21 | 'LE CREUX DE LA CLAVICULE'

Parlant de tout et de rien avec Lucas, je me demandais quand même à quoi ressemblait sa maison. C'est vrai, plusieurs fois, il m'a accompagné jusque chez moi, ou on a fait une moitié du trajet ensemble avec lui et Alexandre, mais je n'ai absolument aucune idée de où il habite, mis à part que c'est près du lycée.

Et, je peux te poser une question ? lâcha-t-il en tournant la tête vers moi, me tirant hors de mes pensées. Son bras était toujours autour de mes épaules, ce qui me paraissait maintenant totalement normal.

Hm ? Vas-y.

— Ils ont réagi comment, tes parents, quand t'as fait ton coming-out ?

Je l'ai regardé bizarrement. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me pose ce genre de questions. Enfin, je ne savais pas vraiment à quoi je m'attendais dans tous les cas. Réfléchissant, j'ai fini par parler, un sourire amusé au souvenir de comment ça avait tourné.

C'était un soir à table, en quatrième comme tu le sais déjà. Mes frères étaient encore à la maison. Je l'ai dit tout simplement – enfin pas si simplement, ça m'a pris dix minutes de réussir à dire « je suis gay », et après je me suis mis à pleurer comme une madeleine.

— Attends, toi, t'as eu autant de mal que ça à l'avouer à tes parents ?

J'ai baissé la tête, mon sourire s'adoucissant.

Je savais qu'ils m'aimeraient dans tous les cas, et je n'ai jamais eu de honte à propos de ma sexualité, mais ça ne retire pas l'anxiété de savoir comment ils allaient réagir et ce qu'ils en pensaient vraiment.

— De ce que j'ai vu quand je suis venu manger chez toi, ça avait l'air plutôt cool.

— Bien sûr, ça fait quelques années quand même qu'ils sont au courant et totalement ouverts.

— Et donc ? Ils avaient réagi comment ?

— Mon père le savait déjà, d'après ce qu'il m'a dit. Il a essayé plusieurs fois de me le faire avouer, d'après lui, il aurait toujours su, même quand j'avais une copine ! je me suis mis à rire, puis en me souvenant de la réaction de ma mère, me suis calmé un peu, Ma mère a eu un peu plus de mal. Elle a dit qu'elle m'acceptait et m'aimait dans tous les cas, mais elle a eu plus de mal, ça se voyait, et elle me l'a dit. Elle ne faisait que poser des questions ou faire des remarques déplacées. Le soir, environ deux heures après que je me sois couché, mon père a dû en avoir marre, parceque je l'ai entendu crier « BORDEL, MAIS QU'EST-CE QUE ÇA PEUT TE FOUTRE S'IL AIME SE LA PRENDRE DANS LE CUL ?! ».

À cette dernière phrase, Lucas resta complètement ahuri quelques secondes avant de se mettre à rire.

Sérieusement ?!

J'ai hoché la tête en riant en silence.

Mes frères se sont totalement foutus de ma gueule depuis ce jour-là.

— Tu m'étonnes !

— Et toi, ai-je commencé, Ils ont réagi comment ?

— Aaaah bah c'était normal, il me fit signe qu'on tournait à droite au lieu de continuer tout droit, Mon père m'a demandé si je leur disais parceque j'avais un petit ami, et ma mère s'est demandée pourquoi je ne lui en avais pas parlé plus tôt.

J'ai acquiescé en silence et d'autres questions me sont venues en tête.

Mais dis moi, comment ça se fait que je ne t'ai jamais vu avant le début d'année ?

— Je suis arrivé en seconde, en janvier. je viens de Paris, moi, de base, mais mes parents préfèrent la campagne. Quand ma mère a été mutée c'était parfait pour eux.

Il s'arrêta devant une maison et poussa le portail. J'ai levé le regard pour bien l'observer. Elle paraissait vraiment neuve, avec un toit plat et des murs immaculés – de toute façon, tout le quartier était plutôt neuf – et était aussi vraiment grande.

Bienvenue chez moi, me fit remarquer Lucas en sortant ses clés de sa poche.

Je suis resté silencieux, admirant les alentours, et il dut presque me pousser à l'intérieur parceque je n'osais pas entrer.

Y'a pas grand chose en bas. Le salon, la cuisine, la salle à manger, puis la porte pour aller au jardin. Les toilettes sont au fond du couloir là en face de la salle de bain, et la porte à droite c'est la chambre de mes parents, avec la buanderie à gauche et le garage ensuite. Tu veux monter ?

— Euh, oui ? ai-je bredouillé, complètement paumé.

Il a balancé ses chaussures dans l'entrée et a pratiquement jeté son sac pour le faire glisser jusque contre le canapé. Ça ne m'étonnait même pas venant de lui. J'ai retiré mes chaussures à mon tour et l'ai suivi dans l'escalier.

Là y'a d'autres toilettes, l'autre salle de bain, la chambre de ma sœur, le bureau, pis ma chambre.

En entrant dans sa chambre, je ne sais pas vraiment ce à quoi je m'attendais, mais pas à ça. Enfin, il avait une chambre plutôt normale, avec quelques posters et photos sur les murs, ainsi que quelques médailles et le code morse. Sa chambre était plutôt spacieuse, et presque instinctivement, je me suis laissé tomber sur son lit double en un « oof ». Je n'arrivais pas vraiment à identifier l'odeur de sa chambre – contrairement à la mienne qui était un mélange de noix de coco et citronnelle. C'était juste son odeur, et j'aimais beaucoup ça.

J'aime bien ta chambre, ai-je finalement admis.

Il s'assit à côté de moi en souriant.

Merci.

J'ai regardé l'heure, puis me suis redressé sur mes coudes, un sourire assez amusé sur le visage.

Bon, on a à peu près une heure trente avant de devoir retourner au lycée, on fait quoi ?

Il eut l'air de réfléchir quelques instants.

Je sais pas, je m'en fous.

Une moue prenant place sur mon visage, je me suis assis plus confortablement, et après quelques mouvements, me suis retrouvé presque à quatre pattes sur son lit. Il m'a regardé étrangement.

Bordel tu sais pas t'asseoir correctement ?!

— Non, j'ai jamais vraiment réussi à trouver une position confortable, lui ai-je avoué en riant.

Il soupira, un sourire trahissant quand même sa véritable expression, alors qu'il retirait sa queue de cheval.

Tu les as gagné en quoi tes médailles ?

— Boxe. J'en ai fait trois ans au collège.

J'ai lâché un bruit offusqué. Je m'étais battu avec un gars qui avait volontairement omis le fait qu'il avait fait de la boxe ? Ce n'était pas étonnant que j'ai perdu contre lui ! Il m'a regardé bizarrement – encore une fois – probablement confus par ma réaction, et a fini par se rapprocher de moi, pour poser une main sur ma joue. J'ai cru que mon cœur avait loupé un battement – métaphoriquement, sinon je pense que je serais bon pour l'hôpital – et sans m'en rendre compte, j'ai retenu ma respiration.

Au fond de moi, je pensais sérieusement qu'il se fichait de moi, et qu'il allait me faire une pichenette ou me taper le front comme il avait l'habitude de faire avant de se moquer ouvertement, me demandant ce à quoi je m'attendais.

Il ne se fichait pas de moi.

Il a déposé ses lèvres sur les miennes en silence, manquant de me provoquer l'attaque cardiaque. Il va me rendre fou– quoique ce serait mentir que de dire qu'il ne m'avait déjà pas fait complètement perdre la tête. Les yeux clos, je me suis laissé aller, laissant ses lèvres entraîner les miennes dans un rythme unique. Je l'ai senti se rapprocher un peu plus de moi, penchant légèrement sa tête sur le côté. Entrouvrant ma bouche, je l'ai autorisé à utiliser sa langue, la sentant fouiller et parcourir ma bouche, prendre ses repères, comme s'il n'avait pas déjà fait la même chose il y a quatre jours de ça. Je ne me sentais pas particulièrement spécial. Après tout, des filles, Lucas en embrassait une différente quasiment tous les midis, et le fait d'être un garçon ne me rendait pas plus important. Pourtant, au fond de moi, j'avais quand même une petite flamme d'espoir : une petite flamme qui me disait qu'il embrassait rarement la même personne – c'était vrai, il ne voulait pas montrer de signes à celle qu'il embrassait, il ne voulait pas lui faire croire qu'il voulait plus que juste mettre sa langue dans la bouche d'une pétasse. J'avais cet espoir, que moi, j'étais différent. Et cet espoir me fit vraiment avoir chaud sur le coup.

Le visage rouge, je l'ai légèrement repoussé, juste pour pouvoir enlever mon sweatshirt. Il m'a d'abord lancé un regard plutôt intrigué, et je me suis simplement contenté de rétorquer.

J'ai un t-shirt en dessous gros malin.

Un sourire traversant ses lèvres, il n'eut pas vraiment l'air de s'en faire particulièrement, de l'autre morceau de tissu qui recouvrait mon torse, parcequ'il se pencha vers moi, tira sur le col de mon t-shirt pour avoir de la place et posa ses lèvres sur mon cou. Instinctivement, un hoquet de surprise vint quitter mes lèvres alors que je le sentais s'attaquer à ma peau. À l'instant même où il posa sa bouche sur le creux de ma clavicule, un gémissement incontrôlé me quitta. Partie sensible oblige, je me suis retrouvé complètement faible et incompétent contre ses baisers, pour finir allongé sur le dos, le souffle coupé, une main plaquée sur la bouche pour m'empêcher de ressortir un son si ridiculement aiguë.

Tout ça avait l'air de bien l'amuser, en tous cas.

C'est bon à savoir ça, t'es vachement sensible ici.

Il caressa ma clavicule, et je me suis entièrement contracté, un frisson parcourant mon échine. Je me sentais un peu idiot sur le coup, et j'ai réussi à parler.

Arrêté de faire n'importe quoi, c'est pas drôle ce que tu fais là, espèce de con !

— J'ai jamais dit que c'était drôle.

— Mais je veux pas faire ça ! Je voulais pas que tu me fasses un putain de suçon, Lucas ! Pas là, pas maintenant, pas–

— Concrètement c'est plutôt quatre, mais je t'en prie continue.

— ARRÊTE DE PRENDRE ÇA À LA LÉGÈRE, C'EST PAS RIEN !

Il soupira, passant une main agacée dans ses cheveux. Les sourcils froncés, une moue plus que visible sur le visage, il finit par me percer en plein cœur.

Je ne suis pas débile, lapin. Et tu n'es pas discret.

La bouche sèche, je n'ai pas réussi à dire quoi que ce soit. Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Au fond, je savais que je savais, mais je pense que je ne voulais absolument pas y faire face.

Sérieusement, tu as cru que j'étais tiré d'un navet romantique débile ?! Y'a que les idiots pour croire que tu n'es pas attiré par moi !

— Ça va ton ego pour croire ce genre de choses ? ai-je sifflé, plutôt sur la défensive.

C'est pas une question d'ego, Camille, et tu le sais particulièrement bien. Je sais que tu le sais.

Il avait bon sur ce point là. J'essayais juste de me trouver une justification, et le problème dans l'histoire, ce que je n'en avais pas.

Ce ... j'ai failli commencer à m'ouvrir à lui, et j'ai immédiatement refermé ma bouche, ne voulant actuellement pas le faire, Ça ne sert à rien de me le faire remarquer, si c'est pour jouer avec moi, c'est ridicule.

— Qui te dis que je–

— C'est réciproque ou pas ? Dis le moi directement, que je sache si je prends mes affaires et je m'en vais ou si je reste là.

Il resta silencieux quelques instants, la bouche entrouverte, puis finit par me fixer droit dans les yeux.

Je ... Je ne suis pas attiré par toi, Camille.

J'ai cru recevoir un coup de couteau en plein cœur. Quoique j'ai plutôt cru en recevoir une douzaine. Le souffle coupé, j'ai baissé la tête, et finit par acquiescer.

C'est pas contre toi, mais à mes yeux, tu n'es pas différent des autres.

J'avais du mal à y croire. Au fond, même si je me persuadais qu'il ne m'aimait pas, j'avais quand même quelques espoirs : il venait de les briser, aussi simplement qu'on écrase une feuille morte dans la rue. J'avais sérieusement cru que, justement, j'étais différent des autres. Je me suis bien trompé, et ça me faisait rire : pourquoi croire être spécial quand on ne l'est pas ? Je fais pitié.

En silence, j'ai attrapé mon sweatshirt, l'ai enfilé, et sous son air désolé, j'ai balancé mon sac sur mon épaule avant de descendre en silence. Il ne m'a pas suivi. Il est resté dans sa chambre, et moi, j'ai décidé que je n'irais pas à mes cours de l'après-midi. Si c'était pour le voir lui, ou qu'on me pose des questions incessantes et envahissantes sur mon humeur, je refusais d'y aller. Pour la première fois de ma vie, j'allais sécher l'école.

Y'ALL DÉSOLÉ DE PAS AVOIR POSTÉ PLUS TÔT J'SUIS GOGOL J'AI OUBLIÉ ALLEZ BYE JE VOUS LAISSE SUR ÇA, PROMIS JE SORS LE PROCHAIN CHAPITRE VERY SOON

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