3 | 'ENTRE L'AMOUR ET LA HAINE...'

J'étais plus soulagé quand j'ai repris avec Alexandre la route vers notre quartier. Cette journée avait été épuisante, c'était le moins qu'on puisse dire. Je dois avouer que comme premier jour, je m'attendais à mieux, surtout de ma part. J'ai passé ma première journée à me disputer avec Lucas pour tout et n'importe quoi, alors que je ne le connaissais que depuis le matin même.

J'avais hâte de rentrer chez moi.

Contrairement à des personnages principaux de romans mi-dramatique mi-romantique, ma famille était une famille normale. Pas de morts, pas de divorce, pas de disputes, pas de disparition de parents. J'avais une famille banale, aimante et paisible, et pour rien au monde je ne changerais ça. Mon père et ma mère s'aimaient comme au premier jour, à mon plus grand désespoir. Des fois, je les entendais la nuit ; je crois qu'ils ont arrêté d'essayer de se cacher depuis le jour où ils ont appris que je savais comment faire des enfants ça fonctionnait. Un jour, j'ai trouvé un préservatif usagé dans la poubelle, j'ai failli vomir mes tripes.

Depuis que mes deux grands frères sont partis de la maison, j'ai l'impression qu'ils s'en donnent à cœur joie, comme si je n'existais plus. Parlant de mes deux grands frères, ce sont des jumeaux, Louis et Fabien, tous deux âgés de vingt ans. Dès qu'ils ont atteint la majorité, ils se sont rapidement excusés auprès de moi pour ne pas rester plus longtemps, puis ils se sont enfuis de la maison pour aller vivre indépendamment. Louis est devenu tatoueur, à la plus grande horreur de ma tante qui a manqué l'arrêt cardiaque la dernière fois qu'elle l'a vu, en débardeur, couvert de tatouage et de piercings. Fabien est quant à lui en pleines études de médecine.

Le problème, c'est qu'ils viennent à chaque fois qu'ils ont besoin de faire leur lessive. 

Vivre indépendamment qu'ils disaient, hein.

Ça ne me dérange pas, au moins j'ai quelqu'un à qui parler. D'ailleurs, même si je n'ai aucune idée de ce que je veux faire plus tard – ça me cause pas mal de torts d'ailleurs, je sais que quand j'aurais à mon tour dix-huit ans, je prendrai la fuite hors du cocon familial. Pour aller où, bonne question, on verra bien en temps et en heure, mais en tout cas, il n'est pas question que je reste pour subir d'autres nuits de torture auditive. Je soupçonne d'ailleurs Louis et Fabien d'être partis à cause de cette raison ...

Enfin, je me suis coupé dans mes pensées quand Alexandre est arrivé chez lui et qu'il m'a prévenu que je n'avais pas intérêt à arriver en retard demain matin.

Zut, j'ai oublié de lui demander comment sa visite à l'administration s'est déroulée. Je lui demanderai demain matin, ou au pire, je verrai bien s'il est là ou non en cours d'éducation sexuelle. Je lui ai fait un rapide au revoir de la main avant de trottiner jusque chez moi. Il était déjà dix-huit heures trente et j'avais des choses à faire. J'ai vu la voiture de Louis garée sur le trottoir, me remontant déjà le moral. Je ne l'avais pas vu depuis au moins quatre mois.

Je suis entrée à la volée dans la maison, jetant pratiquement mes chaussures dans le placard avant de faire glisser mon sac jusqu'au fond du couloir au pied de l'escalier et de partir en courant dans le jardin.

Comme prévu, mon frère était là, s'étirant tout en écoutant ma mère lui raconter ses problèmes d'enseignante de maternelle.

Louis ! me suis-je écrié avant de lui sauter dessus.

Il manqua de tomber par terre en un grand « oof » puis se mit à rire.

Salut beau gosse.

— Camille, ça s'est bien passé ton premier jour en première ? hésita ma mère sans même daigner lever son postérieur de sa chaise longue.

Mon frère me reposa au sol, et j'en profitai pour m'asseoir sur la pelouse, une grimace bien visible sur mon visage au souvenir de la journée que j'avais passé – qui se résumait à mes gamineries avec Lucas.

Et bien ! soupira Louis en posant une de ses mains sur sa hanche, Vu ta tête ça a pas l'air d'avoir été très amusant !

— De une c'est des cours, forcément que ça va pas être amusant, l'ai-je contredit en fronçant les sourcils, Ma professeure principale me déteste et j'ai passé la journée à me disputer avec un abruti qui m'a dit que je puais la noix de coco.

Oh pauvre chéri, tu veux que je t'achète un autre shampoing ?

Ça va pas non ?! ai-je sifflé, Je vais continuer d'en mettre rien que pour l'énerver encore plus.

Là, ma mère resta perplexe. Elle a m'a sûrement rarement vu comme ça – vouloir énerver les autres, ça n'a jamais été quelque chose que j'ai voulu faire. J'ai toujours préféré avoir le sourire aux lèvres. Seulement, le sourire, je ne pouvais pas l'avoir dès que quelque chose me rappelait Lucas. Mon grand frère, lui, éclata de rire et me donna une grande tape dans le dos.

Quand je dirais ça à Fabien ! Il n'en croira pas ses oreilles !

Il continua de rire sous mon regard aberré. Je ne voyais pas vraiment ce qu'il y avait de drôle.

Ouais, je vais dans ma chambre, ai-je fini par déclarer en secouant la tête.

Je me suis levé rapidement et j'ai retiré l'herbe de mes vêtements en pestant – il y avait des traces vertes sur mon jean. J'ai fini par monter à l'étage jusque dans ma chambre, pour essayer de faire le vide, pour me calmer un peu. Ça n'allait mener à rien que je continue de m'énerver contre lui, ce genre de types, c'est exactement ce qu'ils veulent. Il faut que je reste calme et composé. Calme et composé.

Je suis resté allongé en étoile de mer sur mon lit les yeux fermés une dizaine de secondes, inspirant et expirant lentement.

Seulement, j'ai fini par les rouvrir brusquement en revoyant son visage, et j'ai jeté un oreiller contre la porte.

IL M'ÉNERVE !! me suis-je écrié en tapant contre mon matelas.

J'ai fini par calmer ma crise d'enfant de quatre ans, haletant. Lucas va me rendre fou.

Je vais aller manger, ça me changera les idées.

Je suis redescendu en bas, manquant de glisser dans les escaliers à cause de mes chaussettes propres et j'ai dérapé jusque dans la cuisine. J'ai fouillé dans les paquets presque vides pour sortir une barre de céréales. Je me suis assis devant le comptoir pour mâchouiller en silence.

Malheureusement pour moi, mon moment de paix fut interrompu par un regard amusé plus qu'intense. Mes yeux se sont rapidement tournés vers Louis, qui était adossé au mur, rieur.

Quoi ? ai-je marmonné en continuant de mâchouiller ma barre de céréales.

Mon petit frère tout grognon, comme c'est rare, me taquina-t-il avant de s'asseoir à côté de moi en haussant un sourcil, Alors ?

— Alors quoi ? Écoute je suis de mauvaise humeur, si tu ne l'avais pas remarqué, alors je suis désolé mais si tu as quelque chose à me dire, accouche.

— Tu sais qu'à moi tu peux me dire, hein. Avoue que tu l'aimes plutôt pas mal.

— De qui tu parles ?

— Le mec qui « t'énerve ».

J'ai manqué de m'étouffer et je me suis relevé brusquement en toussant.

N'y pense même pas ! ai-je tout de même fini par m'exclamer en le pointant d'un doigt accusateur, Lucas est un con ! Ne viens pas me dire que je l'aime alors que je le hais !

— On en reparlera dans deux mois.

— Arrête ! Il m'exaspère ! Il me dégoûte !!

Contrairement à ce qu'il pouvait penser, je n'étais pas dans un navet romantique un peu nul où les protagonistes se forcent à prouver à l'autre qu'ils se dégoûtent mutuellement, mais qui en même temps, partagent une relation plus que torride.

Je connaissais Lucas depuis environ dix heures, et il était clair que lui et moi, ça n'allait pas être l'amour fou. Peut être que certains trouvaient le coup de foudre en une journée, mais moi, j'avais trouvé un ennemi juré, et c'est tout ce que ça allait être.

On a beau dire qu'entre l'amour et la haine il n'y a qu'un pas, moi je n'y crois pas.

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