VI

Sans savoir réellement pourquoi, je ne faisais que regarder mon téléphone toutes les deux minutes pour voir si il a répondu à mon message de l'autre soir. Mais beaucoup de noms s'affichent sauf le sien. J'essaie de me concentrer sur mon cours tant bien que mal. Et si il avait mal pris mon dernier message? Ou peut-être finalement est-il comme les autres garçons sur cette application, attiré uniquement par celles qui sont disponibles rapidement. Après tout il a bien parlé d'une nuit, c'est qu'il ne compte pas rester plus longtemps... Je n'aurais jamais dû croire que son semblant d'originalité le rendait différent du grand nombre de ses compatriotes en demande d'amour éphémère.

J'ai toujours regardé les autres vivre leur vie sans prendre part à la mienne. J'étais celle qui prenait des photos de couple pour les autres, celle qui couvrait mes amies lorsqu'elles allaient voir leur copain du moment en prétendant qu'elles dormaient chez moi. Celle qui était toujours avec les filles qui attiraient l'œil et dont on oubliait le prénom, l'« amie de... ». Je n'en ai jamais voulu à mes amies, cela aurait très égoïste de ma part, au contraire je me réjouissais et me brisais en même temps qu'elles. Cependant je ne pouvais m'empêcher de les regarder avec envie, lorsqu'elles racontaient à quel point aimer et être aimée en retour donnait un sentiment de légèreté à la vie. Elles, en retour, ont toujours été bienveillantes envers moi. Elles ne me faisaient pas sentir de trop, ne faisaient aucunes remarques sur ma non-expérience en amour, étaient toujours en train de me proposer de venir avec eux au cinéma... mais tenir le sot de pop-corn entre deux couples qui s'embrassent n'a pas été une expérience que j'ai voulu réitérer, alors je les laisse vivre leur vie en vivant la mienne au travers des romans d'amour.

J'ai bien sur déjà eu des sentiments pour quelques garçons, mais ils n'ont jamais été réciproques. Je suis la fille sympa comme ils disent, la bonne copine, avec qui ils parlent de la fille dont ils sont amoureux. Alors face à ça, je ne pouvais faire autrement que simplement être cette amie dont ils avaient besoin, en laissant mes sentiments mourir au creux de leurs bras amicaux.

J'attends que le feu piéton passe au vert pour traverser et rejoindre la gare, par cette soirée d'automne glaciale. Sur le trottoir d'en face, mon regard se pose sur un couple bras dessus bras dessous, en plein éclat de rire et avec des yeux pétillants d'amour l'un pour l'autre, sans aucun doute. Après quelques secondes à les fixer en les admirant,je décide de saisir mon téléphone pour provoquer un peu le destin.

«Quand on tape ton prénom sur Google ça dit que tu es aventurier et curieux et que, je cite : tu es «un être très sociable » et que tu as soif de contact humain. Est-ce vrai ? Car il semblerait que le parc entre nos deux villes soit mon préféré si jamais un jour, comme ce soir, tu souhaites t'y balader. »

Je regarde le message s'envoyer et surtout l'absence de réponse au dernier en jurant dans ma tête.

Au pire il ne répondra pas et ne viendra pas, et tu sauras donc que cette idée d'application était absurde,me dis-je en essayant de sauver les meubles du mieux que je peux envoyant la petite flèche me confirmer que le message est bien envoyé.

Mes doigts commencent à devenir douloureux, mes pieds ont semble-t-il disparus car je ne suis plus en capacité de les sentir dans mes bottes. J'observe le parc et la grande horloge sur la statue qui me fait face. Dix huit heure. La nuit est tombée dans le ciel depuis déjà de longues minutes, rendant le froid encore plus impitoyable et l'attente de ce visage inconnu interminable. Mes yeux suivent chaque personne qui passe à mon niveau, les personnes qui viennent s'asseoir dans ce parc comme moi, en espérant croiser le regard lointain de ce garçon.

Vers dix neuf heure dix, je décide par obligation de rentrer me mettre au chaud, mon bonnet vissé sur le crane, mon nez qui coule, mes pieds complètement meurtris par le froid et mon écharpe presque jusqu'en haut du crane.

Tant pis, murmure-je dans mon écharpe. C'était ridicule de toute façon.

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