Carte avenir VS carte souvenir

Le gang des cookies diaboliques finalement formé, Emma nous invite à rester manger. Léna est parti aider notre hôte à cuisiner et je les surveille depuis l'encadrement de la porte. Sur un signe de tête de Léna, je lance :

— Si vous me cherchez, je suis aux toilettes.

Aucune réponse, parfait. Je m'éclipse sans bruit et passe devant l'une des chambres des enfants où je les entends se chamailler. De vieilles images de mon fils et ma fille remontent à la surface. Je les revois dans le salon, en train de courir partout ou de se battre pour savoir qui aura le dernier gâteau.

Je rehausse mes lunettes et fais partir ces anciens souvenirs. Je dois me concentrer sur ma mission. Des bribes de conversation me parviennent depuis la cuisine, comme convenu Léna fait diversion. J'ai donc le champ libre.

Je me faufile dans la chambre d'Emma sans faire de bruit. Les murs tilleul semblent m'observer alors que mes pieds s'enfoncent dans le tapis rose pâle. Je commence par inspecter la table de nuit sans rien y trouver. La pièce est assez petite, mais il y a beaucoup de rangements à explorer. J'espère que cela ne me prendra pas trop de temps.

L'armoire ne me donne pas plus de réponses et je commence à désespérer de trouver quoi que ce soit. Tachant de me dépêcher, je commence la fouille de la commode. Les premiers tiroirs ne laissent paraitre aucun indice. Le dernier néanmoins contient de nombreuses photos. Après un examen plus approfondi des images, je ne découvre pourtant rien qui pourrait servir à Léna.

Quelque peu découragée, je me laisse tomber sur le sol qui n'est pas très confortable. C'est alors que mes yeux saisissent un léger reflet violet sous le matelas du lit. Je m'avance à quatre pattes tout en vérifiant que la diversion est toujours active. Arrivée à hauteur du lit, je soulève le matelas et en extirpe un journal à la couverture violette et dorée. Bonne pioche ?

— Monique ?

Je sursaute et manque de me cogner la tête contre le lit.

— Chut ! Moins fort enfin ! réprimé-je la voix en chuchotant.

Sur le même ton, elle me répond :

— Oui, d'accord. Mais dites-nous ce que vous faites ici.

Je me retourne pour découvrir Axelle et ses frères et sœurs me fixant intensément. Je me relève tant bien que mal et leur fait signe de rentrer dans leur chambre. Je les suis et ferme la porte derrière eux, en espérant qu'Emma n'ait rien vu ou entendu.

— Je volais. Voilà ce que je faisais dans la chambre de votre mère. Je volais d'accord ? Elle doit bien avoir quelques bijoux de valeur non ?

Lilou me regarde en soupirant avant de répondre :

— On sait bien que vous ne voliez pas Monique. Nous ne sommes pas dupes.

— Exact, renchérit Axelle. On sait que vous cherchiez autre chose. Et que vous ne l'avez apparemment pas trouvé.

Je hausse les épaules en cherchant mes mots.

— Vous savez que Léna veut aider votre mère ?

Ils hochent la tête de concert.

— Eh bien là elle veut retrouver ses parents. Vous devez bien avoir envie de rencontrer vos grands-parents non ?

Leurs regards s'accrochent et s'interrogent en silence. Je reste spectatrice de ce spectacle jusqu'à ce que Mathis se lève et marche jusqu'à une petite étagère. Lorsqu'il revient vers moi, il me tend une carte postale aux coins abîmés.

De sa petite voix, il m'explique :

— On a gardé ça du déménagement. Il y avait une adresse, on a pensé que ça pourrait être utile.

Axelle acquiesce et ajoute :

— On veut connaître notre famille et on sait que maman n'osera pas faire le premier pas. On était prêt à attendre que l'un de nous soit majeur pour se lancer. Maintenant que vous êtes là, on s'en remet à vous.

Je souris et me saisis du paysage bleu. L'océan se dessine sous le soleil et un cadre jauni peaufine l'image. Les mots au dos sont un peu effacés mais encore lisibles. Par soucis de discrétion, je me contente de jeter un coup d'œil à l'adresse et de ranger la carte dans la poche de mon pantalon.

La voix d'Emma nous parvient tout à coup :

— Monique ? Vous êtes là ?

— Oui oui. Je discutais avec les enfants. Nous arrivons.

Nous commençons à avancer vers la porte mais je me retourne avant de sortir et leur chuchote sur le ton de la confidence :

— On s'occupe de tout. Bientôt votre mère sera heureuse et vous aussi.

Je marche doucement jusqu'à la salle à manger et m'installe sur une des chaises autour de la table. Léna et Emma arrivent avec les mains remplies et m'interrogent :

— Un coup de main vous tuerez Monique ? demande Léna.

— Le seul coup de main que je donnerai de ma vie est réservé.

— A qui ? s'enquiert Emma, curieuse.

— Hugo. Un bon coup de main dans sa face d'imbécile. Ce n'est pas moi qui mourrai, c'est lui. Il mourra de honte, je vous le jure.

Léna s'esclaffe et Emma secoue la tête, désespérée. Autour de nous, Axelle retient un fou rire et les jumeaux affichent des sourires hilares.

— On ne vous changera plus Monique hein ? se désole Emma.

— Il ne vaut mieux pas essayer. J'ai des contacts en enfer vous savez ?

— Qui veut une crêpe ? demande mon interlocutrice, préférant changer de sujet.

Le rire de Léna redouble d'intensité et les jumeaux, affamés, tendent leurs assiettes. Nous nous mettons à table autour des aliments dispersés et garnissons nos crêpes selon nos désirs.

A la fin du repas, Emma envoie les enfants se coucher et Léna et moi nous éclipsons en promettant de se retrouver bientôt. Les cookies diaboliques trouveront un plan digne de ce nom, nous le jurons !

Au milieu des escaliers, j'arrête Léna et la pousse dans l'angle du palier.

— J'ai quelque chose.

Son visage s'illumine soudainement.

— C'est vrai ?

Je hoche la tête et extirpe la carte postale de ma poche, l'écornant un peu plus.

— Mathis m'a donné ça. Ils l'avaient gardée du déménagement. Ces gosses sont vraiment intelligents.

— Tout le monde ne s'appelle pas Hugo à vos yeux Monique, s'amuse-t-elle.

Je bougonne et l'incite à regarder l'adresse.

— C'est peut-être celle de ses parents.

Elle acquiesce et se saisit du papier.

— J'essaierai de vérifier ça. Pour l'instant, je dois vous laisser Monique. Excusez-moi, mais j'ai un rendez-vous.

Elle me lance un clin d'œil et s'avance vers son appartement plus loin dans le couloir.

— Avec le clown ou le dépressif ? je m'enquiers.

— Avec votre meilleur ami Monique, sourit-elle en réponse.

— Assomme-le bien de ma part. Mauvaise soirée espèce de cookie au chocolat blanc.

— C'est votre façon de me dire que je suis une traître ?

Je hausse les épaules et monte les escaliers sans me retourner. Le rire de Léna fend l'obscurité quelques secondes avant d'être coupé par la lampe de mon appartement. Je claque la porte et m'affale sur le fauteuil patientant dans la nuit.

Les larmes ne tardent pas à s'accrocher à mes joues, telles des adeptes d'escalade en falaise. Le vide ambiant se fraie un chemin jusqu'à mon cœur, serpent hostile dans un désert glacé. A la faveur d'un rayon de lune, j'avise le téléphone posé sur une petite table contre le mur. Sa couleur noire se noie dans le triste spectacle de ma vie et m'entraine un peu plus profondément dans la nébulosité.

Je me penche et tend le bras devant moi. Mon dos craque sous l'effort. Je décroche le combiné et cherche le bon numéro dans le répertoire. Après quatre sonneries, il décroche enfin.

— Romain ?

Un silence entre-coupé d'éclats de voix me parvient pour toute réponse. Je m'apprête à raccrocher quand sa voix résonne dans la pièce.

— Maman ? C'est toi ?

Ma main tremble contre l'appareil et ma voix ne peut s'empêcher de faire de même.

— Oui. Oui c'est moi.

Il ne dit rien, je ne lui en laisse pas le temps.

— Je suis désolée, Romain. Pour tout. Je vous ai abandonnés. Je vous ne l'ai jamais dit, mais je vous aime. Je vous aime tellement... Je suis fière de vous tu sais ? J'aurais du vous le dire plus tôt. Plus souvent. Je suis désolée... Tu le diras à ta sœur de ma part, d'accord ?

— Je suis là maman. Je t'entends, répond froidement la voix de ma fille.

— Maman ? Ça va ? Tu pleures ? s'enquiert mon fils.

— Je ne sais pas. Je ne sais plus rien, Romain.

Le combiné m'échappe, mes pieds glissent. Le sol me rattrape dans un grondement sourd. Seule la voix de mon fils me retient encore à la vie. Aujourd'hui, cela fait huit ans que Victor est parti. Et cette idée suffit à me donner envie de fermer les yeux pour toujours.

~~~

Bonjour mes cookies diaboliques !

Comment se passe le début de votre mois d'octobre ? Prêts à observer les feuilles tomber en cascades de flammes et à tirer la langue sous la pluie ?

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Monique se dévoile encore un peu... Et elle mijote quelque chose avec Léna en plus !

J'espère que vous avez hâte de lire la suite ;p

Bonne journée !

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