Scène II.

Les draps sont froissés, désordonnés sous leurs mouvements pourtant lents. Mais passionnés. Ils se touchent partout, s'embrassent sur chaque bout et parcelle de peau.

Louis ouvre enfin les paupières, il n'a pas encore regardé directement Harry. Mais quand il ose le fixer, il perçoit son regard vert brillant, vibrant de vie.

Malgré tous les corps qu'il a pu connaître, il n'a encore jamais eu l'occasion de voir réellement. Jamais personne, non plus, ne l'a regardé comme s'il était plus qu'une histoire d'un soir, qu'un moyen d'oublier.

Pour la première fois depuis des années, au creux des prunelles d'Harry, il a l'impression d'avoir de la valeur et d'exister.

De ne plus être qu'un corps qui peine à rester en vie.

Une boule de souffrances silencieuses.

Et Harry est si jeune, si innocent, si coloré. Il n'est pas seulement composé de noir ou de blanc. Au contraire. Il vit sous une multitude de couleurs qui se contredisent et se complètent à la fois.

L'émeraude de ses yeux.

Le marron foncé de ses boucles.

Le doré de sa peau, la couleur du sable chaud sous les rayons du soleil en été.

Le rose irisé de ses lèvres.

Le beige laiteux à l'intérieur de ses coudes ou sous ses genoux, entre ses cuisses.

Le rouge délicat de ses joues.

Louis arrête tout mouvement, se mord la lèvre et secoue la tête doucement. Il repousse son corps contre le matelas, reprend son souffle. Son regard fuit le sien.

Louis (presque essoufflé) : Je ne peux pas.

Harry (confus) : Pardon ?

Harry roule sur le côté, son corps nu allongé à côté de celui de Louis. Il ne comprend pas, il se redresse sur un coude et fronce les sourcils. Louis ne le regarde plus, il fixe le plafond, les yeux vides d'expression.

Leur respiration est encore rapide et ils sont suffisamment proches pour que Louis puisse sentir l'excitation évidente d'Harry contre sa hanche. La chaleur émanant encore de sa peau soyeuse.

Cependant, malgré l'envie, il ne se retourne pas. Il regarde l'ampoule éteinte au plafond et soupire. Même si le désir l'en consume, il ne va pas se tourner pour soulager Harry et lui offrir un plaisir à lui en ôter les mots. Il ne va pas enrouler ses doigts ou ses lèvres autour de lui.

Ils ne vont pas partager un orgasme qui leur retournerait le corps et le coeur. Louis n'a pas le droit de vivre un aussi beau moment. Harry n'a pas non plus le droit de lui en donner.

Ce serait trop beau, trop vrai, trop fort.

Louis (à la place des gestes fantômes qu'il s'imagine, il murmure) : Tu es trop beau et trop jeune pour que je te fasse ça.

Harry : Si c'est ça qui te bloque, tu n'es pas ma première fois...

Louis : Non. (il l'interrompt nettement et marque une pause.) Tu ne mérites pas que je te traite ainsi, que je te détruise.

Harry se tourne sur son flanc droit afin de pouvoir mieux l'observer. Il ne comprend toujours pas. Les mots de Louis n'ont aucun sens à ses yeux.

Il sait parfaitement pourquoi il est venu taper à cette porte, pourquoi ils se sont donnés rendez-vous dans cet hôtel. Ils le savent tous les deux. Ils n'ont pas eu besoin d'énormément d'échanges pour arriver à cette nuit. Louis a été très direct, sûr de lui. C'est même lui qui a proposé qu'ils se retrouvent ce soir. Vingt et une heures.

Mais ce soir, il se dérobe. Ce soir, il perd tout ses moyens.

Louis n'ose toujours pas le regarder.

Honteux. En colère, contre lui-même.

Et contre Harry. Il n'a pas le droit. D'être aussi attirant, doux et bouleversant. De faire tomber toutes ses barrières en un regard.

Il n'a pas le droit de lui offrir la promesse d'une si belle nuit.

Revoir à nouveau ses yeux innocents, sa candeur.

Comment un homme aussi pur, aussi vivant, peut-il vouloir se jeter dans les bras de l'abysse ?

Harry : Qu'est-ce que tu veux dire ?

Harry finit par briser le silence, parler dans un souffle presque éteint.

Il a besoin de réponses, d'explications qui aient un sens.

Louis : Pourquoi es-tu venu ici, Harry ?

Harry : Parce que tu me l'as demandé.

Cette fois, Louis tourne son visage vers le sien. Lentement. Il lève un bras et passe le bout de ses doigts contre la joue rosée, encore chaude, du jeune homme.

Harry se penche pour venir l'embrasser à nouveau, mais Louis le retient. Il pose son index et son majeur sur ses lèvres charnues et secoue la tête. Si leurs bouches ne peuvent entrer en contact, leurs yeux comblent le fossé qui les sépare. Ils ne se lâchent pas.

Louis le sait, le sens. Un baiser et il replongera.

Un baiser et il oubliera.

Un baiser et il s'abandonnera à lui.

Un baiser et tout sera fini.

Ce ne sera pas comme avec les autres hommes, Harry est différent. Louis l'a remarqué dès qu'il a posé les yeux sur lui, dès qu'il a commencé à goûter ses lèvres et laisser leurs langues se caresser.

Mais Harry n'est pas de cet avis. Une étincelle brille dans ses yeux. Il entrouvre ses lèvres et passe ses dents contre les doigts de Louis. Sensuellement.

Louis sent la chaleur se réveiller au creux de son ventre dans une explosion, et son corps répondre à l'appel du sien. Ils s'attirent comme des aimants.

Là, il sait qu'il a déjà tout perdu. Plus de retour en arrière. Ils ne peuvent pas se repousser indéfiniment.

Harry mordille sa peau. Passe le bout de sa langue et finalement sa bouche chaude et humide se referme sur ses doigts.

Cette fois, Louis se mord la lèvre inférieure et gémit.

C'est pire qu'un baiser.

Ils ne se quittent pas du regard. Un boucle tombe devant celui d'Harry. Louis la remet en place sur l'arrière de son front et déjà l'autre jeune homme relâche ses doigts de l'emprise de sa bouche et prend la main de Louis. Il la fait glisser lentement le long de son corps nu.

Sur son passage, ses doigts humidifiés caressent son torse, son ventre, ses cuisses puis s'arrêtent sur sa virilité. Gonflée d'un désir intense. Inexprimable. Presque douloureux.

Ce n'est d'abord qu'une caresse, mais rapidement la main d'Harry brûlante recouvre la sienne, guide ses gestes. Il fait refermer ses doigts mouillés, autour de son membre tendus.

Louis (dans un souffle éreinté) : Harry...

Pendant quelques secondes, Louis ne parvient plus à respirer. Il se laisse faire par Harry qui initie les premiers mouvements pour son propre plaisir. Lents, trop lents. Un supplice

La respiration d'Harry s'accélère et il enfouit sa tête dans son cou. Des gémissements quittent déjà le fond de sa gorge.

L'air devient excessivement chaud. Presque insupportable. Ils ont l'impression de brûler sous la combustion du plaisir intense que partagent leurs corps.

Quand Louis retrouve son souffle, il soupire et secoue la tête, les yeux clos. Il retire sa main, sous celle d'Harry, et les gestes cessent.

Louis : Ne fais pas ça.

Harry (essoufflé et dans un murmure) : Alors, laisse-moi te faire plaisir.

Louis : Non.

Harry : Dans ce cas, pourquoi tu m'as fait venir ici ? (il relève ses yeux vers lui et le regarde.) Si c'est pour me repousser au final ?

Louis : Je ne pensais pas tomber sur... Toi.

Harry (vexé) : Je ne suis pas assez bien ? Je ne te fais pas envie, c'est ça ? Je ne suis pas ton genre ?

Un rire prend la gorge de Louis. S'échappe dans l'air à son insu.

Les sourcils d'Harry se froncent. D'un coup, il semble avoir perdu toutes ses couleurs.

Il se redresse, essaie de cacher sa déception. Une fois sortit du lit, il prend son verre de rhum encore rempli et le porte à ses lèvres. Le liquide coule d'une traite sur sa langue et lui brûle la gorge.

De sa place, redressé sur ses coudes, Louis pose son regard sur son corps nu, de dos, et sa peau laiteuse.

Les fossettes dans le bas de son dos, la fermeté de ses fesses et de ses cuisses.

Le grain de beauté sur son épaule, le milieu de son dos et derrière son genou gauche.

Louis aimerait avoir le courage de lui dire que le désir que provoque son corps sur le sien lui broie l'estomac. Que s'il préfère des hommes vieux, plus âgés que lui, c'est pour ne pas à avoir à aimer un corps en retour.

Pour ne pas tomber.

Pour être capable d'oublier et se détacher.

Pour se faire du mal sans avoir à en faire aux autres.

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