I

- Elahija, tu viens? lança-t-elle d'un ton sérieux.

Mon regard ne pouvait plus se décoller du ciel tant j'étais absorbé de toute mon âme par ce grand tapis noir et ces taches d'une blancheur incroyable. Mon âme entière était éprise de la nuit, depuis toujours. Je vouais une fascination sans pareille pour l'astronomie depuis mon plus jeune âge. Et personne autour de moi ne trouvait ni l'intérêt ni l'envie de comprendre ma passion pour les astres. Ils ne percevaient que le percevable, sans jamais réfléchir à tout ce qu'il y a et qu'on ne voit pas.

- Oh! Tu viens?! meugla-t-elle, agacée.

Je fis un son qui ressemblait à un grognement raté, secouant ma main dans leur direction mais sans que mes yeux se détachent de leur muse. Elle compris sans doute que c'était un refus de ma part, et lâcha un simple « comme tu voudras », lassée. Elle était comme ça Alice, las. Et moi, trop peu intéressé pour vouloir la suivre dans toutes ses virées.

Il y a une chose dont je me souviens et qui date de plus loin que mon amour pour le ciel, mon désintérêt pour autres. Pas parce qu'ils ne sont pas intéressants, pas parce qu'ils n'ont rien de bien à raconter, mais parce que je n'arrive pas à trouver la même force qui me colle à leurs paroles ou leurs gestes, que celle qui retient mon attention comme la voie lactée. Heureusement, certains passent à travers l'émaille de mon filet, sinon tout ceci serait bien sombre.

Je n'ai jamais eu peur du noir, contrairement aux autres gamins. Je me souviens de la première soirée pyjama que ma mère avait organisée pour moi, c'était à mes cinq ans. Elle trouvait que je ne me faisais pas assez d'amis à l'époque, et s'inquiétait pour mon manque de liens sociaux et d'échanges avec mes petits camarades. Alors prétextant d'un quelconque événement dans ma courte vie de l'époque, elle fit une soirée pyjama pour moi.

Le début c'était très bien passé. Nous jouions dans le jardin. Ma mère nous proposait de temps à autre des glaces, des limonades faites maison, des cookies ou en encore de prendre une photo « pour l'album de mamie ». Elle envoyait des sourires à mon père, qui lui, restait comme à son habitude vissé sur le siège de la cuisine à lire son journal tout en bougonnant dans sa barbe. Elle lui glissa délicatement à l'oreille « tu vois que c'était une bonne idée » en passant pour déposer le plateau sur lequel elle avait apporté la dernière fournée de cookies. Le dîner fut l'un des meilleurs étant donné qu'il se constituait de hamburgers et de frites, le tout fait avec amour par ma mère.

Tout ça aurait pu être une réussite, jusqu'à ce que l'heure du coucher arrive. Mes petits camarades ont prit peur quand en plein milieu de la nuit je me réveillais pour aller observer les étoiles. Debout, stoïque, face à la grande fenêtre de ma chambre. Ils hurlèrent en me voyant à quelques centimètres du bord, sur le point de chuter.

Ma mère arriva en panique, me disant doucement de rejoindre mon lit, et en tentant de réconforter du mieux qu'elle pouvait les autres gamins présents dans la pièce. Elle tentait d'appeler mon père en gardant son calme légendaire mais aujourd'hui, je réalise la panique qui faisait vibrer sa voix. Et ce, encore plus en ne voyant jamais arriver mon père pour l'aider.

Alors elle arrêta d'inviter mes camarades d'école à dormir chez moi, jusqu'à ce qu'elle réussisse à convaincre mon père de fixer une barricade qui me séparerait du vide. Personne ne comprit jamais qu'une idée sombre n'avait pas traversé mon esprit ce soir là, juste l'envie de toucher les étoiles. Ma douce mère ne comprit jamais non plus pourquoi les autres m'appelait le zombie, car comme elle disait « tu es normal mon chéri, juste un peu trop passionné ».

Me voici donc aujourd'hui, dix neuf ans après ce fiasco, toujours les yeux posés sur la même beauté que m'offre la vie.

Comment j'ai développé cette fascination? Je n'en ai aucune idée. Je me suis retrouvé un jour à être si subjugué, que je ne pouvais plus respirer. C'était littéralement à couper le souffle. Les couleurs du coucher de soleil étaient magnifiques. Ce rose poudré, ce camaïeu de orange, un rouge clair en fond et un violet très léger... tout ça me semblait être un tableau naturel qui méritait d'être vu. Le genre de miracle auquel on ne pense pas.

Les gens ne regardent jamais le ciel, voilà pourquoi je n'arrive pas à m'intéresser pleinement à eux. Ils loupent la vie, et c'est insupportable pour moi.

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