VII

Lorsque je sens vibrer mon téléphone contre ma main qui essaie de se réchauffer tant bien que mal dans ma poche, je ne prête pas attention. Ça attendra, me dis-je, plus préoccupé par le fait d'avoir froid, que par ce qu'on a à me raconter. Ça doit être Alice qui me demande encore de l'accompagner quelque part de toute façon.

Je slalome entre les voitures pour rejoindre au plus vite le bus qui semble fermer ses portes. Hors de question que je le loupe, pense-je en m'imaginant déjà grelotter sur le banc en attendant le prochain. Une fois installé, les pieds devant le chauffage qui se trouve sous mon siège, je m'autorise à regarder mon téléphone sans craindre de perdre un doigt au passage à cause de la température extérieure. Instantanément je reconnais ce prénom qui s'affiche. Mais en lisant ses mots, je me rends compte que je n'ai jamais donné suite à sa proposition.

« Le parc entre nos deux villes » écrit-elle. Je vois très bien duquel il s'agit, ce n'est pas comme si nous habitions à des kilomètres l'un de l'autre (étant donné qu'on voit les kilomètres sur l'application) et même si il ne s'agit pas du parc auquel je pense, j'aurais toujours le temps d'en rejoindre un autre pour trouver cette mystérieuse blonde. Je descends à l'arrêt d'après pour rejoindre le train qui me conduira tout droit à ce parc. Le paysage défile, les arbres aux feuilles orangées colorent la vue, les lumières de la ville sont éclatantes, de nombreuses décorations parent déjà les lampadaires et les balcons. Le froid n'est pas le seul à arriver de plus en plus tôt dans la journée, les étoiles aussi. Pour mon plus grand plaisir. Ne pouvant m'empêcher de contempler ce noir corbeau semblable à du velours, je reste scotché à la fenêtre, des petites traces de buée apparaissent à cause de mon souffle.

Après un long moment, je comprends soudain que le parc n'est plus si loin et qu'il faut que je descende à la prochaine station. Je rentre mon menton dans mon écharpe pour essayer de braver le vent, en adoptant presque la posture d'un oisillon dans son nid, blottit sur lui-même pour essayer de se réchauffer.

Je pousse la petite grille pour pénétrer dans le parc, qui malgré un froid d'une violence déconcertant pour une fin novembre, n'empêche pas les jeunes de rentrer à pieds, les vieux de nourrir les pigeons et les amoureux d'occuper les bancs.

Avançant lentement, sa photo sous les yeux, je me dis que le mieux c'est peut-être de la trouver sans lui demander d'indice, histoire que la première impression soit marquante. Je plisse les yeux pour essayer de reconnaître des traits, attirer un regard, qui me rappelleraient ce visage pixelisé que j'ai dans la main. Ma main est complètement crispée et commence à prendre une couleur dans les tons violets. Frigorifié, je m'installe sur un banc, essayant au loin d'apercevoir l'heure sur l'énorme statue au milieu du parc. Je décide de refaire un tour pour essayer de la trouver, après tout elle n'a pas donné d'heure, peut-être qu'elle n'est pas encore arrivée. Les personnes que je croise sont toutes emmitouflées dans d'épaisses couches de vêtements et se pressent de marcher à grands pas, sans doute pour gagner un point de chaleur.

Sa photo toujours en main et voyant les heures défiler, je me rends compte que mon idée de première impression surprise était profondément débile, car soit elle n'est pas venue, soit nous ne nous sommes croisés. Et dans les deux cas, lui répondre aurait été une idée bien plus judicieuse que vouloir impressionner la galerie.

En voyant qu'il est déjà vingt-heure et qu'un agent municipal vient pour fermer le parc, je rejoins la gare, cherchant quoi lui écrire.

« Salut, j'ai été idiot de ne pas te demander ta position parce que j'ai cherché dans un parc sans même savoir si c'était le bon hahahahaha. » ou encore « Hey! T'es venue ou pas? Parce que vu qu'on ne s'est pas donné d'heure ni d'endroit précis, on s'est pas vus!»

Je décide d'écrire simplement quelques mots, pour m'excuser.

« Les étoiles n'ont pas dû m'indiquer le bon chemin, car je n'ai vu aucun fil d'Ariane traîner pour me conduire à Danaé, pardonne moi... »

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