ?

Je suis resté médusé par cette dernière question, et aucun son ne quitta mes cordes vocales alors que je sentais le regard rieur d'Alexandre sur moi.

Hein ? ai-je fini par lâcher.

Loïc avait l'air sur le point de poser une vingtaine de questions qui n'étaient absolument pas appropriées, et comme par hasard, c'est à ce moment là que le loup dont on parlait est passé et m'a brutalement bousculé au passage.

Eh Laguion ! Fais gaffe un peu ! ai-je craché.

Lucas s'est retourné, l'air ennuyé.

Qu'est-ce que tu me veux encore Delbot ?

— C'est toi qui demande ça ?! ai-je cinglé, déjà sur le bord de la crise de nerfs.

Lucas, nous coupa Loïc, T'as l'air bien amoché quand même, il frappe fort Camille ? Je l'ai jamais vu se battre.

Lucas haussa les sourcils, l'air confus et assez dégoûté, et il me pointa ensuite du doigt, sans quitter le regard de Loïc.

De quoi tu parles encore ? se plaint-il, Je sais pas si t'es au courant, mais lui, il est tombé dans les vapes parceque je me suis pas retenu.

La façon dont il avait formulé sa phrase fit grimacer Alexandre, qui me regarda, effaré. Loïc, quant à lui, avait l'air plus que ravi de sa réponse.

Je ne pense pas que Lucas avait la moindre idée du sens dans lequel sa phrase venait d'être comprise, je maudis l'esprit plus que déplacé constant de mes amis.

Espèce de con ! ai-je juré, Dis pas ça comme ça !

— De quoi, c'est vrai.

— Mais j'en ai marre que les gens pensent qu'on est un couple ! ai-je continué de me plaindre.

Il fronça simplement les sourcils, se demandant probablement quel état le rapport. Après quelques instants, il ouvrit la bouche.

Oh, merde.

J'hallucine ! Fais gaffe à ce que tu dis !

J'ai repris mon chemin en direction de notre salle de classe, Alexandre me suivant en silence, Lucas marchant à mes côtés, tout en m'insultant de tout ce qu'il pouvait trouver.

Mon meilleur ami nous a coupé dans notre dispute, moqueur.

C'est pas toi qui avait dit que rien ne pourrait te retirer ton sourire aujourd'hui ?

Je me suis tut alors que Lucas passait devant en murmurant un énième « enculé » dans ma direction avant d'entrer dans la classe. J'ai toussoté et ai souri grandement à nouveau, ignorant mes lèvres qui me tiraillaient.

Je suis de bonne humeur et rien ne pourra changer ça ! me suis-je exclamé une nouvelle fois en levant les bras au ciel, tout en entrant dans la classe.

Dépêchez vous d'entrer, et dans le silence. Sortez une feuille et un stylo, interrogation surprise.

Je suis resté silencieux, figé. Avec les problèmes que j'avais eu durant le weekend, je n'avais absolument pas pensé à réviser.

C'était définitif, cette journée n'était pas la bonne. L'univers s'était ligué contre moi. Personne ne voulait que je reste de bonne humeur aujourd'hui.

Après m'être misérablement dépatouillé de ce cauchemar de fonctions affines, de racines carrées et de trigonométrie avancée, le reste de la journée ne m'a pas paru si catastrophique. Bon, à la cantine, on a eu droit à des endives au jambon avec andouille en entrée et des yaourts avec des morceaux de fruits compacts en dessert. Je ne vais pas vous avouer que j'ai failli vomir mes tripes en essayant de manger ça. Que quelqu'un me rappelle que prendre entrée, plat, dessert, ce n'est pas obligatoire, sinon je vais finir par me retrouver avec des escargots dans mon assiette que je serais obligé de manger.

L'après-midi ne s'est pas si terriblement passé non plus, et j'ai commencé à croire que c'était seulement ma première heure de cours de la journée qui avait été maudite. Malheureusement pour moi, mon échappatoire de la sonnerie de dix-huit heures me fut brusquement retirée quand notre professeure principale qui était aussi notre professeure de français me demanda à moi et à Lucas d'aller l'aider à ranger les piles de manuels de français.

Elle nous détestait, c'était maintenant sûr. De la discrimination, je vous l'ai dit.

Alexandre m'a alors dit qu'il ne m'attendrait pas pour rentrer. Son père passait le prendre pour aller au cinéma voir le dernier film Marvel, et il n'avait pas envie d'arriver en retard.

Lucas et moi nous sommes jetés un regard ennuyé avant de chacun attraper des manuels. Finalement, ma journée était vraiment une journée plus que pourrie.

Ce n'est que dix minutes plus tard qu'on a finalement pu partir, et c'est entre deux insultes qu'il est parti de son côté, tandis que moi, j'ai fait un détour pour ne pas à avoir à marcher à ses côtés plus longtemps.

Le lycée était désert, ce qui me mettait étrangement mal à l'aise. C'était bizarre, de voir cet endroit usuellement bondé de monde complètement vide dix minutes seulement après la fin des cours.

Alors que je marchais en regardant mes pieds, quelqu'un est arrivé devant moi en dérapant.

Ahah ! s'écria Titouan de manière triomphante.

Ennuyé par la journée que je venais de passer, j'ai à peine réussi à esquisser un sourire narquois.

Qu'est-ce que tu fiches encore ici ? Tu m'attendais pour m'insulter de pédé ? Tu sais, je suis au courant que je suis une tarlouze, ce n'est pas toi qui va me l'apprendre. D'ailleurs, tu devrais penser à repenser à tes manières de parler, on est au XXIème siècle, après tout.

Il fit la moue et je suis passé à côté de lui sans même lui jeter un regard. Il ne valait rien, et je ne comptais pas m'abaisser à son niveau et lui faire plaisir de lui montrer que ses insultes ridicules m'affectaient.

Malheureusement pour moi, l'univers était définitivement décidé à me faire passer la pire journée de ma vie, et c'est ainsi que trois terminales ont débarqué devant moi, tous devant bien faire une tête au minimum de plus que moi.

Donc Titouan avait recruté l'aide de son fameux grand frère de dix-huit ans et de ses amis ...

Je n'ai pas eu le temps d'ouvrir la bouche pour leur demander ce qu'ils me voulaient que je me suis pris un pain en plein visage. J'ai titubé vers l'arrière, mes blessures de ma précédente bagarre se rouvrant sous la violence du coup. J'ai commencé à n'entendre qu'un étrange bourdonnement dans mes oreilles et avant même que je ne le réalise, le monde tournait autour de moi et je tombais en arrière pour la deuxième fois en moins d'une semaine.

Homophobes de merde. Journée de merde. Vie de merde.

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