25 | 'COURS DE MATHS'
On pense souvent que les gens qui refusent d'accepter l'amour, c'est ceux qui en ont le plus souffert. Dans les films, les connards portent souvent des façades, et c'est régulièrement à la fin qu'il se repentit et devient le parfait petit ami.
D'une part, j'ai toujours trouvé ça incroyablement ridicule. La souffrance et la douleur ne sont pas des excuse pour la violence et la haine – ce sont les lâches qui essaient de se dépatouiller avec ça, quand ils réalisent qu'ils ont fait n'importe quoi.
D'autre part, moi, je ne suis pas comme ça. Je n'ai jamais vécu quoi que ce soit qu'on pourrait qualifier de traumatisant, et la pire chose qui m'est arrivé, c'est la claque de Léa qui m'a sifflé contre l'oreille et qui m'a entaillé la lèvre, en troisième. Si je rechigne l'amour et que je l'évite autant, ce n'est pour aucune raison particulière. Je préfère être libre, c'est tout, et avoir le cœur enchaîné à quelqu'un sans sa propre volonté, le donner à une personne qui pourrait en faire ce qu'elle voulait sans être capable de pouvoir le récupérer, ça me fait peur. Je trouve ça angoissant, et c'est tout.
Joaquim m'a dit que c'était bien le discours de quelqu'un qui avait vécu des choses pas bien : le discours de quelqu'un qui avait rencontré une mauvaise personne qui avait piétiné mon cœur dans la boue.
Ce n'est pas le cas, ça n'a jamais été le cas, et ça ne sera jamais le cas.
Je dirais que je suis un connard, il faut l'admettre, mais à la fois, je suis aussi un lâche. Peut-être même pire que ceux qui excusent leur violence par leur douleur superficielle et peu profonde. Après tout, je fais vraiment tout pour éviter de m'immiscer dans une quelconque relation amoureuse, et Camille, je le fuis comme la peste cet imbécile.
Au fond, je ne vaux pas mieux que ceux que je critique, et j'en suis pleinement conscient.
J'en ai pris d'autant plus conscience quand aujourd'hui, en classe de mathématiques, première heure de la journée, une fille inconnue s'est retrouvée plantée devant le tableau, un sourire rayonnant sur le visage et s'est introduite en tant que Julie.
Le sourire qu'il y avait sur les lèvres de Camille, ainsi que les yeux écarquillés et emplis d'étoiles de ses amis de collège m'ont vite fait comprendre que la Julie en question, ce n'était pas n'importe laquelle. La seule fille avec laquelle Camille était sorti, qui restera d'ailleurs la seule et l'unique.
Bizarrement, ça m'est un peu resté en travers de la gorge. Cette fille avait connu Camille sous un angle que je n'avais jamais vu, ça me mettait assez mal. Bordel je détestais me sentir de cette manière.
— Pourquoi tu tires cette tronche ? me réprimanda Joaquim, devant moi, On dirait que tu vas tuer la nouvelle.
Joëlle, qui était assise à côté de lui, se retourna à son tour, amusée.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Lucas, tu connais Julie ?
— J'ai ... Vaguement entendu parler d'elle, ai-je marmonné, espérant que les deux Jojo devant moi cessent de me parler de la sorte. Vu les étoiles de malice dans leur regard, j'ai bien compris qu'il ne manquait pas grand chose pour qu'ils commencent à se foutre de ma gueule.
Je n'ai pas eu le temps de rajouter quelque chose pour les faire taire que la-dite Julie tira la chaise à côté de moi pour s'asseoir. Toujours aussi souriante, elle s'excusa.
— Bonjour, est-ce que je peux m'asseoir à côté de toi, si ça ne te dérange pas ?
— Bah ... mon regard a scruté le reste de la classe, Y'a pas vraiment d'autre place.
— T'as choisi la mauvaise place, ma pauvre fille, se moqua Joëlle devant moi, très peu discrètement, Ce type est d'une amabilité qui approche le niveau zéro, si tu veux mon avis.
— Ah ? Elle avait l'air surprise. N'avait-elle donc pas vu la manière dont je la regardais quand elle était encore au tableau ? Je m'appelle Julie, reprit-elle.
— Je sais, ai-je conclu assez sèchement, Tu l'as dit au tableau.
Elle me dévisagea avec insistance, et j'ai bien compris que malgré tous mes efforts pour ne pas engager une conversation avec elle, je me retrouvais un peu pris au piège.
— Je m'appelle Lucas, ai-je fini par céder.
En tournant la tête pour l'observer, j'ai remarqué que ses yeux étaient écarquillés et sa bouche avait pris la forme d'un « o ». J'ai froncé les sourcils si fort qu'une ride du lion a dû apparaître entre eux. Elle m'inspectait avec encore plus de force qu'avant.
— Quoi ? ai-je sifflé, acerbe.
— Camille a de bons goûts, au final.
J'ai grimacé légèrement alors que mes joues ont probablement tourné au rouge pivoine. Devant moi, Joaquim ne manqua pas de ramener sa poire. Comme si devoir gérer Julie et son regard persistant sur mon corps n'était déjà pas suffisant.
— Tu rigoles ? Il a tiré le gros lot, le pauvre ! s'esclaffa-t-il, à croire qu'il en avait oublié le professeur qui faisait son cours deux rangées devant lui, Lucas a un caractère de merde, d'ailleurs, il lui a foutu un râteau, alors qu'il est amoureux de lui !
— Je suis pas amoureux de lui ! me suis-je énervé, encore plus rouge, alors que les épaules de Joëlle se mettaient à trembler, probablement pour essayer de cacher un fou rire imminent.
Bizarrement, le professeur ne réagit que maintenant.
— Écoutez Lucas, que vous soyez amoureux ou non de quelqu'un, je pense que tout le monde s'en contrefiche ! Ici, vous êtes en maths, et la seule chose pour laquelle vous devriez tomber amoureux, c'est les magnifiques équations au tableau que vous allez me faire le plaisir de résoudre !
Éclat de rire général dans la classe.
J'ai jeté un coup d'œil aux lignes de calculs écrites au tableau, les yeux plissés. Heureusement que pour une fois, j'avais fait mes devoirs, sinon je pense que j'étais bon pour un aller simple chez le CPE.
Du coin de l'œil, j'ai vu Camille regarder ses feuilles de cours avec intensité. C'était sûr, il m'avait entendu, comme probablement tout le reste de la classe, et il devait bien avoir compris que je parlais de lui.
Merde.
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