Scène X.

Dans un sursaut, Harry ouvre les yeux.

Il n'y a aucun bruit.

La lampe de chevet est toujours allumée, mais une nouvelle source de lumière s'est ajoutée à la pièce. Elle n'est plus aussi sombre.

Ce sont les premiers rayons timides du soleil qui se faufilent un chemin entre les pans du rideau.

Les premiers rayons du soleil qui cherchent à mettre fin à une nuit qui ne semble plus n'être qu'un songe.

Harry cligne des paupières, se tourne sur le dos et grogne.

Il n'y a plus cette source de chaleur contre son corps.

Il est allongé au milieu d'un lit vide.

Vide et froid.

Il se redresse sur son coude, observe la pièce autour de lui.

Les contours, sous la lumière du jour, semblent plus nets et précis.

Ses vêtements sont encore empilés sur le fauteuil où il les avait rassemblés après le bain.

Un mauvais pressentiment naît au creux de son ventre.

Il se redresse afin d'être assit, la place à côté de lui n'est même plus tiède.

Harry : Tu es encore là... ?

Il essaie. Sa voix est rauque de sommeil, pâteuse et tremble un peu.

Mais c'est un échec.

Aucune réponse.

Le silence total.

Écrasant.

Angoissant.

Maintenant que la réalité le frappe, Harry se rend compte qu'il n'a même pas connaissance de son prénom.

Il se lève, enfile son caleçon et commence à reboutonner sa chemise.

Pour être certain, il va voir dans la salle de bain. Il allume la lumière vive et blanche. Ses paupières se plissent, il tique et souffle.

Le vide.

Personne.

Il n'y a pas d'autres pièces.

Il n'y a plus que lui dans cette petite chambre d'hôtel lugubre.

Harry serre les dents et retient les larmes qui affluent à ses yeux.

Il ne peut pas pleurer.

Pas maintenant.

Il se l'est promis.

Il le savait.

Une seule nuit.

Quand il revient près du lit, il remarque le sac de Louis n'est plus là.

Aucune de ses affaires.

Les verres en plastiques ont été jeté à la poubelle et il n'y a plus aucune trace de la bouteille non plus.

Tout souvenir de lui, de cette nuit, a disparu.

Il ne reste plus que les cendres.

Les miettes.

Les morceaux brisés.

Le poids des mots qui flotte encore lourdement dans l'air.

Son regard tombe sur la table.

Un papier. Blanc, parsemé de quelques lignes noires.

Harry sait ce que c'est.

Il redoute.

Il tremble.

Mais il s'approche et le saisit quand même.

Il lit ces mots, le cœur en travers de la gorge, parce qu'il ne lui reste plus que cela à quoi s'accrocher.

Harry,

Merci pour cette nuit.

Je ne t'oublierai jamais, tu m'as fait renaître l'espace de quelques heures.

Tu es bien trop beau et vivant pour que je te détruise comme les autres. Je te l'ai dis, tu es le premier. Mais le dernier aussi. J'ai décidé partir pendant que tu dormais. Les adieux auraient été trop compliqués, sinon. Je pense que tu le sais, mieux que moi même. Je préfère te laisser sur un sourire que sur des larmes. Tu en as déjà assez versées ces dernières heures.

Il est presque cinq heures trente du matin quand je t'écris cette lettre.

Quand tu te réveilleras, je serai autre part. Peut-être loin déjà.

Je dois admettre que c'est plus difficile de te laisser que je ne le croyais. Tu es là, tu dors paisiblement. Je pourrais tendre la main, te toucher et te demander de venir avec moi.

Mais ce n'est pas pour moi.

Ce n'est pas pour toi.

Tu mérites mieux. Et je sais, je ne suis personne pour te dire ce qui est bon pour toi. Mais je ne suis pas prêt.
Quand je le serais, quand je serais à la hauteur, l'Amour viendra me chercher. Je la laisserai me prendre par la main, je n'aurai plus peur de la suivre. Parce que tu m'as montré que c'était possible, d'aimer et d'accepter de l'être.

C'est toi qui avais raison. Aucune rencontre n'a lieu par hasard.

Ne laisse jamais personne te voler ta lumière ou te faire de l'ombre. Et, surtout, ne cesse jamais de briller.

Louis.

Louis. Louis. Louis.

Les larmes envahissent les yeux d'Harry.

Il serre le papier entre ses mains, le froisse et le jette à travers la pièce.

Pourtant, il le savait.

Il savait que ce ne serait qu'une nuit.

Mais la douleur n'est pas moins présente. Intense.

Louis est parti sans lui laisser aucun choix, aucun dernier mot.

A part ceux-là.

Jetés sur un papier, comme si cela pouvait tout arranger.

Comme si ils suffisaient à panser toutes les blessures.

Harry se retient de rire. Il ne veut pas de cette lumière en lui. Il ne veut pas briller sans cet amour. Il ne veut pas briller sans Louis.

Cette nuit, c'est Louis qui a tout allumé en lui.

Sans sa présence, il préfère s'éteindre.

En espérant que la nuit l'avale.

En priant pour que le souvenir de cette nuit ne périsse jamais.

Pour qu'il puisse la vivre encore une fois.

Harry (murmure plusieurs fois d'une voix noyée de larmes) : Louis... Louis...

Louis.

C'est tout ce qui lui reste de l'homme dont il est tombé amoureux cette nuit.

Amoureux.

Harry pense qu'il n'existe pas d'autres mots pour qualifier ce qu'il ressent. Ils sont justes et véritables. Ils n'ont jamais été aussi sincères. Aussi exactes.

Il est tombé sous le charme de Louis.

Plus vite et plus intensément qu'il ne l'aurait voulu.

En réalité, il n'a rien vu venir.

C'est comme la foudre de l'orage qui frappe à un endroit de la Terre.

C'est Louis qui a cogné lourdement au creux de son cœur.

Il est venu. Il a tout bousculé. Il a tout bouleversé. Une tornade. Puis,

il est parti.

Après avoir tout pris.

Et rien laissé.

Harry se rhabille sans grande conviction. Il prend son portable dans son sac.

Huit heures deux.

Au fond, c'est de sa faute. Il le sait. Il ne peut que se blâmer.

Il n'aurait pas dû dormir.

Il aurait profité pleinement de Louis jusqu'à leurs dernières secondes.

Il aurait pu le regarder partir. Sans avoir l'impression de s'être fait arracher violemment le cœur.

Harry est presque déçu de ne voir aucun message d'un numéro inconnu.

Louis qui lui demanderait de venir le rejoindre dehors. Qui l'attend, dehors, dans sa voiture.

Une boule d'appréhension se forme soudain au milieu de sa gorge.

Les pensées se bousculent, au même rythme que les battements de son cœur.

Harry : Et si...

Après ces mots, il se dépêche de déverrouiller son téléphone.

La main tremblante et la poitrine douloureuse, Harry se connecte sur l'application.

Celle où tout a commencé.

Celle qui a donné naissance à leur rencontre.

Celle qui a signé le début de leur histoire.

Son dernier espoir ne tient plus qu'à cela.

Il clique sur ses conversations

retient son souffle.

Il sélectionne le profil de Louis.

Son identité restée secrète sous un pseudonyme.

Puis, page blanche.

Contenu indisponible.

Le contact n'existe plus.

Louis a disparu.

Entièrement.

Harry serre ses doigts autour du téléphone, se déconnecte, l'éteint et le range dans son sac.

Son souffle est éreinté.

Il serre les poings, tourne en rond au milieu du petit espace clos de la chambre.

Les murs semblent se resserrer autour de lui.

Il étouffe.

La chaleur est intense.

Les larmes coulent sur ses joues, il saisit les couvertures et les tire, les envoie voler dans tous les sens.

Les sanglots se coincent au milieu de sa gorge, sortent et laissent échapper des sons douloureux de sa bouche.

Quand il est épuisé, il se laisse glisser contre un mur.

Recroquevillé, il pleure longtemps.

Seul, dans un coin de la chambre.

Il regarde le lit.

Là où le fantôme de leurs corps se sont aimés, touchés et enlacés pendant des heures.

Il se revoit encore passer ses bras autour de Louis et l'écouter parler de son enfance, de sa mère et de son père, de son incapacité à aimer.

Il se souvient de la dernière fois où ils ont fait l'amour entre ces draps, haletants et en sueur, incapables de se parler, de se quitter des yeux et de ne pas s'embrasser.

Sur le bout de ses lèvres, il peut presque sentir encore le goût de celles de Louis. Leur dernier baiser, sur ce même matelas.

Au bout d'un long moment, Harry se lève. Il va se rincer le visage et rassembler ses affaires.

Finalement, il prend le mot écrit par Louis. Il le déplie, lisse le papier et le range dans la poche de son jean.

Il prend la clé de la chambre, posée sur la table.

Un dernier regard jeté autour de lui. Cette pièce baignée de souvenirs.

Des gestes, des regards, des baisers qu'il ne pourra jamais effacer de sa mémoire.

Puis, il ferme la porte derrière lui.

Harry rejoint l'accueil.

Le couple est encore là.

La femme et le mari, derrière le comptoir en bois.

Elle parcourt un magazine, il lit ce qui semble être un roman.

Un vieux livre aux pages jaunes.

Il n'y a personne.

Personne sauf eux trois.

Harry : Bonjour.

Homme : Bonjour.

Il tend la clé. L'homme sourit derrière ses petites lunettes, sa femme se lève et la range.

La seule empruntée.

Les autres ne semblent pas avoir bougé de leur emplacement depuis des semaines, des mois peut-être. La poussière s'accumule autour.

Harry regarde autour de lui.

Au cas où il trouverait Louis assit sur un de ces fauteuils démodés à l'entrée, un magazine à la main, en l'attendant.

Mais, il n'est pas surpris de ne découvrir que du vide.

Partout.

Harry : Est-ce que... Est-ce que vous auriez vu un autre jeune homme partir plus tôt ce matin ?

Homme : De taille assez petite et aux yeux bleus ? Oui oui, il devait être prêt de six heures je crois.

Harry : Aurait-il laissé quelque chose pour moi ?

Au cas où, Harry s'accroche à tous les espoirs possibles.

L'homme affiche un petit sourire désolé et secoue la tête. La femme se contente de foncer les sourcils, retournant à sa place assise.

Harry : Ca va paraître complètement stupide, mais... (petit rire nerveux) il est parti quand je dormais ce matin et... et j'aurais voulu connaître son nom de famille, un numéro de téléphone ou quoi que ce soit pour pouvoir le contacter... ?

Femme : Il ne vous a rien donné lui-même ?

Harry secoue la tête.

Maintenant qu'il y pense, sa question n'a aucun sens.

Ils doivent le prendre pour un fou.

L'homme ferme son livre, le repose sur le bureau. Son regard est doux, plus coloré que celui de sa compagne.

Harry : Laissez tomber, c'était... je n'aurais pas dû demander cela...

Homme : Attendez.

Après avoir adressé à Harry un petit sourire, il ouvre un grand cahier et tourne quelques pages. Il glisse son doigt le long d'une page, remonte ses lunettes sur son nez et hoche la tête.

Homme : William Deakin. C'est tout ce que j'ai. Il est arrivé quelques minutes avant vous hier soir. Nous n'avons aucune autre information à vous fournir.

Sa femme a les bras croisés devant elle, l'air agacé et sévère. Elle ne semble pas d'accord avec la décision de son mari de divulguer des informations sur leurs clients.

Harry baisse les yeux et serre les dents.

Louis n'a pas déposé sa véritable identité. Il ne pouvait pas s'y risquer.

Malgré tout, Harry le croit quand il lui a écrit un peu plus tôt qu'il s'appelle Louis.

Il ne peut pas lui mentir sur ça.

Harry : Merci.

Femme : Il a déjà payé pour la chambre, hier soir.

Un hochement de tête, Harry resserre ses doigts autour de son sac. Un léger soupir s'échappe de sa bouche.

Avant de partir, il prend un papier sur le comptoir, un stylo et y écrit deux mots.

Il s'adresse à eux d'une voix décidée.

Mais surtout, il regarde l'homme.

Harry : Si jamais il repasse ici... (il tend le papier vers lui) pourriez vous lui donner cela de ma part s'il vous plaît ? Ce sont mes coordonnées.

Femme : Je doute qu'il...

Homme (l'interrompt) : Avec plaisir, nous le gardons précieusement.

Les yeux d'Harry se posent sur la femme, qui le toisent d'un air hautain, puis il remercie son mari d'un sourire.

Il fait demi-tour, son attention s'arrête quelques secondes en arrière. Le couloir qui mène à la chambre.

Hier, il faisait le chemin inverse pour rejoindre Louis.

Découvrir ce que cela signifiait d'être vivant.

Aujourd'hui, il sort de cette chambre seul. Le cœur lourd. Au bord des lèvres.

Pour essayer de reprendre sa vie et ne pas penser à cette nuit.

Mais elle est là, elle est ancrée en lui. A jamais. Elle est sous sa peau. Elle est gravée. Un souvenir indélébile. Un de ces moments que l'on ne peut pas oublier, malgré toute la volonté du monde.

Il lui a dit, cette nuit. Il ne pourra pas oublier Louis.

Homme : Il vous retrouvera.

Harry se retourne, pris de cours par cette intervention. Un grain de curiosité dans ses yeux.

L'homme le regarde par dessus le comptoir, même sa femme semble pendue à ses lèvres.

Homme : Il faut laisser une chance au destin. Il reviendra vers vous.

Harry (fronce les sourcils) : Comment pouvez vous en être certain ?

Homme : Personne ne l'est jamais. Mais ce jeune homme... Son regard ne mentait pas, ce matin. Si ce n'était pas de l'amour, alors je dois être aveugle.

Un petit rire sort de la bouche d'Harry. A la fois nerveux et soulagé. Il sent le poids dans sa poitrine s'alléger.

Sa femme, elle aussi, affiche un sourire en coin. Même si son visage reste encore à moitié coincé dans son air sérieux.

Harry s'autorise à respirer un peu.

A avoir ce dernier espoir.

Il les remercie à nouveau puis sort de l'hôtel.

L'air est presque aussi étouffant dehors. La nuit n'a rien changé. C'est encore une chaude journée d'été. Les premiers rayons du soleil brûlent déjà la peau.

Harry rejoint sa voiture. La seule garée à l'horizon.

Hier, il n'avait pas fait attention.

Peut-être aurait-il vu celle de Louis.

Il s'assoit derrière le volant et pose son sac sur le siège passager.

Après avoir lâché un soupir, il démarre la moteur.

Harry essaie de ne pas penser à l'application sur son portable. Ou la lettre à l'intérieur de sa poche qui lui brûle la peau. Ce sera le seul souvenir qu'il gardera de Louis.

La voiture se met en route. Il part sans regarder en arrière.

Harry sait qu'il doit aller de l'avant.

Mais toujours avec l'espoir, au fond, que le destin les réunira.

A seulement quelques kilomètres de là.

Quelque part dans un café. Perdu.

Presque désert.

Trois clients. Deux serveurs.

Une vieille musique aux sonorités rock.

Un thé froid sur la table.

Une cigarette fumante dans un cendrier.

Louis regarde son téléphone, allumé entre ses doigts.

Il a supprimé son compte. Temporairement.

Un léger sourire apparaît sur son visage.

Cette nuit, il a appris une chose importante. Primordiale.

Il sait qu'aucune rencontre n'arrive par hasard.

Et que s'il souhaite contacter Harry, il aura toujours un moyen de le retrouver.

L'Amour le guidera.

Parce qu'il y croit. Parce qu'Harry lui a tout appris.

Ce n'était qu'une nuit.

Mais ce peut-être aussi l'aube qui se lève sur une nouvelle histoire.

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