Assise dans un parc, je regarde la vie se dérouler sous mes yeux. Les passants traversent mon champ de vision, les bruits attirent mon attention de part et d'autre du parc. Puis doucement mon regard se pose sur deux personnes, s'embrassant discrètement mais passionnément dans l'herbe. Ils semblent briller de milles feux, comme un petit soleil, ils rayonnent d'amour et de bonheur. Soudain sans m'en rendre compte, je me surprends à penser que je ne connaîtrai plus jamais ce sentiment. Mon cœur semble gelé depuis des mois, depuis la rupture. Je n'aime plus, que ce soit cet inconnu du passé, ou cet inconnu dans mes messages. Je n'aime plus, et ça m'effraie. Qui sommes nous sans amour? Est-ce qu'il est possible de vivre avec un cœur malheureux? Peut-on encore ressentir le bonheur sans l'amour?

Je regarde mes messages, et je vois ces garçons faire semblant de s'intéresser à moi. Ils ont tous le même profil, aucun ne se détache du lot... pour la plupart je répond uniquement par politesse, pour les autres, c'est simplement par ennui. Je supprime quelques unes des conversations sur cette application que mes amies m'ont installé, par peur que je finisse seule ou peut-être aussi par pitié, je ne sais pas...

Je sens le soleil sur ma peau, et je relève mes lunettes sur ma tête. Une légère brise fait bouger doucement mes cheveux et je ferme les yeux.

A quoi tu ressembles, si tu existes? Es-tu impétueux? Es-tu sérieux? Es-tu sauvage? Quel est ton rire? Comment est ton sourire? Comment pourrais-je savoir que c'est toi parmi ces sept milliards d'individus?

J'ouvre les yeux en voyant qu'un nouveau profil vient d'apparaître dans mes messages. Je ne me souviens même pas d'avoir fait glisser ce jeune homme vers la droite, mais soit.

Elahija.

Oh si, je me souviens maintenant... c'est pour son prénom que je lui ai accordé le bénéfice du doute. Un prénom si atypique ne peut que cacher une personnalité singulière. Enfin... c'est ce que j'ai pensé.

Voyant qu'il n'a pas envoyé de message, je me dis que finalement c'était une erreur. Il n'y a pas de profil qui sort de l'ordinaire sur ce genre d'application. C'est toujours la même chose. Soit des garçons complètement vides, fades et qui s'inventent une envie d'aventure, soit des coureurs de jupon qui, si c'était un sport aux JO,  remporteraient l'or à tout les coups, soit des bobos assez pompeux qui se pensent être les prochains révolutionnaires. Ah oui, et les beautés froides. Ces jeunes hommes (et sans doute sont-elles présentes aussi chez les femmes) qui se savent bien trop beaux pour t'envoyer un message ou te répondre, et qui ne font que collectionner les matchs.

En somme, cette application ne crée pas de lien entre les gens, elle ne fait que les diviser par catégorie et même je dirais, les classer dans la hiérarchie du paraître.

Je souffle et regarde au loin. Je ne comprends pas pourquoi j'ai accepté de garder cette chose pendant un mois... j'en suis qu'au quatrième jour, et cela m'ennuie et m'indiffère au plus haut point. Je décide alors de sortir mon livre et de désobéir à mes amies. Elles me reprochent de ne vivre l'amour qu'à travers les mots sur le papier, et de ne plus le chercher autour de moi. Ceci étant, à travers les pages je ressens quelque chose. Je parviens à percevoir les sentiments qui m'ont habité fut un temps, et ceux qui m'ont abandonné. Dans ces livres je peux m'imaginer vivre ce que j'ai toujours voulu vivre un jour: l'amour, le vrai. Celui qui possède l'âme, qui berce le cœur d'une violence et d'une douceur sans pareil, ce sentiment à la fois déchirant mais enivrant. Celui qui m'a quitté, et que j'évite par peur de ne jamais plus le revoir... c'est assez paradoxal, et pourtant...

En rentrant chez moi, je m'aperçois que j'ai un nouveau message.

Elahija.

Alors il s'est finalement décidé?

« est-ce que tu veux bien m'offrir une nuit? »