Petite boule d'amour

J

e frotte si fort le bureau du Docteur que j'en ai mal à la main. Il n'y a plus aucune trace de poussière et j'ai presque peur d'effacer la peinture, mais j'ai vraiment besoin d'évacuer toute ma frustration et la meilleure façon de le faire est de décaper tous les meubles.

J'attends avec impatience l'arrivée du docteur pour l'interroger sur Stella mais l'heure tourne et le son caractéristique de sa démarche ne retentit pas. J'ai déjà fait le tour de chacune des pièces trois fois et l'accueil n'a jamais autant brillé. La salle d'attente elle-même est d'une blancheur immaculée et les magazines sont rangés par ordre alphabétiques ainsi que par date de parution.

Mes pensées tournent en boucle et je ne sais plus où donner de la tête pour les faire taire. Je trouve les enfants un peu étranges depuis hier soir et les paroles d'Olivier ne cessent de me revenir à l'esprit : « Vous n'avez aucune idée de l'identité réelle des gens que vous côtoyez ». J'aimerais bien lui prouver le contraire, mais comment faire alors que je doute moi-même de les connaitre vraiment ?

Léna a sans cesse une idée derrière la tête, elle est totalement imprévisible. Monique ne nous dit presque jamais rien sur sa vie, si tenté qu'elle en ait encore vraiment une. Et Hugo est aussi fermé et incompréhensible qu'une boîte à meuh. Sans parler de Guillaume, Julie, Olivier, Stella, Romain, Roxane et tous ceux dont j'oublie le nom.

Enfin, la porte s'ouvre et me délivre :

— Docteur !

— Emma. Vous semblez heureuse de me voir, sourit-il.

— Vous n'imaginez pas à quel point ! J'ai une question à vous poser.

— Allez-y.

Il dépose son sac et s'assoit nonchalamment sur sa chaise. Je m'avance et amène le sujet promptement :

— C'est à propos d'une de vos patientes. Enfin, je crois qu'elle l'est.

— Emma... Vous savez que je ne peux pas vous révéler ces informations.

— Je sais bien oui, mais... Enfin, j'espérais que vous pourriez faire une exception parce que...

Il relève ses yeux vers moi.

— Oui ? Parce que ?

— Son père la recherche. C'est important. Je ne peux pas tout vous expliquer, mais je vous jure que vous pourriez changer la vie de quelqu'un en me donnant ces informations. Voire même celle de plusieurs personnes.

Il marque un temps de pause durant lequel il semble en plein dilemme intérieur.

— Dites-m'en plus, finit-il par dire, intrigué malgré lui.

Un sourire ravi s'étale sur mon visage sans que je puisse le contrôler.

— Elle s'appelle Stella. Sa mère est dans le coma depuis... 8 ans je crois, quelque chose comme ça. Elle travaille chez le glacier, dans la rue de derrière, en ce moment. Son père s'appelle Olivier, mais je ne suis pas certaine que ça vous aide. Leur relation est assez compliquée d'après ce que j'ai pu comprendre.

— Hum, fait-il. Je crois que je vois de qui vous me parlez. Attendez cinq minutes.

Je hoche la tête et sourit ostensiblement. Le Docteur se met à fouiller dans les tiroirs de son bureau et en sort un épais classeur. Il chausse ses lunettes et explore les pages avant de s'écrier :

— Là ! Je me disais bien que c'était elle. Dhervillers. C'est ça ?

Il cherche confirmation auprès de moi mais je hausse les épaules sans grande conviction.

— Olivier Dhervillers. C'est le nom de son père. Je me souviens bien de Stella, elle ne cessait de grimacer chaque fois que je prononçais son nom de famille. Une étrange fille, mais très agréable. Elle me parlait souvent de sa mère, mais cela fait un moment que je ne l'ai plus vu.

Il réfléchit un instant avant de reporter son attention sur moi.

— Vous savez que je ne suis absolument pas censé vous donner ces informations, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête.

— J'espère que je peux compter sur vous pour ne pas trop ébruiter ces informations, Emma. Je vous fais confiance. J'espère de tout cœur que vous pourrez aider cette jeune fille et son père.

— Evidemment. Merci pour tout. Je ferai mon possible pour éclairer à nouveau leurs routes, souris-je.

Je me recule et attrape ma veste. Je pousse les outils de nettoyage dans le débarras sans cesser de sourire. Pour sûr, je serai une luciole. Une véritable luciole cette fois. Les enfants pourront être fiers de moi et je pourrais prouver à Loïc que je ne suis pas une ratée. Oh ça non. Il va se souvenir longtemps de l'étoile qu'il a éteinte, parce qu'elle va se rallumer sans lui et qu'aucun de ses mots ne la touchera plus jamais. Le ciel est bien trop haut pour les démons de son espèce.

Bientôt j'afficherai mes bras avec fierté. Plus de bleu ; plus de rouge, jaune ou vert. Juste Emma : la plus belle couleur que puisse prendre mon corps.

— Bonne journée Docteur. Que la sainte aiguille soit avec vous.

Cette petite phrase le fait rire. J'avais pris l'habitude de le saluer ainsi dans les premières semaines où je travaillais pour lui. Son rire fait vibrer mon cœur de bons souvenirs.

— À vous aussi, Emma. Que le saint vaccin d'amour vous pique dans l'heure.

Je ris à mon tour en tirant la porte derrière moi. Cette phrase-là, il ne la disait pas.

*

Dès la porte d'entrée de l'immeuble franchie, je monte les marches deux à deux et frappe rapidement à la porte de Léna.

— Léna ! C'est Emma ! Réunion d'urgence chez moi dans dix minutes ! Appelle les garçons !

Je n'attends pas sa réponse et redescends en trombes à mon appartement. Les jumeaux sont installés devant la télé, tandis qu'Axelle fait ses devoirs sur la table à côté d'eux. Je cherche Rosie des yeux et perçoit ses gazouillements sous la nape, aux pieds de sa grande sœur. Ce tableau bien heureux me fait sourire et me mettrait presque les larmes aux yeux.

— Maman !

Lilou me saute dans les bras et m'embrasse trois fois sur chaque joue. Je dépose un baiser sur son front et lui demande :

— Coucou ma puce ! Comment s'est passée ta journée ?

— Bien. Matthéo a volé mon stylo pour me faire un cœur sur la main mais la maitresse l'a grondé. Ça m'a bien fait rigoler ! J'étais quand même triste pour lui après. Il était joli son cœur, ajoute-t-elle en me tendant sa main droite.

Je regarde un instant le minuscule cœur au creu de sa paume et lui adresse un grand sourire.

— Quelque chose me dit que c'est le début d'une histoire d'amour ça, ma chérie.

— Oh non ! Beurk ! Jamais de la vie.

Elle tire la langue pour marquer son dégoût et j'éclate de rire. Axelle relève la tête vers moi à ce moment-là et nos regards se croisent. Je sais ce que me dit le sien, ses yeux bruns me le répètent souvent : leur père est là, quelque part. Toutes les histoires d'amour ne se finissent pas aussi bien qu'on le croit.

— J'ai invité Léna et les autres à passer. J'espère que ça ne vous embête pas trop.

Mathis hausse les épaules et se lève :

— Je vais aller dans ma chambre. On doit lire un livre pour demain, à l'école.

— Bonne lecture, petit monstre.

Je l'attrape au vol quand il passe à côté de moi et écrase un bisou sur sa joue.

— M'man... grommèle-t-il.

Je souris et lui ébouriffe les cheveux avant de le laisser partir. Rosie en profite pour sortir de sous la table à quatre pattes et demande :

— Lucioles ?

Ses petites mains couvertes de feutre attrapent la chaise pour l'aider à se relever et ses yeux pétillants me fixent, dans l'attente d'une réponse. Je fronce les sourcils et c'est Axelle qui parle la première :

— Oui, Rosie. Les lucioles.

Cette réponse semble satisfaire sa sœur qui repart se cacher sous la table. Axelle se tourne alors vers moi pour m'expliquer :

— Léna vous surnomme les Lucioles. Sûrement à cause du nom de l'immeuble, peut-être à cause d'autre chose. Je ne sais pas trop. Tu ferais mieux de lui demander directement.

Je hoche la tête et m'avance pour la serrer dans mes bras quand la sonnette retentie. Je me contente de lui déposer un baiser sur le front à son tour et me dirige vers la porte. Au moment où je pose la main sur la poignée, j'entends la douce voix de Lilou chuchoter :

— J'espère qu'elle ramène encore des crêpes. Elles étaient trop bonnes la dernière fois.

Je ne peux m'empêcher de sourire. Que ferai-je sans ces boules d'affection, franchement ? Il n'y a aucun mot pour décrire l'amour que je ressens pour eux et je ne peux m'empêcher de sourire encore quand j'ouvre enfin la porte.

~~~
Hey les petites boules de lumière !

J'espère que votre semaine s'est bien passée 🥰

[Presque] plus qu'un mois avant Noël !
Hâte ?

Si la réponse est non alors imaginez Monique déguisée en sapin de Noël et vous changerez d'avis. 🎄

J'ai toujours un peu de mal avec les chapitres du point de vue d'Emma, j'ai l'impression qu'ils sont moins... Entraînants.

J'espère que celui-ci vous a tout de même plu 🌟

Bon weekend 🍪

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top